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Procès du policier à Bonnevoie : « J’ai tiré en légitime défense »


La voiture a terminé sa course dans un arbre de la place Léon-XIII. L’automobiliste n’a pas freiné. (photo archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Le jeune policier a-t-il agi en état de légitime défense ? Un premier rapport d’expertise ne l’exclut pas, mais les indices trop maigres ne permettent pas non plus de l’affirmer.

«C’est vrai que j’ai tiré en état de légitime défense. Je n’avais pas l’intention de tuer.» Le 11 avril 2018, un jeune policier de 22 ans tire avec son arme de service sur une voiture qui arrive sur lui. La balle traverse le pare-brise de la Mercedes et tue son conducteur. Le jeune homme, qui a quitté la police depuis les faits, est inculpé d’homicide volontaire.

Son procès s’est ouvert ce mardi matin devant la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. De nombreux témoins, policiers et experts ont été convoqués pour les trois prochaines semaines. Ils devraient aider les juges à déterminer si le tir était la seule réaction possible de la part du policier.

Le prévenu et ses collègues effectuent un contrôle près de la piscine de Bonnevoie cet après-midi-là. La Mercedes, conduite par un Néerlandais âgé de 51 ans, ne s’arrête pas et est prise en chasse par la patrouille, qui essaye de l’obliger à s’arrêter en déboulant dans la rue des Ardennes depuis la rue Sigismond. La Mercedes parvient à éviter la voiture de police. C’est à ce moment-là que le prévenu tire à trois reprises sur la voiture de la victime : un premier tir à travers le pare-brise, un deuxième par la fenêtre latérale et un troisième à travers le pare-brise arrière.

Après les coups de feu, la Mercedes va rebondir contre une façade à – estime un expert entendu ce mardi – une vitesse de 33 km/h avant d’être arrêtée par un arbre. «Pour parvenir à manœuvrer afin d’éviter l’impact avec la voiture de police et avec le muret de la maison, la victime devait être pleinement consciente», avance l’expert en accidentologie. «Il a dû perdre conscience entre la maison et l’arbre. S’il avait freiné, il aurait pu s’arrêter avant de le percuter.»

L’action a été très rapide : 20,9 secondes. Un expert en accidentologie a tenté de la retracer à l’aide des indices laissés par la Mercedes 350 de la victime. Son but étant de déterminer la position du prévenu au moment des tirs ainsi que la trajectoire des balles à l’intérieur de la voiture et d’estimer le danger représenté par la voiture de la victime en mouvement.

L’incertitude plane toujours

Pendant plus de deux heures, il a, à l’aide de principes physiques, géométriques et mathématiques, très précisément résumé les résultats de son expertise. Il a notamment fait correspondre vitesse, trajet de la voiture et angle de tir. L’expert a élaboré trois scénarios possibles. Selon lui, les indices relevés ne permettent pas de déterminer la position précise du policier au moment du premier tir et des suivants. Il n’exclut toutefois pas la possibilité que le prévenu ait pu se trouver dans «une zone de danger immédiate» et ait pu «agir en légitime défense».

L’expertise ne confirme ni n’infirme la thèse de la légitime défense. Cependant, affirme la représentante du parquet, «l’expertise est favorable à la défense». L’expert avance que l’automobiliste a dû se livrer à «une manœuvre très agressive» d’évitement de la voiture de patrouille. «Il ne voulait peut-être pas blesser le prévenu. Il voulait peut-être seulement prendre la fuite pour ne pas se faire prendre», imagine la présidente de la chambre criminelle. La victime présentait une alcoolémie de 1,8 gramme d’alcool par litre de sang et était sous le coup d’une interdiction de conduire.

L’ancien policier, aujourd’hui âgé de 26 ans, est inculpé d’homicide volontaire. Les articles 416 et 417 du code pénal disposent qu’«il n’y a ni crime, ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui». Le policier qui a abattu l’auteur d’un car-jacking à Ettelbruck en juillet 2021 a pu bénéficier d’un non-lieu de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Diekirch en janvier dernier. Elle avait fait valoir la légitime défense.

Un film de près de trois heures sur la reconstitution des faits sera projeté jeudi après-midi. Il devrait permettre de clarifier le rôle du prévenu. Cet après-midi, les experts psychiatres et le médecin légiste rendront leurs conclusions. Ils pourront répondre aux questionnements de la défense sur le temps de réaction du cerveau entre la perception d’un danger et la réaction de protection notamment. Si l’expertise de ce mardi sur les circonstances des faits était cruciale pour la chambre criminelle, les rapports des deux experts psychiatres et du psychologue sont, eux aussi, très attendus.