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Projet de loi sur les armes : copie à revoir


Les responsables du SCAL craignent que la nouvelle loi aura "de lourdes et profondes conséquences pour tout collectionneur luxembourgeois". (Photo illustration LQ/Didier Sylvestre)

Le Conseil d’État a rendu son avis concernant le projet de loi sur les armes, résultat : pas moins de 19 oppositions formelles. Les collectionneurs d’armes avaient déjà relevé des incongruités dans un texte qui entretient le flou et l’insécurité juridique.

Le gouvernement a pris son temps pour rendre sa copie, mais le Conseil d’État l’invite à la revoir. Le projet de loi sur les armes et munitions transpose une directive européenne dont le délai était fixé au 14 septembre 2018, ce qui avait valu au Luxembourg une mise en demeure un mois plus tard. Finalement, Félix Braz a déposé le projet de loi en mars dernier et depuis les critiques pleuvent de la part des collectionneurs, des tireurs sportifs et des chasseurs. Bref, tous ceux qui détiennent des armes sont stupéfaits par ce texte et ils ne sont pas les seuls. Le Conseil d’État, face à un texte imprécis et parfois contradictoire, a émis 19 oppositions formelles relevant pour la plupart d’insécurités juridiques.

La directive européenne transposée visait l’harmonisation et le contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes et laissait aux États membres le droit de régler le port d’armes, la chasse ou le tir sportif. Son but était de lutter contre le terrorisme en empêchant l’accès à des armes à feu aux terroristes, de contrôler davantage le trafic illégal d’armes à feu et de lutter contre l’utilisation abusive des armes à feu à des fins criminelles.

Les chiffres les plus récents du ministère de la Justice recensent quelque 94 000 armes enregistrées au Luxembourg au début de l’année 2018 appartenant à près de 15 000 personnes. Il n’est pas seulement question d’armes à feu ici mais également des matraques, couteaux, baïonnettes ou encore des sabres.

Les premiers à avoir dégainé face à ce projet de loi furent les collectionneurs. D’abord parce que certaines des dispositions du projet de loi « dépassent considérablement le cadre de la directive européenne et l’adage devant guider le législateur national en matière d’implémentation et qui stipule « toute la directive, rien que la directive » n’a clairement pas été respecté », écrit la Société des collecteurs d’armes Lëtzebuerg (SCAL).

Les collectionneurs regrettent en effet que les catégories prévues par le projet de loi sont trop nombreuses et dépassent largement celles prévues par la directive. « Les catégories créées sont compliquées et parfois confuses, voire contradictoires », disent-ils, craignant que le texte ne crée de l’insécurité juridique. Avis que partage désormais le Conseil d’État.

«Pas des criminels!»

La SCAL se dit consternée par les dispositions de l’article 6 qui interdisent absolument la détention d’armes de catégorie A pour une personne physique ou morale au Luxembourg et qui aura « de lourdes et profondes conséquences pour tout collectionneur luxembourgeois ». Il existe un grand nombre d’armes de cette catégorie au Luxembourg qui sont des armes provenant essentiellement de la Première et Seconde Guerre mondiale et qui ont été abandonnées, cachées ou récupérées après les affrontements, comme l’explique la SCAL dans son avis. Des armes souvent considérées « comme des « pièces de famille » qui ont été héritées de génération en génération ».

Le texte proposé par Félix Braz impose que ces armes soient neutralisées. Or, pour un collectionneur, la neutralisation d’une arme, historique ou non, « résulte toujours en la perte quasi totale de sa valeur », selon la SCAL. Le Conseil d’État est du même avis jugeant que ce nouveau dispositif porte une atteinte à la propriété « dans la mesure où l’arme de collection neutralisée ou transformée voit sa valeur réduite », écrit de son côté la Haute Corporation qui émet une opposition formelle sur ce point.

Pire encore, même neutralisée, cette arme devenue pièce de métal sera toujours soumise à un régime obligatoire avec l’instauration de la catégorie C40. «La SCAL s’insurge contre l’argumentation utilisée lors des discussions en la commission de la Justice de la Chambre des députés où il est argumenté qu’une arme neutralisée reste, par son apparence, un objet sensiblement spécifique qui mérite de rester sous une certaine surveillance de la part de l’État.» Pour les collectionneurs, cette argumentation démontre clairement « le niveau de paranoïa généralisée existant quant aux armes à feu, que ce soit au niveau administratif, politique ou dans la population ».

Autre critique : la SCAL ne comprend pas pourquoi les auteurs du projet de loi estiment nécessaire d’instaurer une interdiction de transport d’armes et de munitions entre 23 h et 5 h. Quid des tireurs sportifs qui rentrent tard après une compétition ou des chasseurs qui s’adonnent à la chasse à des heures matinales ou qui doivent abattre des animaux agonisants après une collision avec l’animal errant sur la route? « Risquer au maximum 5 ans de prison pour ne pas avoir respecté un horaire de transport quasi arbitraire soulève également la question du caractère proportionné de la peine choisie », disent les collecteurs.

Pour eux, « la réponse de l’UE à l’extrémisme ne doit pas conduire à la stigmatisation d’un groupe ou d’une communauté en particulier ». Ils estiment utiles de rappeler qu’ils ne sont ni des terroristes ni des criminels, « mais des citoyens honnêtes, consciencieux et respectant la loi ».

Geneviève Montaigu