Après quatre années de fermeture, le musée national de la Résistance et des Droits humains accueille de nouveau le public dans un bâtiment modernisé et avec des expositions nouvelles.
En mai 2018, après avoir attendu des travaux de rénovation pendant des années, le musée national de la Résistance a fermé ses portes pour faire peau neuve. Des allées sombres, une exposition permanente un peu vieillissante avec essentiellement des panneaux fixes et des textes explicatifs : il était temps de moderniser l’ensemble.
Pour donner envie à des générations qui n’ont pas connu la guerre et dont les plus jeunes ont grandi avec des écrans partout, la scénographie ne pouvait plus être la même. D’autant que les événements récents, principalement la guerre en Ukraine, montrent qu’à tout moment nos démocraties, que l’on croyait longtemps acquises, peuvent basculer.
Pour éviter cela, il est capital de ne jamais oublier ce pan de notre passé, de comprendre les mécanismes de la résistance, la force et le courage d’individus qui modifient la grande Histoire sans céder à la propagande et à la peur.
Le 30 avril, enfin, après de nombreux mois de retard liés en partie au confinement, le public a pu à nouveau franchir les portes du bâtiment clair, place de la Résistance à Esch-sur-Alzette.
Devant l’entrée, un miroir d’eau personnalise le parvis. Entre les huit piliers, une sorte de ballon géant blanc, recouvert de quelques œuvres de Frans Masereel, dont un autoportrait, annonce l’exposition provisoire qui se poursuivra jusqu’au 14 août. De quoi attirer le regard.
Dans le hall principal, une grande partie des coursives a été fermée par des écrans qui font défiler des citations autour de la résistance. Le plafond, recouvert de plaques de leds, donne le sentiment d’un espace éclairé de façon naturelle alors qu’il était auparavant sombre et enfermant.
«Nous sommes passés d’environ 150 m2 au triple quand tout sera ouvert», explique Claudia Lima, chargée de la communication du musée.
L’éducation protège la démocratie
«Le premier week-end, une quarantaine de personnes étaient là et une centaine est venue pour le vernissage», indique Claudia Lima. Une dizaine de classes sont également passées depuis l’ouverture pour être sensibilisées aux sujets développés par le musée, des élèves d’au moins 12 ans.
L’aspect pédagogique, déjà important avant, devrait être encore renforcé. C’est le souhait des acteurs de cette rénovation, le musée, la commune d’Esch-sur-Alzette et le ministère de la Culture.
Le musée fait le constat qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le monde s’est écrié : «Plus jamais ça!». Cependant, en observant les évolutions politiques et les dérives actuelles dans certaines nations, les guerres, les massacres et les génocides dans d’autres parties du globe, «il apparaît clairement que ce souhait ne s’est pas réalisé», note-t-il. Pour lui, une éducation libre et indépendante constitue une réponse de poids face aux risques auxquels nos sociétés sont confrontées.
«Actuellement, nous donnons des formations pour avoir plus de guides, car nous n’avons que deux historiens. Dix guides bénévoles sont prêts», explique Claudia Lima. En plus de la visite du musée, un parcours prévoit le tour des points marquants d’Esch durant la Seconde Guerre mondiale.
L’exposition permanente pas encore totalement accessible
Mais tout le musée n’a pas encore rouvert ses portes, la majeure partie de l’exposition permanente qui traite des événements de la Seconde Guerre mondiale au Luxembourg sera dévoilée seulement au printemps 2023 sur deux étages.
Le musée avait présenté l’an passé sa nouvelle identité visuelle associée à son nouveau nom : musée national de la Résistance et des Droits humains (MNRDH).
Alors qu’avant sa fermeture le MNRDH était gratuit, il faut maintenant débourser 5 euros pour accéder aux collections. Il ne s’agit plus uniquement d’un lieu de mémoire, mais aussi d’un lieu de vie, avec une boutique et une cafétéria.
La réouverture du musée se fait notamment dans le cadre d’Esch 2022, même si l’association à cet événement plus global est assez discrète. Elle est intervenue juste avant le week-end des Luxembourg Museum Days qui ont eu lieu samedi et dimanche.
Des écrans permettent de faire défiler des photos d’archives, des visages avec des sons, des musiques qui immergent dans l’ambiance du récit.
Des niches biographiques présentent des personnes et des destins de l’époque de la Seconde Guerre mondiale. «Désormais, l’accent est mis sur les individus, les civils, les victimes, les juifs et même les collaborateurs», précise Claudia Lima.
Un graphisme fort pour dénoncer la guerre
Dans le cadre d’Esch 2022, capitale européenne de la culture, le musée a mis sur pied un projet intitulé «Qui cherche la paix». L’exposition «Idée de paix» en est le pilier, elle présente des œuvres du pacifiste et artiste expressionniste belge Frans Masereel (1889-1972).
Des traits noirs épais, qui contrastent avec des parties blanches, sans gris, sans nuances. C’est la patte graphique de Frans Masereel qui donne un fort caractère à la plupart de ses œuvres, dessins, mais surtout gravures. Il évoque la guerre, puisqu’il a traversé les deux guerres mondiales, la dictature, l’oppression et l’exode.
Les contrastes saisissants montrent une vérité cruelle, une souffrance criante, une impuissance, un désespoir terrifiant. Quelques aquarelles plus colorées, plus joyeuses, traitent notamment de la libération, comme La Mort de la guerre. Il thématise aussi la ville et le capitalisme.
Dans le nouveau sous-sol du musée, l’ambiance est assez sombre pour mettre toute la lumière sur le travail de l’artiste belge. La multiplication des œuvres procure un effet visuel très fort.
Au travers de son travail, l’artiste veut secouer notre conscience et nous met en garde. La pertinence et l’esthétisme de ses créations sont toujours d’actualité.
Outre les œuvres, l’exposition présente des explications historiques et artistiques, des animations interactives ou des extraits de films.
[/infobox]Masereel, ennemi du nazisme
Rien que pour le quotidien pacifiste La Feuille, Frans Masereel réalise de 1917 à 1920 plus de 800 commentaires graphiques contre la guerre et ses conséquences. Dans ses œuvres, qui ont rapidement acquis une reconnaissance internationale, il dénonce la guerre, le fascisme, la misère et l’injustice sociale.
[caption id="attachment_373598" align="alignnone" width="632"] Face à un écran géant incurvé, on peut plonger pour s’immerger dans le monde de Frans Masereel. (Photo : Julien Garroy)[/caption]Il est un maître de la gravure sur bois et produit, à partir de 1919, de nombreuses séries d’images qui sont considérées comme les précurseurs du roman graphique moderne.
Tous ses livres sont interdits dans l’Allemagne nazie, ses tableaux sont retirés des musées. En 1939, dans son appel «À mes amis les artistes», il écrit : «Nous n’avons pas le droit de nous taire» et appelle à la résistance. En 1950, il reçoit le Grand Prix de la Biennale de Venise et de nombreux autres honneurs suivent. En 1972, il meurt à Avignon.
l’ACOUSTIQUE EST TRèS MAUVAISE. wHO FOR G.D’S SAKE WAS THE ARCHITECT? Dommage pour ce beau. batiment.