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Procès hors-norme à Metz : « Les mineurs, une population de survivants »


L’amphithéâtre Le Moigne de la faculté de droit de Metz sert de cadre à un procès hors norme sur la question des conditions de travail des mineurs et cokiers de Lorraine. (photo Gilles Wirtz / RL)

Le procès en appel sur les conditions de travail à la mine a débuté vendredi à la faculté de droit de Metz. 755 anciens mineurs et cokiers de Moselle-Est réclament réparation pour les expositions à des toxiques au travail durant leur carrière.

L’amphithéâtre Le Moigne de la faculté de droit de Metz est plein comme un œuf ce vendredi matin. La quasi-totalité des 755 appelants sont là. Ce sont des anciens mineurs et cokiers de Moselle-Est qui réclament réparation pour avoir été exposés à un cocktail de substances cancérogènes lors de leur carrière aux houillères du bassin de Lorraine.

En première instance, en juin 2016, les prud’hommes de Forbach avaient donné raison aux anciennes Gueules noires et reconnu l’exposition nocive, voire mortelle, à des poussières et au formol. 1 000 € de dommages-intérêts ont été attribués à chaque dossier.

Mais les mineurs veulent une reconnaissance plus franche du préjudice subi et, surtout, un élargissement de cette reconnaissance à une vingtaine d’autres polluants utilisés dans les galeries de mine et les cokeries. L’indemnité accordée aux prud’hommes est également apparue trop faible aux plaignants.

Lors de cette nouvelle audience hors-norme, ce vendredi, Me Cédric de Romanet est le premier à prendre la parole. Le défenseur des anciens des HBL entre dans le vif du sujet : « Les mineurs, qui sont derrière moi, ont été exposés à des valeurs tellement importantes de polluants que cela explique la variété des maladies auxquels ils sont confrontés ou auxquelles ils risquent d’être confrontés. »

Deux vagues de mortalité

L’avocat spécialiste de la sécurité au travail rappelle que 25 personnes de cette procédure sont décédées depuis 2013. Cinq décès sont déjà reconnus comme imputable au travail dans les mines. « La population présente aujourd’hui dans cet amphithéâtre est une population de survivants. A la mine, il y avait deux vagues de décès : l’une avant 50 ans pour des cancers essentiellement. Une autre vague après 60 ans ».

La silicose à moins de 40 ans

L’avocat évoque la question du rendement : une pression imposée aux salariés des houillères et qui s’est réalisée au détriment des mesures de sécurité ». Selon lui, à la Houve à Creutzwald, certains mineurs de fond respiraient sur 5 ans la charge de poussière autorisée pour 30 ans. « Certains salariés ont eu la silicose à moins de 40 ans », ajoute Me de Romanet. Il cite même des noms.

« Des accusations graves et inacceptables »

«  Il n’est pas possible de produire du charbon sans faire de la poussière. Les accusations dont font l’objet notre client sont graves et inacceptables », répondent les avocats du cabinet Flichy Grange en faveur de l’ex-employeur, Charbonnages de France. Selon eux, Charbonnages de France (CdF)  a mis en place « des moyens cohérents contre les risques au travail. Il est aisé de critiquer une situation qui date. Les connaissances scientifiques de l’époque ne sont pas celles d’aujourd’hui ». Les avocats de CdF s’appuient également sur la notion de prescription : « Toute demande antérieure à 1983 n’est pas recevable », estime Me Joumana Frangié-Moukanas.

Le parquet avec les mineurs

Mme Caroline Chope, substitut général au parquet, s’est rangée du côté des mineurs et réclament la condamnation de l’ex-employeur. La Cour d’appel rendra sa décision en délibéré le 7 juillet prochain.

Chaque appelant réclame l’octroi de dommages-intérêts compris entre 15 240 et 30 000 €. Les mineurs et leurs défenseurs veulent surtout que la Cour reconnaisse la multiplicité et le volume des expositions aux produits toxiques à la mine.

Stéphane Mazzucotelli (Le Républicain lorrain)