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Procès d’un employé de la BEI qui filmait ses collègues féminines dans les vestiaires


Selon l'enquête, au moins 75 victimes avaient été filmées dans les vestiaires de la BEI au Kirchberg entre mai 2014 et juin 2016 par le quinquagénaire. (illustration Isabella Finzi)

Pendant près de deux ans, un employé de la BEI a filmé ses collègues féminines à leur insu. Le procès du quinquagénaire s’est ouvert jeudi matin.

« Vous risquez gros, monsieur. Si le sursis tombe, vous allez trois ans en prison et la nouvelle peine va s’y ajouter ! » Ce n’est pas la première fois que le quinquagénaire se retrouve devant le tribunal correctionnel. Mi-mars 2016, il avait été condamné pour détention, consultation et diffusion de matériel pédopornographique. Lors d’une perquisition en mai 2014, 2 490 images et 3 456 films à caractère pédopornographique avaient été retrouvés sur l’ordinateur à son domicile. Il avait écopé de trois ans de prison assortis d’un sursis probatoire avec l’obligation de faire soigner ses tendances pédophiles ainsi que d’une amende de 5 000 euros.

Depuis jeudi, le prévenu comparaît pour avoir installé une caméra cachée dans l’un des vestiaires réservés aux femmes sur son lieu de travail. «C’est la BEI qui m’a contacté», a rapporté l’enquêteur de la police judiciaire, section protection de la jeunesse, en charge de l’enquête. Sur une clé USB de l’employé de la banque, les enquêteurs avaient trouvé 1 665 films datant du 8 septembre 2014 au 18 avril 2016 : «À chaque fois, il s’agissait d’enregistrements de 20 à 30 secondes réalisés dans les vestiaires de la BEI. Les femmes s’habillaient ou se déshabillaient ou elles étaient toutes nues.»

2 351 enregistrements sur son disque dur

Au moment des faits, le quinquagénaire travaillait depuis près de dix ans à la BEI. L’enquête avait établi que par sa fonction il avait la possibilité de se rendre à proximité des vestiaires pour accéder à une armoire. «Le matin, il installait la caméra et la laissait tourner pendant trois à quatre heures avant de la récupérer. À son bureau, il effectuait un premier tri, puis créait et nommait les différents fichiers.» Sur son disque dur avaient été retrouvées 2 351 images datant du 17 mai 2014 au 30 septembre 2015. Enfin, dans sa voiture, une autre clé USB avec 425 enregistrements de mi-avril 2016 avait été retrouvée.

«Ce qui me frappe, c’est que trois jours après la perquisition dans le cadre de sa première affaire, il a installé la caméra. Et il a continué même après avoir été condamné en mars 2016», relève l’enquêteur.

«J’ai ce problème de voyeurisme»

«J’ai ce problème de voyeurisme qui me taraude depuis longtemps et me pousse. Je n’ai pas su me freiner.» Voilà la première explication livrée par le prévenu jeudi matin à la barre de la 12e chambre correctionnelle. Cela n’a pas suffi au tribunal : «C’est un peu mince. Il faudrait expliquer un peu plus, monsieur !» C’est finalement les larmes aux yeux qu’il a expliqué avoir vécu dans une sorte de bulle qui ne le faisait pas voir les choses telles qu’elles étaient : «J’ai perdu pied. J’ai été poussé à franchir les limites.» «Vous vous êtes fait condamner à trois ans de prison avec sursis probatoire. Mais ce premier procès n’a rien changé», le reprend le président. Le prévenu : «Je ne pouvais pas m’en empêcher. La conscience ne m’est venue qu’avec la détention préventive de presque cinq mois.»

«Comment en vient-on à l’idée de s’acheter une caméra camouflée et de l’installer ?», creuse le président. «Cela se trouve sur internet. Une fois qu’on a commencé, on ne peut plus arrêter», réplique le prévenu en détaillant qu’accrocher et décrocher la caméra lui prenait en tout deux minutes. Il dit avoir procédé de la sorte deux fois par semaine, dit-il. «À l’époque, c’était le besoin de collectionner. Je renommais, étiquetais les fichiers…»

«Il savait exactement ce qu’il faisait»

Lors de la perquisition à son domicile, les enquêteurs de la police judiciaire avaient également retrouvé 139 images et une vingtaine de films à caractère pédopornographique. «Les fichiers étaient supprimés, de sorte qu’on n’a pas pu déterminer leur date», remarque l’enquêteur.

L’experte psychiatre qui a rencontré le quinquagénaire dans le cadre de ses deux affaires constate une addiction à la consommation de matériel pornographique et pédopornographique ainsi qu’au voyeurisme. Lors du deuxième entretien, il lui aurait confié qu’il avait arrêté avec la pédopornographie, mais qu’il n’aurait pas pu empêcher son voyeurisme. «Il sait exactement que c’est interdit. Il savait exactement ce qu’il faisait», poursuit l’experte, selon laquelle il est important que le quinquagénaire, qui a entretemps perdu son travail, poursuive son traitement.

Pas moins de 45 femmes se sont constituées parties civiles dans cette affaire. Une bonne partie d’entre elles ont d’ailleurs assisté hier au procès. À la fin de l’audience, Me Emmanuelle Paviet, qui représente une mère et sa fille mineure au moment des faits, a demandé 12 400 euros de dommages et intérêts. Me Manuel Lentz représente, lui, 43 parties civiles. Pour 25 d’entre elles, il demande un euro symbolique au titre du préjudice moral. Les autres réclament des montants allant de 200 à 100 000 euros, soit un total de 169 500 euros.

Le procès se poursuivra mardi matin, à 9h.

Fabienne Armborst