Les enjeux ne pourraient être plus grands ni les électeurs plus désabusés : l’Amérique s’achemine vers un nouveau duel entre Trump et Biden, dans un pesant climat de lassitude démocratique et de violence politique.
«C’est difficile de s’enthousiasmer», reconnaît Keely Catron, 22 ans, électrice de l’Arizona, «c’est frustrant que nos deux seules options soient deux hommes blancs très âgés.» Au sein du Parti démocrate, la candidature du président de 80 ans ne suscite jusqu’ici aucune contestation sérieuse, en dépit de son impopularité et des inquiétudes sur son âge.
Un an avant la présidentielle du 5 novembre 2024, deux sondages – à manipuler avec précaution à une telle distance du scrutin – sont venus accabler encore un peu plus Joe Biden. Il y a d’abord celui publié par le New York Times, qui donne le démocrate nettement défait par l’ancien président Donald Trump dans cinq des six États clés du scrutin, alors qu’il avait en 2020 arraché la victoire dans chacun de ces «swing states, c’est-à-dire des États qui «balancent» entre l’un ou l’autre camp (Nevada, Géorgie, Arizona, Michigan, Pennsylvanie, Wisconsin). Selon une autre enquête d’opinion commandée par la chaîne CBS, 73 % des Américains estiment que leur pays va mal, un plus haut depuis le début de l’année.
Le fossé se creuse donc entre une opinion publique profondément pessimiste et un Joe Biden qui fait campagne sur des lendemains qui chantent, en répétant : «je n’ai jamais été aussi optimiste» pour les États-Unis. Pendant ce temps, Donald Trump, cerné par les poursuites judiciaires, caracole en tête de la course à l’investiture républicaine, sans que ses 77 ans ne rebutent réellement ses plus fervents partisans.
Découragement de la population
Les sondages montrent pourtant qu’une majorité d’Américains voudraient d’autres candidats, que ce soit côté républicain ou côté démocrate. Faut-il alors s’étonner que 65 % d’entre eux disent être souvent ou toujours épuisés en pensant à la vie politique, selon une enquête d’opinion de l’institut Pew Research? Cette lassitude prend aussi la forme d’une défiance sourde envers les deux grands partis, les institutions et, pour une minorité, envers la notion même de démocratie.
Selon le centre de recherches politiques de l’université de Virginie, 31 % des partisans de Donald Trump, mais aussi 24 % de ceux de Joe Biden, jugent que la démocratie n’est plus un système viable et qu’il faudrait explorer d’autres formes de gouvernement. Ce découragement, cette crispation, l’ancien président républicain comme l’actuel chef d’État y répondent de manière radicalement opposée.
Joe Biden croit toujours pouvoir réparer «l’âme» de l’Amérique. «Nous sommes les États-Unis d’Amérique, pour l’amour de Dieu, il n’y a rien que nous ne puissions faire, si nous le faisons ensemble!», répète-t-il à chaque discours ou presque. D’où ses appels réguliers au consensus, en dépit des clivages partisans désormais béants. Donald Trump, lui, parie sur l’envie de poigne, voire sur la tentation de l’autoritarisme, face à un «déclin» qu’il promet d’enrayer. Il attaque donc sans relâche la faiblesse supposée de son adversaire, qu’elle soit physique, mentale ou diplomatique.
Donald Trump l’inculpé, face à Joe Biden, l’octogénaire ? Nul doute, l’élection de 2024 sera en tout point exceptionnelle.
Dates Clés
De janvier à juin : primaires (vote à bulletin secret ouvert aux citoyens) et caucus (réunions de militants organisées simultanément dans un État) pour désigner des délégués qui eux-mêmes désigneront le candidat à l’investiture lors de la convention.
5 mars 2024 : Super Tuesday («Super mardi») : jour le plus important des primaires, car c’est celui où un grand nombre d’États vote simultanément lors de primaires ou de caucus.
Juillet et août 2024 : conventions. Du 15 au 18 juillet : convention républicaine à Milwaukee (Wisconsin). Du 19 au 22 août : convention démocrate à Chicago (Illinois). Le nom des candidats pour chacun des partis sera annoncé.
5 novembre 2024 : élection présidentielle
20 janvier 2025 : investiture du président
Les candidats à la présidentielle
En plus des favoris Joe Biden et Donald Trump, une dizaine de personnes sont en lice pour la présidentielle américaine de novembre 2024.
Joe Biden
(démocrate)
L’actuel président a annoncé fin avril être candidat à sa réélection. Le démocrate martèle sa volonté de redonner à l’Amérique populaire «oubliée», perturbée par la mondialisation, une place centrale dans la société. Le principal handicap du dirigeant, dont la cote de popularité demeure médiocre, reste son âge. Jamais les Américains n’avaient élu un président aussi âgé, jamais non plus un candidat ne leur avait demandé les clés de la Maison-Blanche jusqu’à ses 86 ans.
Donald Trump
(républicain)
Malgré ses quatre inculpations, l’ancien président de 77 ans surfe largement au-dessus de la mêlée des candidats républicains. Il pourrait donc être choisi par son parti pour affronter Joe Biden en 2024. Cerné par les enquêtes sur des affaires financières, ses pressions électorales en 2020 ou encore la gestion de ses archives de la Maison-Blanche, l’ex-homme d’affaires se jette à corps perdu dans sa nouvelle campagne électorale, en dénonçant «une chasse aux sorcières».
Ron DeSantis
(républicain)
Certains républicains placent leurs espoirs dans la candidature du gouverneur de Floride Ron DeSantis, estimant qu’il incarne la relève du Parti républicain. Mais la cote de cet ancien officier de marine a largement dégringolé dans les enquêtes d’opinion depuis qu’il s’est lancé dans la course, fin mai. À la tête de la Floride depuis 2018, ce quadragénaire s’est fait remarquer en multipliant les coups d’éclat ultraconservateurs sur l’éducation ou l’immigration.
Nikki Haley
(républicaine)
Ancienne gouverneure de la Caroline du Sud et ex-ambassadrice des États-Unis à l’ONU, elle est la seule femme de la primaire républicaine, qui débute en janvier. Sans avoir jamais renié le bilan de Donald Trump, la quinquagénaire a critiqué ouvertement sa croisade post-électorale sur une supposée fraude jamais prouvée. Durant les débats républicains, elle s’est distancée de ses rivaux avec une position plus modérée sur l’avortement.
Vivek Ramaswamy
(républicain)
Il a fait fortune dans les biotechnologies et qualifie les militants écologistes de «secte religieuse» : à 38 ans, ce novice complet de la politique espère que son discours provocateur et incisif le propulsera jusqu’à Washington. Celui qui se plaît à s’imaginer en «Trump 2.0» occupe la quatrième place dans les sondages pour les primaires républicaines.
Robert Kennedy Junior
(indépendant)
Neveu du président assassiné John F. Kennedy et fils de Robert F. Kennedy, assassiné lui aussi, «RFK» Jr concourt comme candidat indépendant. Avocat spécialisé dans les questions environnementales, il est connu pour propager des théories complotistes, notamment sur les vaccins. Le sexagénaire au positionnement politique ambigu se retrouvera sur le bulletin de vote aux côtés des prétendants démocrate et républicain. Il pourrait leur siphonner des voix précieuses, la plupart des élections se jouant dans un mouchoir de poche.
Les autres
Marianne Williamson est la seule autre candidate démocrate. Mais les chances de cette auteure à succès semblent extrêmement minces. Côté républicain, le gouverneur du Dakota du Nord Doug Burgum, le sénateur Tim Scott et les anciens gouverneurs Asa Hutchinson et Chris Christie sont également dans la course, sans que leurs candidatures paraissent très prometteuses. L’intellectuel Cornel West, qui avait participé au mouvement «Occupy Wall Street» en 2011, est également candidat, en tant qu’indépendant.
R. Kennedy Junior « complotisste »!
L’injure à la mode, qui ne veut rien dire, sinon en fait que cette personne est en désaccord avec la propagande officielle, rejetant ainsi la liberté d’expression, pourtant garantie par la Constitution américaine.