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Quand Marienthal se transforme en Poudlard


Comme chaque matin, les sorcières Mélina, Laure et Rose comptent le nombre de points gagnés la veille par chaque maison.

Chaque été, le centre de jeunesse Marienthal se transforme en Poudlard. Cette métamorphose est due à l’investissement de ses huit animateurs, tous bénévoles. Leur dévouement plonge les enfants dans une bulle enchantée.

Chaque matin, la magie opère. La salle de jeu «Retterplay» se mue en Grande Salle de Poudlard. Comme dans la saga Harry Potter, on y compte les points remportés la veille lors des différentes activités proposées. «On annonce le classement et cela crée une vraie compétition. Ça motive tout le monde à s’investir», sourit Mélina, l’une des responsables du camp.

Depuis cinq ans, le centre de jeunesse Marienthal du Service national de la jeunesse (SNJ) vit ainsi au rythme de la magie chaque été. Ateliers sport, cuisine, créativité… Les trois animatrices en charge de la «semaine Harry Potter» ne manquent pas d’idées pour transporter les enfants dans l’univers de J. K. Rowling. «Nous leur apprenons des sorts en lien avec les gestes du quotidien. Aujourd’hui, c’était Lumos et Nox pour allumer et éteindre la lumière», ajoute Rose, une autre responsable.

Ces sorts à apprendre nécessitent surtout un accessoire indispensable à tout jeune sorcier digne de ce nom : une baguette. Une journée entière est ainsi consacrée à sa fabrication avant de passer à l’épreuve sportive : le volley-ball, transformé pour l’occasion en «match de balle magique».

L’activité sportive du jour : échauffement pour «un match de balle magique», et non de volley-ball. (Photo : Louis Wagner)

Après avoir mangé, l’après-midi est consacré à un grand rallye dans la forêt accolée au complexe, qui, elle, n’est pas interdite. La soirée essaie de faire plus appel à la réflexion en proposant par exemple des quiz Harry Potter ou encore un Loup-Garou version sorciers.

Enfin, la journée se termine par un rituel théâtral : une partie d’une pièce de théâtre est interprétée. Celle-ci s’étale sur la semaine et «le dernier jour, on révèle le dénouement, un moment très attendu», conclut Laure, comparse des deux premières nommées.

«Le bénévolat ne fait plus envie»

Dès que la «semaine Harry Potter» est annoncée, les inscriptions affluent à grande vitesse. «Harry Potter, c’est un classique. Les enfants adorent et nous aussi!» Mais Laure nuance cette joie, car «avant, on faisait quatre semaines complètes sur ce thème, mais à cause du manque d’animateurs, on ne peut plus faire qu’une semaine».

En cause, une perte d’intérêt pour le bénévolat. Laure pense en effet que «c’est important encore de donner quelque chose à quelqu’un sans attendre quelque chose en retour. C’est ça l’esprit bénévole.» Convaincue, elle affirme que s’occuper d’une colonie de vacances une semaine est «une expérience géniale qui change la vie de quelqu’un».

Il faut dire aussi que la crise sanitaire n’a pas aidé. Elle a marqué une rupture dans le cycle qui se maintenait à Marienthal. «Avant, on avait un renouvellement naturel : les anciens formaient les nouveaux. Aujourd’hui, il y a un trou entre les générations. Certains arrêtent et il n’y a pas encore assez de nouveaux formés pour prendre la relève», constate Rose.

Rose présente le mouvement à reproduire avec sa baguette pour user des sortilèges Lumos et Nox afin d’allumer et éteindre les lumières. (Photo : Alain Rischard)

Cette pénurie les oblige à se serrer les coudes : «Cette année, on est trois responsables. Normalement on est deux, mais pour cette édition on essaye une formule avec deux groupes : un groupe plus jeune, de 9 à 12 ans, et un plus âgé, de 13 à 15 ans, qui sert un peu de mentor, comme dans l’univers Harry Potter

Ce manque de bras les force aussi à beaucoup renouveler les activités pour donner envie à ces «grands» de revenir s’amuser, certes, mais aussi d’épauler les plus jeunes : «On se réunit au moins trois mois avant pour créer de nouvelles activités. On se creuse pas mal la tête oui», explique Rose.

Un mot d’ordre : la passion

Laure continue de venir, même après sept ans. «Pour les enfants. Ce n’est pas un job, c’est du bénévolat. Même si on reçoit une petite rétribution, on ne peut pas parler de salaire.» Pourtant, le reste de l’année, chacune a sa vie : Laure est institutrice, Mélina est éducatrice en maison relais et Rose étudie pour suivre une de ces voies.

Et de la passion, il faut en avoir pour réaliser toutes leurs tâches. Leur mission ne se limite pas à l’animation. Ces encadrantes ont un rôle de supervision et doivent savoir rassurer les parents.

Les trois directrices supervisent l’atelier impératif du début de semaine : la confection d’une baguette!

Rose trouve à ce sujet que le plus dur dans ce travail, c’est la communication. «Il y a un vrai travail de communication. Que ce soit avec les enfants, les parents ou entre les membres de l’équipe. On tient un blog réservé aux parents pour qu’ils voient ce qu’ont fait leurs enfants. On doit aussi leur répondre au téléphone et parfois ça peut faire beaucoup.»

Pour créer une parenthèse dans la vie des enfants, aucun écran n’est utilisé dans cette colonie. Forte de son expérience d’institutrice, Laure observe que «dès qu’un écran est allumé, l’attention des enfants est détournée. On ne veut pas ça. On autorise vingt minutes de téléphone par jour, mais au bout du troisième jour, ils oublient de demander ce temps.»

Le dernier jour, c’est la fête. À l’image des banquets finaux de la saga, la maison gagnante remporte un «Hogwarts Pokal», un grand bocal rempli de friandises. Tous repartent avec un diplôme et des souvenirs plein la tête. Laure se souvient avoir vu, au terme des semaines Harry Potter passées, «les enfants heureux, surtout ceux qui ne partent pas en vacances, vous remerciant mille fois pour la semaine. C’est la plus belle récompense.»

Pour savoir quand se produiront les prochaines éditions, rendez-vous sur youngcaritas.lu

L’animation, «une expérience qui change une vie»

Les trois responsables insistent : «C’est une expérience incroyable, qui change une vie. Le bénévolat, ce n’est pas travailler gratuitement, c’est apporter une partie de soi aux autres.» Et c’est aussi un atout professionnel.

Au moment d’entrer à l’université, Laure avait une copine qui «avait de meilleures notes, mais pas de brevets ni d’expérience avec les enfants» : «C’est pour cette raison que j’ai été prise.»

Elle en est convaincue : «Animer une colonie comme celle-ci développe des compétences énormes. Avant, je n’osais pas parler en public. Aujourd’hui, je le fais naturellement.»