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[Présidentielle en France] Débats TV du passé : du « monopole du cœur » à « moi, président »


La passe d'armes entre François Mitterrand et Jacques Chirac en 1988 connut une audience énorme : 30 millions de téléspectateurs. (photo INA)

Le débat télévisé de l’entre-deux-tours, tel que celui qui opposera mercredi soir Emmanuel Macron à Marine Le Pen, est depuis 1974 un moment fort des campagnes présidentielles, avec des taux d’audience record.

Giscard/Mitterrand – 10 mai 1974 : « Vous n’avez pas le monopole du cœur »

Ce premier débat est suivi par environ 25 millions de téléspectateurs, d’après certaines estimations. Un échange entre le ministre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, candidat de la gauche, est resté célèbre : à celui-ci qui affirme, à propos de la répartition de la croissance, « c’est une affaire de cœur et non pas seulement d’intelligence », VGE réplique : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ».

Giscard/Mitterrand – 5 mai 1981 : « Je ne suis pas votre élève »

Cette fois, quelque 30 millions de téléspectateurs sont devant l’écran ! Face au président Giscard d’Estaing, François Mitterrand, très à l’aise, prend sa revanche : à celui qui le présente comme « l’homme du passé », le socialiste lance « vous êtes l’homme du passif ». VGE l’accuse d’avoir « géré le ministère de la parole » tandis qu’ « il gérait la France ». Il lui demande de donner le cours du deutschemark. « Je n’aime pas vos méthodes. Je ne suis pas votre élève. Ici, vous n’êtes pas président de la République, mais mon contradicteur », lui rétorque François Mitterrand.

Mitterrand/Chirac – 28 avril 1988 : « Monsieur le Premier ministre »

Le président Mitterrand attaque durement le Premier ministre de cohabitation Jacques Chirac sur l’affaire Wahid Gordji, diplomate iranien impliqué dans les attentats de 1986 à Paris. Il affirme « dans les yeux » que Jacques Chirac lui aurait dit avoir des preuves de la culpabilité de Gordji, qui a été expulsé de France en Iran en 1987. Le Premier ministre nie.

Lorsque Jacques Chirac lui dit : « Ce soir, vous n’êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats à égalité (…), vous me permettrez donc de vous appeler monsieur Mitterrand », il s’entend répondre, sur un ton cinglant : « Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre ». L’audience est encore énorme : 30 millions de téléspectateurs.

Chirac/Jospin – 2 mai 1995 : duel courtois

Jacques Chirac et Lionel Jospin s’affrontent sur le bilan des deux présidences mitterrandiennes. Au cours d’un duel courtois, Lionel Jospin défend le quinquennat et déclare : « Il vaut mieux cinq ans avec Jospin que sept ans avec Chirac ». 16,7 millions de téléspectateurs.

Chirac/Le Pen – avril 2002 : « Pitoyable dégonflade »

Jacques Chirac refuse de débattre avec Jean-Marie Le Pen, qualifié surprise du second tour, pour ne pas cautionner « la banalisation de l’intolérance et de la haine ». Jean-Marie Le Pen dénonce une « pitoyable dégonflade ».

Royal/Sarkozy – 2 mai 2007 : « Des colères très saines »

Devant 20,4 millions de téléspectateurs, Ségolène Royal se montre combative face à Nicolas Sarkozy, en particulier sur un sujet inattendu, celui des handicapés. Elle accuse son adversaire d’avoir atteint « le summum de l’immoralité politique », en parlant du sort des enfants handicapés alors que le gouvernement de droite a supprimé des emplois à l’école permettant leur accueil. Nicolas Sarkozy l’accuse de « perdre ses nerfs » : « pour être président, il faut être calme », lance-t-il. « Je n’ai pas perdu mes nerfs, je suis en colère et il y a des colères très saines, très utiles », réplique-t-elle.

Le 28 avril, Ségolène Royal avait débattu, courtoisement, en direct sur BFM TV et RMC, avec François Bayrou, pratique inédite entre une finaliste désireuse de refaire son retard sur Nicolas Sarkozy, et un leader politique arrivé troisième au premier tour.

Sarkozy/Hollande – 2 mai 2012 : « Moi, président de la République… »

17,8 millions de téléspectateurs suivent le débat, virulent, âpre, entre le président Nicolas Sarkozy et son adversaire socialiste François Hollande. Celui-ci frappe les esprits en utilisant une technique d’éloquence basée sur la répétition, l’anaphore, pour répondre à la question « quel président comptez-vous être ? ». Quinze fois de suite, il assène à Nicolas Sarkozy, qui reste coi, des « Moi, président de la République… » pour détailler la ligne, notamment déontologique, qu’il se fixerait en cas de victoire.

Le Quotidien/AFP