La procession dansante d’Echternach, classée depuis 2010 au patrimoine mondial de l’Unesco, a fait son grand retour dans les rues de la cité ce mardi 7 juin, après avoir été annulée en 2020 et 2021 à cause de la pandémie. Son annulation avait créé un vide : son retour, du soulagement.
«Les pèlerins et visiteurs risquent de ne pas être aussi nombreux qu’auparavant», s’inquiétait, ce mardi matin, l’un des bénévoles à l’entrée de la basilique de Saint-Willibrord à Echternach. « Beaucoup de personnes âgées ont peur du covid et la procession est retransmise à la télévision », glisse-t-il en nous laissant entrer dans l’église.
À l’intérieur pourtant, malgré la crainte, tous les bancs sont occupés. Les pèlerins sont au rendez-vous, même s’ils sont bien moins nombreux que les précédentes éditions avant la pandémie (voir encadré).
L’archevêque de Luxembourg, Jean-Claude Hollerich, officie, les visages sont concentrés, les chants se succèdent au son de l’orgue. L’encens brûle dans l’air, la joie d’être là est palpable.
Il faut dire que les deux dernières années où la procession dansante d’Echternach n’a pu défiler à cause des restrictions covid, ont été péniblement vécues par certains. À commencer par les commerçants de la cité epternacienne : « Entre le covid et les inondations, ce fut vraiment deux années difficiles », déplore un cafetier rencontré place du Marché, heureux que la « tradition reprenne ». « Tradition », le mot est lâché. Il sera sur toutes les bouches des personnes croisées le long du trajet de la procession.
« Le goût du pèlerinage »
Tandis que la messe s’achève, dans la cour d’honneur de l’ancienne abbaye, les groupes commencent à affluer. Bientôt, elle sera recouverte de blanc, la couleur des chemises des danseurs. La relique de saint Willibrord, portée par les pompiers – les mêmes depuis des années – est d’abord posée auprès de Jean-Claude Hollerich pendant son allocution, puis se trouve à nouveau soulevée dans les airs et promenée à travers les rues, lançant ainsi le départ de la procession.
Les danseurs s’avancent, commençant à sautiller de gauche à droite, et entre chaque groupe, les fanfares jouent toutes le même air, une sorte de polka joyeuse et entêtante. Danser a manqué à Monique qui vient de Mamer avec l’harmonie de Rollingergrund, elle qui a pris « le goût du pèlerinage » depuis 2008. C’est l’occasion de participer à un événement reconnu mondialement et, avoue-t-elle dans un sourire, surtout très convivial, qu’elle conclut toujours par un repas avec ses amis présents.
Pour certains, c’est leur première fois, comme ce tout jeune écolier accompagné par sa maman, et qui est à la fois fier et intimidé à l’idée de danser devant tant de personnes. Ils sont d’ailleurs 330 élèves sur les 500 de leur école, fermée pour l’occasion, à se retrouver sur la place ce mardi. L’une des institutrices, qui leur a fait répéter les pas de danse, vient du sud du pays et c’est, pourelle aussi, la première participation. Depuis qu’elle enseigne à Echternach, confie-t-elle, elle a constaté l’importance que revêt la procession dans la vie des Epternaciens.
C’est « émouvant »
Constat aussitôt confirmé par Jean-Paul, originaire de la cité, qui reconnait qu’il ne manquerait cette journée pour rien au monde. Il y joue de la musique depuis 1981 et n’a pas hésité à poser un congé pour pouvoir être présent ce mardi. Lui aussi, une fois le défilé achevé, passera le reste de la journée avec des amis qu’il revoit parfois seulement à cette occasion.
Plus d’une trentaine de groupes défilent dans les rues de la cité moyenâgeuse. Sous un ciel menaçant, mais ne laissant échapper la moindre goutte de pluie, la procession quittent le parvis de la basilique pour traverser la ville avant de revenir dans l’église sous les regards des spectateurs amassés sur les trottoirs le long du parcours. Certains de ces badauds viennent de loin, comme ces deux dames, Louisa et Barbara, vivant désormais à Rome, mais qui ont vécu jadis à Echternach. Assister à la procession, cette « pénitence joyeuse » est «émouvant», expliquent-elles.
Denise, une habitante de la rue de la Sûre qui observe la procession par sa fenêtre grande ouverte, ne dit pas autre chose : « La procession est un événement religieux et culturel », mais aussi un moment où l’on se retrouve entre amis et en famille. Elle y participe depuis l’école primaire, alors son annulation ces deux dernières années lui a procuré un « sentiment tout bizarre, quelque chose manquait ».
Selon les chiffres donnés par l’archevêché de Luxembourg, le nombre de participants à la procession dansante est en baisse par rapport à l’avant-covid : 6 986 participants contre 8 913 en 2019 ; 266 pèlerins et chanteurs (592 en 2019) ; 1 073 musiciens (1 174) ; 5 605 danseurs (8 411) et 42 dignitaires ecclésiastiques (66).
Nombre d’activités ont des difficultés à retrouver leur niveau de participation d’avant-covid, mais à la peur d’attraper le virus et la prise d’autres habitudes pendant la pandémie, s’ajoute la contrainte de devoir poser un jour de congé pour assister à la procession.