On est entré dans le vif du sujet au troisième jour du procès Bommeleeër bis pour faux témoignages. Les premiers prévenus sont mis face à leurs contradictions par les enquêteurs.
La partie civile de Jos Wilmes et Marc Scheer veut apporter sa pierre à l’édifice en levant certaines zones d’ombre de l’affaire Bommeleeër. Elle semble toutefois oublier que le procès en cours porte sur les faux témoignages d’anciens hauts responsables des forces de l’ordre et pas sur l’affaire en elle-même.
Les conseils des deux anciens gendarmes soupçonnés d’être les Bommeleeër par la justice ont soumis une liste de trois témoins qu’ils souhaitent entendre à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Liste qui a été rejetée faute d’intérêt pour les débats.
Ben Geiben, «l’arlésienne de l’affaire», selon Me Hirsch, figurait en première place, suivi de Joël Scheuer, un enquêteur qui s’était intéressé à un ancien artificier de l’armée en investiguant sur la piste militaire avant qu’elle ne soit abandonnée sur ordre d’Aloyse Harpes, un des prévenus et commandant de la gendarmerie à l’époque. Enfin, on retrouve dans cette liste la veuve de Charles Bourg à qui le défunt «a pu confesser des choses» qui pourraient aider à la manifestation de la vérité.
La partie civile «se trompe de procès», selon Me Wies. «Le procès est en train de dérailler», se plaint Me Pierret. «En cours de route, on ajoute de nouveaux témoins et on se réserve le droit d’en appeler d’autres. Cela n’en finira jamais!», constate Me Assa. Pour la défense, les deux avocats seraient en train d’instrumentaliser ce procès bis pour poursuivre leur propre affaire interrompue il y a onze ans pour suspicion de faux témoignages.
Château de cartes
Depuis trois jours, le tribunal essaye de mettre de l’ordre dans ce procès bis et d’éviter de déraper dans l’instruction du premier procès. Les protagonistes sont les mêmes, mais les positions ont changé. Les témoins sont devenus prévenus. Parmi eux, Aloyse Harpes, 97 ans, ancien directeur de la police et ancien commandant de la gendarmerie. Un enquêteur a relevé hier dix-huit incohérences plus ou moins importantes dans ses témoignages lors du procès Bommeleeër.
Démission de Ben Geiben, observations de Ben Geiben, commission rogatoire internationale contre Ben Geiben, thèse du poseur de bombe issu des rangs de la gendarmerie, présence sur le terrain après l’attentat du palais de justice, piste militaire, abandon de la piste Geiben, Jos Wilmes et Jos Steil comme possibles coupables, entre autres.
Le nom de l’ancien gendarme d’élite revient souvent, ainsi que les contradictions et problèmes de mémoire du prévenu à la barre afin d’essayer de se défiler «pour ne pas déclencher de réaction en chaîne susceptible de faire s’écrouler le château de cartes», selon l’enquêteur. Pourtant, les preuves démontrent «qu’il en savait plus qu’il ne voulait bien le reconnaître».
Ordres, procédures, documents et rapports, tout aurait pourtant dû passer par le commandant de la gendarmerie. Donc, par le prévenu. «À l’époque, ils ont enquêté dans tous les sens, sauf dans le plus probable, qui était celui de la force publique. Il a voulu nous faire croire qu’il faisait confiance à ses enquêteurs», indique le policier, persuadé que le prévenu savait que la piste menait dans cette direction. Me Harpes, le fils du prévenu, lui reproche d’avoir enquêté à charge.
«Il n’y avait pas grand-chose à décharge. Le prévenu a menti», lance l’enquêteur. «J’ai entendu une supposition après l’autre de votre part», répond l’avocat, qui interroge la manière de travailler du policier. «Une enquête doit être basée sur des faits.» «L’enquête sur les attentats à l’explosif a été poursuivie. On trouve des documents et des mouvements, contrairement à la piste du membre de la force publique», résume l’enquêteur.
Interrogatoires, recherches de preuves et de pistes, analyse des témoignages : les enquêteurs ont eu du pain sur la planche pour reconstituer le travail de leurs prédécesseurs. Reste à comparer entre elles les différentes versions des prévenus, de les comparer à celles des témoins et aux résultats de l’enquête pour trouver des éléments de faux témoignages.