L’Ombudsman, Claudia Monti, a livré hier les conclusions d’une expertise concernant les mesures de contention en milieu psychiatrique, qui ont tendance à être banalisées.
L’Ombudsman, dans son rôle de contrôleur externe des lieux privatifs de liberté (CELPL), a dressé un rapport de visite sur les unités psychiatriques infanto-juvéniles et s’est plus particulièrement penché sur les mesures de contrainte appliquées en milieu psychiatrique de manière générale.
«Nous étions d’avis que le Luxembourg accusait un certain retard dans la transposition de quelques normes internationales, surtout en matière de contention», explique Claudia Monti. Le CELPL a eu la nette impression que le milieu psychiatrique a recours un «peu trop facilement» à la contention, qu’elle est un peu trop banalisée au Luxembourg.
«Nous avons surtout été interpellés par la pratique qui consiste à envelopper les enfants dans des draps. Ils se retrouvent couchés sur le ventre avec les bras le long du corps et complètement enveloppés», décrit Claudia Monti.
Cette mesure, dont on ne sait pas qui la décide, vise à calmer l’enfant et elle est validée par le médecin, quoi qu’il en soit. C’est en réaction à cette pratique que le CELPL a décidé de faire appel à un expert indépendant allemand pour qu’il analyse la situation.
Pas de pièce d’isolement
Une de ses premières conclusions concerne la législation. Les mesures de contrainte doivent être beaucoup plus réglementées afin de donner un cadre juridique à ces mesures. «Dans l’idéal, il faudrait éviter toutes les mesures de contrainte, surtout pour les enfants», estime Claudia Monti. Pour y parvenir, il faudrait des pièces d’isolement et, surtout, du personnel qui se concentre exclusivement sur le sujet qui risque une mesure de contrainte.
Et, lorsqu’il y a une mesure de contrainte, il faut une surveillance. «Pour le moment, certaines cliniques prévoient que le personnel va voir toutes les 15 minutes comment ça se passe, mais la norme internationale parle d’une surveillance constante en cas de contention», note l’Ombudsman.
De nombreux hôpitaux ont reconnu que, malheureusement, ils n’avaient pas la place pour aménager des pièces d’isolement, d’où le recours aux fixations. C’est ce que l’expert a constaté dans son analyse. Il redoute aussi une banalisation de la contrainte et il aimerait qu’elle soit documentée de façon plus détaillée. «Il part du principe que, comme les patients semblent accepter assez facilement les mesures de contrainte, ils y sont habitués, et cela n’a plus rien d’exceptionnel pour eux», regrette Claudia Monti.
La fixation devrait être le moyen ultime de thérapie, mais l’expert n’a pas cette impression. Au contraire, il juge qu’au Luxembourg, c’est plutôt la solution de facilité à défaut de pouvoir recourir à d’autres possibilités, pas seulement l’isolement, mais aussi la désescalation ou le discours préventif.
Vingt ans de retard
La contrainte ne passe pas forcément par la fixation ou l’enveloppement dans un drap, elle peut résulter aussi du recours aux médicaments, avec la fixation chimique. L’expert n’est pas certain qu’il faille recourir à une médication aussi importante que celle pratiquée. «On devrait plus se mettre du côté du patient pour analyser quel est son ressenti», explique Claudia Monti.
Il faudrait beaucoup plus discuter avec le patient, surtout après les mesures de contrainte, pour vraiment analyser quel est le meilleur moyen de le soigner. L’expert observe qu’il n’y a pas suffisamment d’échanges entre les différents professionnels, que ce soit un échange interdisciplinaire ou un échange entre les différents hôpitaux.
Le CELPL s’est aussi intéressé au cas d’une dame âgée qui était fixée à son fauteuil roulant, même si l’analyse a surtout été axée sur les enfants. L’analyse que fournit l’expert est valable pour tous les patients hospitalisés en psychiatrie. Et sa conclusion est que le Luxembourg a vingt ans de retard sur l’Allemagne, par exemple.
En ce qui concerne la contention appliquée à l’aide de draps, ce qui avait choqué le CELPL et déclenché cette analyse, l’expert se demande si une autre variante de la fixation est judicieuse, étant donné que la fixation est souvent considérée comme superflue en pédopsychiatrie. Les limites entre une mesure thérapeutique ou de sécurité et une pédagogie autoritaire avec punition semblent floues et il peut en résulter un potentiel d’abus considérable dans la pratique.