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Procès Bommeleeër bis : un agent secret et un gendarme sur le gril


Les présumés faux témoignages concernent le fameux Ben Geiben et les mesures prises dans le cadre de l’enquête il y a une quarantaine d’années.

Tous deux sont accusés de faux témoignage lors du procès Bommeleeër principalement en relation avec l’enquête menée à l’époque sur Ben Geiben, un temps suspecté d’être le poseur de bombes.

Sur le grill du procès Bommeleeër bis hier après-midi : Guillaume Bücheler, ancien de la sûreté publique et du groupe d’enquête en relation avec les attentats qui ont secoué le Luxembourg dans les années 1980, ainsi qu’Armand Schockweiler, officier de gendarmerie et ancien directeur de la sûreté publique, entre autres fonctions dans les forces de l’ordre.

Tous deux sont accusés de faux témoignages comme leurs coprévenus Guy Stebens, Aloyse Harpes, Pierre Reuland, Marc Weydert et Paul Haan dans le cadre du procès Bommeleeër il y a onze ans. Tous leurs présumés faux témoignages concernent à nouveau le fameux Ben Geiben et les mesures prises dans le cadre de l’enquête il y a une quarantaine d’années. L’ancien chef de la brigade mobile de gendarmerie avait démissionné après des critiques sur son orientation sexuelle et apparaissait comme un des principaux instigateurs des attentats avec ses collègues gendarmes. Le militaire a depuis été entièrement blanchi, mais le doute plane toujours quant à l’identité du Bommeleeër.

Notamment en raison des nombreuses contradictions de l’enquête ainsi que des silences et des imprécisions des pontes de la police, de la gendarmerie et de la sûreté de l’État. Guillaume Bücheler devait être la personne de liaison entre les autorités belges et luxembourgeoises lors de l’exécution de la commission rogatoire internationale (CRI) à Bruxelles pour enquêter sur les activités de Ben Geiben.

Le prévenu a prétendu l’avoir rencontré lors d’auditions en relation avec l’enquête avant de se rétracter à la barre. Une autre version voudrait que Ben Geiben ait démasqué les agents pas si secrets. Une autre encore que les espions luxembourgeois aient consommé de la bière à la cerise avec les gendarmes bruxellois. Guillaume Bücheler a confié avoir été mal compris et aurait mal relu son procès-verbal d’audition.

Il n’aurait pas non plus fait grand cas de l’attentat du palais de justice à Luxembourg-ville et n’aurait pas cherché à savoir où se trouvait Ben Geiben, qu’il avait (ou pas) rencontré à Bruxelles la vieille. «Il disait n’avoir participé à l’enquête que par étapes, alors qu’on sait qu’il avait été désigné membre du groupe d’enquête spécial», précise un des enquêteurs actuels. «Selon le dossier, il était activement impliqué dans le dossier.»

Les lacunes de l’enquête

L’esprit de corps affleure dans la salle d’audience ces derniers jours. A-t-on à l’époque essayé de dévier les soupçons de la gendarmerie et de ses membres? Comment expliquer les manquements de l’enquête? «La justice ne doit pas tout savoir», aurait affirmé Aloyse Harpes à Armand Schockweiler qui appartenait au premier groupe d’enquête avant d’en être révoqué. «Il a affirmé que cette phrase n’avait jamais été prononcée. Quand on analyse la manière de travailler de l’époque, on peut se poser des questions», note un autre enquêteur.

Des éléments d’enquête n’auraient pas été relayés aux instances judiciaires, des pièces ont disparu et «la piste Geiben, la meilleure, a été abandonnée sans qu’on sache pourquoi», poursuit le policier. On tourne en rond et une main semble couvrir l’autre. Une contradiction chasse l’autre. Quand ce ne sont pas les silences. «Armand Schockweiler était chef enquêteur du groupe fondé par Aloyse Harpes. Il devait connaitre à ce titre les étapes majeures de l’enquête», poursuit l’enquêteur. Le prévenu avait indiqué ne pas avoir été au fait des observations de Ben Geiben au Luxembourg.

Aloyse Harpes, en tant que commandant de la gendarmerie, était également son supérieur à la sûreté publique. «Rien ne sortait sans être passé entre les mains d’Aloyse Harpes», assure l’enquêteur. «Armand Schockweiler lui relayait tout, mais pas au juge d’instruction. On peut se demander pourquoi.»

«Rien de neutre ou d’objectif n’a été présenté à propos de mon client. J’ai entendu beaucoup de suggestions et de suppositions. Ce n’est pas le rôle d’un témoin qui doit dire ce dont il est certain», a estimé Me Enteriner, l’avocat d’Armand Schockweiler, à l’issue de l’audience. «Mon client a été interrogé en 2013 sur des faits antérieurs de trente ans lors d’audiences chaotiques. (…) Mon client a pu perdre pied.»

Dans cette affaire, qui donne le tournis, tout et son contraire semblent possibles. Sabotage, manque de professionnalisme ou de moyens, manières d’enquêter d’un autre âge, mais de moins en moins les trous de mémoire. Lundi, les enquêteurs présenteront leurs conclusions sur Guy Stebens, ancien secrétaire général de la police, et Pierre Reuland, l’ancien directeur général de la police.