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Procès Bommeleeër bis : rien à déclarer 


Les prévenus s’en remettent à leurs avocats pour les défendre après le réquisitoire du parquet.

Sans surprise, ce n’est pas lors de ce procès que le Bommeleeër sera démasqué. Les prévenus n’ont pas été très loquaces : ils n’ont pas menti et ne connaissent pas le poseur de bombes.

L’audition des prévenus a duré une heure trente, montre en main. Point de grandes déclarations ou de révélations de nature à faire avancer l’enquête. On retiendra juste que dans les années 1980, les prévenus étaient trop jeunes et qu’aujourd’hui, quarante ans plus tard, ils sont trop vieux.

Trop jeunes pour savoir quoi faire et trop vieux pour se souvenir. Ou pour témoigner, comme c’est le cas du doyen des six prévenus, Aloyse Harpes, 97 ans. Il sera défendu par son fils le moment venu.

Guillaume Büchler et Armand Schockweiler ont suivi Ben Geiben jusqu’à Bruxelles pour le filer. En 2003, lors de sa première déposition, le premier nommé, ancien membre de la Sûreté publique, indique avoir croisé l’ancien gendarme d’élite en voiture dans la capitale belge.

À la barre dix ans plus tard, il se rétracte. «J’ai témoigné de ce dont je me souvenais», a-t-il indiqué à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ce mardi matin. «J’ai pu me tromper en lisant mes notes lors de mon audition par la police.»

Celui qui se défend sans l’assistance d’un avocat, la conscience tranquille, ouvre le bal des interrogatoires dans ce procès bis. «Je me demande quel intérêt j’aurais eu de mentir. En tant qu’ancien enquêteur, je savais ce que je risquais. Je n’étais pas naïf au point de me mettre moi-même dans le pétrin», ajoute le septuagénaire, qui dit ne pas avoir été suffisamment formé pour effectuer une filature sur un personnage comme Ben Geiben. «Il roulait en BMW série 5. Nous, nous avions une Opel Kadett.»

Un bal bien morne dans une ambiance pesante. Les voix vacillent, les larmes affleurent, les hommes ploient ou courbent l’échine. Marcel Weydert était absolument convaincu de figurer avec Marc Scheer sur une photographie mal légendée publiée dans le Luxemburger Wort prise après l’attentat du palais de justice. Il s’agissait en fait de Jos Wilmes. L’ancien gendarme, instable psychologiquement, n’aurait pas remis en question cette affirmation.

Témoin particulier

Guy Stebens, Pierre Reuland  et Armand Schockweiler ont fait usage de leur droit au silence. Ils n’ont rien de plus à ajouter et «les souvenirs ne sont pas meilleurs qu’en 2013». Aucun d’eux ne serait le Bommeleeër et ne le connaîtrait. Aucun d’entre eux n’aurait rien à cacher, non plus.

«Entre le 25 octobre 2005 et le 19 juin 2019, j’ai été interrogé dix-neuf fois, 65 heures au total, J’ai dit tout ce que je savais. Je ne vois pas quoi ajouter qui n’ait pas déjà été dit ou écrit», explique Guy Stebens avec difficulté.

Il affirme «ne rien avoir à se reprocher» et n’avoir «aucun intérêt à cacher quelque chose». Il n’appliquerait pas non plus «la loi du silence avec d’autres anciens hauts responsables des forces de l’ordre», comme cela lui a été reproché par le parquet. Le seul reproche qui puisse, selon lui, lui être fait est d’avoir dû enfiler un costume d’officier de gendarmerie trop grand pour le jeune homme inexpérimenté de 25 ans qu’il était à l’époque des attentats. À peine sorti de l’académie militaire de la Gendarmerie nationale de Melun, il aurait été poussé dans le grand bain.

«En 2013, j’étais un témoin particulier», déclare ensuite Pierre Reuland. Il était convaincu que ses plus anciens collègues étaient inculpés à tort dans l’affaire et qu’il n’avait pas participé à la filature de Ben Geiben. Douze ans plus tard, il n’en démord pas. Pas parce qu’il en sait plus qu’il ne veut bien le dire. «J’ai pu déraper dans la forme.» Il concède avoir peut-être eu des «discussions de bistrots» qui ont pu induire la justice en erreur. Il fait référence aux propos tenus auprès du procureur Welter suggérant qu’il connaissait le fin mot de l’affaire Bommeleeër.

Armand Schockweiler a, quant à lui, tenu à donner un aperçu des méthodes «militaires» de travail de la gendarmerie dans les années 1980. Un ordre était un ordre, incontestable. Beaucoup de choses se passaient à l’oral, sans beaucoup de paperasses et de rapports à rédiger.

L’ancien officier de gendarmerie et directeur de la Sûreté publique a lui aussi estimé qu’il n’y avait pas lieu de faire l’instruction à la barre et s’est contenté d’une courte déclaration pour rappeler, comme ses coprévenus, qu’il ne se sentait coupable de rien.

Le procès se poursuit cet après-midi avec les constitutions de partie civile de Marc Scheer et Jos Wilmes.