C’est la première personne liée au 13-Novembre à comparaître devant la justice : le procès de Jawad Bendaoud, le « logeur » de deux jihadistes des attentats de Paris, s’est ouvert mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris.
Jawad Bendaoud, 31 ans, qui avait lors de précédentes audiences au tribunal laissé éclaté sa colère, est resté calme mercredi dans le box des prévenus, essuyant discrètement quelques larmes alors que la présidente du tribunal Isabelle Prévost-Desprez lisait le dossier. Il est jugé pour « recel de malfaiteurs terroristes » et encourt six ans de prison. Cet homme, qui a été la risée d’une France sous le choc après les attentats du 13 novembre 2015, a fourni l’appartement où Abdelhamid Abaaoud, l’un des cerveaux des attaques, et son complice Chakib Akrouh s’étaient repliés, à Saint-Denis. Il est jugé au côté de deux autres prévenus.
Jawad Bendaoud, délinquant multirécidiviste déjà condamné en 2008 pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », a accédé à la célébrité brutalement, le 18 novembre 2015. Les policiers d’élite du Raid avaient lancé l’assaut contre cette planque très tôt le matin, tuant les deux jihadistes et la cousine d’Abaaoud, Hasna Aïtboulahcen, qui s’y trouvait avec eux.
« Je n’étais pas au courant que c’était des terroristes », affirmait-il sur BFMTV, l’air agité. « On m’a dit d’héberger deux personnes pendant trois jours. J’ai rendu service », se défendait-il encore. La vidéo allait devenir virale et faire l’objet de multiples parodies.
« J’espère des excuses »
Depuis son arrestation, il clame son innocence. Jawad Bendaoud savait-il ou non qu’il hébergeait des jihadistes ? Cette question centrale a été posée dès l’ouverture du procès : plusieurs dizaines d’avocats de la partie civile ont demandé une requalification pour Jawad Bendaoud et un autre prévenu, Mohamed Soumah. Jawad Bendaoud a été mis en examen pour « association de malfaiteurs terroriste », mais a finalement été renvoyé en correctionnelle pour « recel de malfaiteurs terroristes ».
Selon les avocats de la partie civile, Jawad Bendaoud savait qu’il hébergeait des terroristes, ce qui représente « un délit aggravé ». Si le tribunal retient la requalification, les deux prévenus encourent une peine de douze ans de prison. Le tribunal a commencé mercredi à interroger Youssef Aïtboulahcen, jugé pour « non dénonciation de crime terroriste ». Il est le frère d’Hasna Aïtboulahcen. C’est elle qui a trouvé la planque pour les deux jihadistes. Youssef Aïtboulahcen comparaît libre contrairement à Mohamed Soumah, jugé pour « recel de malfaiteurs terroristes ». Les trois prévenus seront interrogés par le tribunal jusqu’à vendredi soir.
Ce procès médiatique, prévu pour durer jusqu’au 14 février, réunit plus de 80 avocats et au moins 500 parties civiles, dont des victimes des attaques du 13 novembre 2015, venues en nombre au palais de justice. « Ça fait deux ans qu’on souffre et on a envie de voir quelque chose, on a envie de voir qu’ils assument », a confié avant l’audience Aurore Bonnet, dont le mari Emmanuel est mort dans la salle de concert du Bataclan.
« Je veux qu’il me regarde dans les yeux, qu’il assume. Ce n’est peut-être pas un terroriste mais un imbécile qui les a hébergés. (…) On veut qu’il sache dans quelle difficulté il nous a mis », a insisté pour sa part Bilal Mokono, victime de l’attaque du Stade de France et qui se déplace aujourd’hui en fauteuil roulant : « Je suis détruit de l’intérieur. J’espère des excuses, c’est la moindre des choses ».
Le Quotidien/AFP