Un robot conçu, assemblé et programmé au Luxembourg permet d’aider les enfants autistes à se développer et à améliorer leurs interactions sociales.
Du haut de ses quelque soixante centimètres, QTrobot est capable d’accomplir de grandes choses. Ce petit robot humanoïde tout mignon – c’est d’ailleurs son nom (QT se prononce «cutie», mignon en anglais) – a été créé pour aider les enfants atteints d’autisme à améliorer leurs capacités cognitives, communicatives et sociales correspondant aux premiers stades du développement, des capacités généralement altérées dans le trouble du spectre autistique (TSA).
Le robot, qui peut parler et bouger les bras, est doté d’un écran LED en guise de visage sur lequel sont représentés des sourcils, des yeux et une bouche, et qui peuvent exprimer de manière claire et donc aisément compréhensible des émotions simples, telles que la joie, la tristesse, la peur… Accompagné d’une tablette, il possède des programmes intégrés qui ont pour but d’aider les enfants à acquérir des compétences au fur et à mesure des unités d’apprentissage. Par exemple : réussir à imiter les bruits, à identifier, puis à nommer les couleurs, à reconnaître le matériel scolaire, à saluer… Le tout, sous une forme très ludique.
«Les enfants atteints d’un trouble autistique sont plus attentifs et engagés avec le robot qu’avec un être humain. Ils restent concentrés plus longtemps. Ces enfants sont en effet souvent distraits par la nature dynamique des interactions humaines. Ou ils vont guetter les réactions de leur interlocuteur s’ils sentent qu’ils disent quelque chose d’incorrect, ce qui les empêche de rester focalisés sur l’apprentissage en lui-même et peut provoquer chez eux de l’embarras, voire de l’anxiété», explique Aida Nazari Khorram, cofondatrice de la société LuxAI avec Pouyan Ziafati, et tous deux à l’origine de ce robot 100 % «made in Luxembourg».
Un outil supplémentaire
Autre avantage que présente le QTrobot par rapport à un humain : comme il fonctionne à partir d’un algorithme, il utilise une méthode d’éducation très structurée (la structure étant indispensable pour les enfants souffrant d’un TSA) et peut répéter indéfiniment la même chose. «Le robot fait les choses de manière très cohérente et répétitive.
Si l’enfant donne la même réponse, le robot va toujours avoir le même retour. La dynamique de l’interaction est prévisible, ce qui aide beaucoup les enfants autistes. De plus, il les encourage et ne donne pas de retour négatif, cela renforce leur confiance en eux et élimine l’anxiété. Quand l’enfant est plus calme, la concentration peut se faire sur les activités éducatives», assure Aida Nazari Khorram.
La Fondation Autisme Luxembourg a pu utiliser le QTrobot dès juillet 2021, auprès d’enfants anglophones, essentiellement des autistes verbaux, le programme n’étant alors disponible qu’en anglais. Le bilan est «très positif», fait savoir Aline Hizette, du service soutien post-diagnostic.
«Le QTrobot est un médiateur supplémentaire, qui, par son aspect attractif et ludique, aide à briser la glace lorsqu’on a parfois du mal à entrer en contact avec l’enfant. Bien sûr, comme tout outil, il fonctionne très bien chez certains, moins chez d’autres, cela dépend du profil de chacun», précise-t-elle.
Les séances avec le robot se passent en individuel, toujours en présence d’un professionnel. «Les exercices proposés par le robot sont assez courts. L’enfant peut répondre de lui-même sur la tablette fournie avec le QTrobot, mais le plus souvent, c’est le professionnel qui coche la réponse donnée par l’enfant sur la tablette, soit parce que l’enfant ne peut le faire, soit pour limiter l’exposition à un écran. Puis le robot réagit», détaille Aline Hizette.
Loin de couper davantage les enfants autistes du monde, le robot, en limitant les stimuli des interactions humaines, les rendrait ensuite plus enclins à accepter ces interactions. Mais, surtout, il participe à combler un manque énorme en matière d’accompagnement de cet handicap qui touche environ 5 900 personnes au Luxembourg, selon le CHL. Or il a été prouvé qu’une prise en charge précoce, intensive et adaptée peut avoir un impact significatif sur l’évolution de l’enfant autiste.
Une prise en charge dans le futur?
Il existe trois versions du QTRobot : une destinée à la recherche, une autre pour les écoles et une pour les familles. Cette dernière version coûte actuellement aux alentours de 2 300 euros. Un budget conséquent, d’autant que beaucoup de familles concernées par la problématique de l’autisme ont des finances moindres que la moyenne, d’une part, en raison du coût des soins spécialisés nécessaires à l’enfant handicapé et, d’autre part, du fait que, bien souvent, l’un des parents a dû, sinon arrêter de travailler, du moins réduire ses heures de travail, et donc son salaire.
Un espoir toutefois : si les témoignages concernant les résultats à court terme de l’efficacité du QTrobot sont élogieux (plusieurs centaines d’exemplaires ont déjà été vendus dans plus de 25 pays), des essais cliniques sont actuellement menés pour mesurer l’impact du QTrobot sur le long terme, ce qui, en fonction des résultats, pourrait potentiellement permettre d’obtenir une certification de dispositif médical.
Le processus est très long, mais cette certification obtenue, les dirigeants de LuxAI disposeraient alors d’arguments forts pour demander une prise en charge totale ou partielle du robot par les autorités publiques. D’autant qu’«utiliser QTrobot permet de réduire d’autres coûts sur le long terme», estime Aida Nazari Khorram.