Déjà vivement contestée, la construction de la future ligne à très haute tension près de Junglinster connaît un nouveau couac avec l’attente, depuis 28 jours, de la réponse du ministère sur le tracé.
Cela fait 28 jours que le ministère de l’Environnement aurait dû dévoiler sa conclusion motivée au sujet de la construction d’une ligne à très haute tension de 380 kV de Bertrange à Aach (Allemagne), en passant par Bofferdange. Présenté en 2021, ce projet de Creos, la société gestionnaire des réseaux nationaux d’électricité et de gaz, a d’emblée suscité l’inquiétude des habitants de la commune d’Imbringen, près de Junglinster, dont une centaine s’est regroupée au sein de la Biergerinitiativ Amber 380 kV afin de contester et repousser cette future ligne de leurs maisons.
Comme évoqué dans nos pages le 31 juillet dernier, ces riverains déplorent l’impact du champ électromagnétique de la ligne 380 kV sur leur santé (risque accru de leucémie infantile, d’Alzheimer, de cancers du sein, de tumeurs cérébrales) dans le cas où le tracé «Asselscheuer-Bourglinster Nord» (voir plan) serait finalement adopté.
Afin d’éviter le choix de cette variante, à une distance comprise entre 120 et 140 mètres d’Imbringen, les habitants ont répondu en nombre à la consultation publique ouverte du 3 juin au 3 juillet dans le cadre de l’évaluation des incidences sur l’environnement (EIE) de la future ligne. En un mois, près de 1 000 réclamations, courriers ou lettres ont été communiqués au ministère. Comme le veut la loi, une conclusion motivée aurait dû être envoyée par le ministère à Creos et diffusée au public 90 jours maximum après la clôture de la consultation. Il n’en est rien et le suspense demeure, puisque le ministère n’a, à ce jour, rien publié.
Le ministère invoque un courrier abondant
«Tout le monde était en attente le 3 octobre, car c’était le dernier délai pour publier la conclusion motivée sur le site internet, mais nous n’avons rien vu», raconte un membre de l’initiative citoyenne, qui n’en revient toujours pas. Au vu de l’émotion régnant autour de la construction de la future ligne, la réaction de la Biergerinitiativ Amber 380 kV ne s’est pas fait attendre. «Nous avons demandé au ministère pourquoi il n’y avait rien et ils nous ont répondu qu’ils ne savaient pas quand cela allait se faire, que c’était à cause du fait qu’il y avait trop de courriers.»
Contacté par nos soins, le ministère de l’Environnement regrette que «le délai de 90 jours pour la publication de la conclusion motivée n’ait pas pu être respecté» et confirme que ce retard est causé par le succès de la consultation publique : «L’EIE concernant la ligne 380 kV présente une ampleur exceptionnelle et une grande complexité.»
Le ministère ajoute : «Environ 1 000 observations ont été soumises, lesquelles le ministère analyse actuellement. Pour prendre en compte ces observations dans la conclusion motivée, il est essentiel de consacrer le temps nécessaire.» Le délai est donc implicitement allongé, sans que plus de détails ou une nouvelle date ne soient donnés. Le ministère conclut simplement en assurant qu’il «travaille avec grande diligence sur ce dossier».
«Un sentiment d’insécurité»
Les citoyens déplorent la liberté prise par le ministère. «On ne nous a pas donné un jour de plus, c’était très strict. Le public doit faire ce que la loi dit, mais, dans ce cas, l’État fait ce qu’il veut.» Malgré cela, la Biergerinitiativ Amber 380 kV ne crie pas à l’illégalité. D’abord, parce que la loi ne mentionne pas de sanctions. Deuxièmement, ses membres essayent de voir ce retard d’un bon œil : «Cela peut vouloir dire qu’ils nous prennent au sérieux.» Un optimisme friable néanmoins. «Cela fait également peur, parce que nous ne savons pas si ce dépassement va être positif ou si cela va donner plus de temps au ministère afin de se préparer à d’éventuelles réclamations après la conclusion motivée et l’autorisation. C’est un sentiment d’insécurité et d’inquiétude», confie le riverain.
Cette crainte vis-à-vis de la conclusion motivée, incluant l’avis du ministère sur le tracé, provient du fait qu’«avant la consultation, toutes les données étaient connues, le ministère était bien informé depuis des années et il ne manquait que la consultation». Avec toutes ces cartes en main au préalable, «nous sommes un peu étonnés qu’à ce stade, le ministère n’arrive pas à respecter le délai».
L’attente risque même de se prolonger, car l’initiative citoyenne prédit que le ministère présentera plusieurs alternatives à Creos, qui pourrait donc prendre encore des semaines avant de choisir son tracé. Dans ce cas, le gestionnaire pourrait avoir le libre choix entre le tracé redouté «Asselscheuer-Bourglinster Nord» et d’autres alternatives qui ne rassurent pas la Biergerinitiativ Amber 380 kV : «Quand on voit les autres scénarios, nous ne sommes pas plus tranquilles.»
Une législation dérogée
La consultation publique réalisée auprès des riverains entre dans le cadre de la loi du 15 mai 2018 relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement. Le projet faisant partie des «projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement» (art. 2, par. 1), il est donc soumis à une évaluation sur les incidences possibles, et cela passe, entre autres, par une consultation publique.
Grâce à cette dernière, disponible en ligne, «tous les intéressés peuvent émettre leurs observations et suggestions par le biais dudit support électronique ou transmettre leurs observations écrites directement à l’autorité compétente au plus tard dans les trente jours qui suivent le premier jour de la publicité du rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement» (art. 8, par. 3).
Après les 30 jours de consultation, du 3 juin au 3 juillet, le ministère aurait dû publier sa conclusion motivée le 3 octobre, comme le veut l’article 10 : «Au plus tard quatre-vingt-dix jours après l’expiration du délai visé à l’article 8, paragraphe 3 […] l’autorité compétente transmet la conclusion motivée.»