Statu quo dans l’affaire Bommeleeër : les avocats des parties civiles ont tiré sur la corde sensible hier. La procureure adjointe a requis des peines contre cinq des six prévenus.
Inutile, le procès Bommeleeër bis ? Pour les parties civiles, oui. Et «décevant». Six audiences n’ont rien apporté de nouveau au dossier et ce procès a fait perdre du temps aux deux prévenus du premier procès, ici parties civiles, qui attendent depuis onze ans d’être fixés sur leur sort et de pouvoir se libérer «de l’épée de Damoclès au-dessus de leur tête». «Onze ans et demi de prison de verre sur la place d’Armes», selon Me Hirsch. «Onze ans et demi sans pouvoir vivre normalement, sans être montré du doigt, sans être insulté, sans avoir peur d’une condamnation injuste.» Ou 4 161 jours.
«Les deux prévenus les plus connus de l’histoire judiciaire du Luxembourg» seraient les victimes «de la plus grande erreur judiciaire du Luxembourg» et mériteraient, à ce titre, une compensation. «Le tort qui leur est causé ne s’arrête pas», souligne Me Hirsch. Parce que les prévenus se sont murés dans le silence. Les avocats des deux Bommeleeër présumés demandent plus de 580 000 euros par tête de dommages et intérêts. Soit le nombre de jours multiplié par une indemnité comparable à celle d’une détention inopérante.
Sans compter les 177 audiences et l’exposition à la vindicte publique. «Pour couronner le tout, quand ce procès sera terminé, il ne restera plus qu’eux», ajoute Me Lehnen, à attendre la reprise d’un nouveau procès. Si le procès bis ne se prolonge pas en appel et en cassation.
«Un calvaire» sans fin en raison de faux témoignages, selon les deux avocats, qui regrettent la manière dont les deux anciens gendarmes suspectés d’avoir commis les attentats ont été (mal) traités et comparés à des bêtes de foire. «Plus ça dure, plus ça colle.» Alors que «le dossier est désespérément vide» en ce qui les concerne, précisent les avocats. Ils promettent de prouver leur innocence et de mettre fin à l’«infiniment insupportable».
Me Penning, avocat de l’État, a apporté de l’eau à leur moulin. «La mission des prévenus était d’élucider l’affaire et ils ont invoqué leur droit au silence. Ils ridiculisent l’État avec leur jeu du chat et de la souris.» Et de continuer à filer la métaphore animalière en ajoutant qu’avec ce procès bis, «la montagne a accouché d’une souris».
«La justice par le bout du nez»
Le procès bis est un procès pour faux témoignages, pas le procès des attentats terroristes. Malgré tout, de grands espoirs ont été placés en lui pour découvrir la vérité. Il s’agissait en fait de déterminer qui a menti «sciemment» et de manière «irrévocable» sous serment pour nuire à la découverte de la vérité, selon la procureure adjointe.
Mensonges, contradictions, omissions, silences qui en disent long, diversions, rétractations… La magistrate passe toutes les dépositions des prévenus en revue dans son réquisitoire et les confronte aux certitudes du dossier qui avaient conduit le procureur du procès principal à l’interrompre pour y remettre de l’ordre.
Un faux témoignage en matière criminelle est un crime. Il est puni de trois mois à dix ans de réclusion criminelle. Seul Marcel Weydert passe entre les gouttes pour la magistrate. Les cinq autres auraient bien fauté. En particulier Pierre Reuland, qui se croit «intouchable» alors qu’il avait «le mandat de toute la société» pour découvrir la vérité. «Il s’est moqué des institutions et a abordé les débats avec dédain.» La procureure adjointe a requis une peine de 5 ans à son encontre ainsi que des interdictions pendant 20 ans. Notamment de porter ses décorations militaires.
Armand Schockweiler aurait, lui, essayé de «mener la justice par le bout du nez». Il risque 3 ans de prison et dix ans d’interdictions. Aloyse Harpes profite de son grand âge, 97 ans, alors que les faits qui lui sont reprochés «ne sont pas moins graves». Il encourt une peine de 2 ans de prison. Guy Stebens et Guillaume Büchler, «obligés de mentir», sont logés à la même enseigne par la magistrate, qui réclame 18 mois de prison contre eux.
«Une condamnation est une conséquence moins terrible pour Guy Stebens que le combat qu’il mène par loyauté» à Pierre Reuland, a estimé la procureure adjointe. «Guillaume Büchler était un enquêteur, pas un officier» comme les autres prévenus. Elle s’oppose à un sursis intégral en leur faveur. La défense répondra lundi après-midi à ce réquisitoire.
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