La présence d’une louve à Dahl en décembre dernier conduit le Dr Laurent Schley à donner ce soir une conférence afin d’insister sur l’acceptation du canidé et la cohabitation possible avec cet animal.
L’officialisation, jeudi dernier, de la responsabilité d’une louve dans la mort de deux moutons dans la région de Dahl a de nouveau mis sur la table une question qui ne laisse pas indifférent : comment gérer la présence du loup? Afin d’y répondre et de calmer certaines craintes, le gouvernement organise ce soir une conférence à Dahl, donnée par le Dr Laurent Schley. Le chef du service Faune sauvage et chasse de l’administration de la Nature et des Forêts œuvre depuis des années à la réhabilitation du loup. Elle est d’une grande actualité maintenant que la possibilité existe qu’une meute s’installe dans le pays.
La conférence que vous donnerez ce mardi parle de coexistence entre l’homme et le loup. Qu’en est-il aujourd’hui?
Laurent Schley : En général, nous avons quand même une grande acceptation au Luxembourg. C’est juste que, parfois, il y a encore certaines personnes qui ont une peur ancienne. Pour ce qui est de la coexistence, nous ne pouvons pas dire « oui, c’est possible » ou « non, ce n’est pas possible ». Ça l’est, mais sous conditions. Dire que c’est soit noir, soit blanc, c’est toujours une mauvaise approche. Déjà, c’est possible si nous avons une bonne gestion des conflits et une prévention contre les dégâts.
Y a-t-il des pays modèles en la matière?
On ne peut pas dire cela, puisqu’il y a des pays où le loup n’a jamais été éradiqué. Donc, bien évidemment, ces pays-là vivent plus facilement avec cet animal parce qu’ils l’ont toujours fait. Dans les pays où il avait disparu pendant cent ans ou plus, comme au Benelux, il faut réapprendre à vivre avec lui, car nous avons oublié.
Sachant que la présence à Dahl d’une louve en décembre est attestée, pourrait-il y avoir une meute au Grand-Duché ?
Cela pourrait arriver, bien sûr. Si cette louve rencontre un mâle maintenant, en janvier, il peut encore y avoir un accouplement. Il y a donc encore du potentiel pour cette année, mais pas nécessairement au Luxembourg. Cela pourrait aussi bien être en Belgique, car on ne sait pas où elle est. Depuis mi-décembre, c’est possible qu’elle soit partie.
Au Luxembourg, il y a plein de possibilités pour le loup
Le Luxembourg pourrait-il être une terre d’accueil?
Oui, au Luxembourg, il y a plein de possibilités pour le loup. Il y a plein de gibier à manger et cela représente la majorité de ses proies, donc il n’aurait aucun problème pour se nourrir. En revanche, nous avons une densité de routes assez élevée, donc il pourrait y avoir un peu plus de mortalité.
Comment surveillez-vous la présence des loups?
Ce n’est pas du monitoring actif, mais passif. S’il y a des carcasses d’animaux qui comportent certaines caractéristiques, on prend des échantillons génétiques et puis on les envoie au laboratoire (NDLR : l’Institut Senckenberg de Gelnhausen, en Allemagne, le laboratoire de référence dans ce domaine), comme nous l’avons fait pour l’affaire de Dahl.
Mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi beaucoup de dégâts causés aux moutons par des chiens domestiques. Cela arrive régulièrement, mais on en parle peu, cela ne semble intéresser ni la presse ni les gens. C’est un peu un sujet tabou. Effectivement, le loup prend un petit peu de brebis, mais les chiens aussi.
Ce traitement médiatique joue-t-il en défaveur du loup?
Si on lit les journaux, le loup mange à 100 % des moutons. Pourquoi? Parce que le mouton a un propriétaire, donc quelqu’un le trouve, alors que le loup mange bien plus de proies sauvages. Logiquement, cela n’apparaît pas dans les médias et donne une image complètement fausse du régime alimentaire du loup. Il y a de nouveaux chiffres publiés qui parlent du nombre d’animaux d’élevage pris par des loups en Europe. En un an, c’est 56 000 animaux, pour 22 000 loups. Cela fait environ trois animaux par loup et par an. Bien sûr qu’il ne peut survivre qu’avec cela. Et puis, l’Europe compte 279 millions d’animaux d’élevage, donc ce qui est pris par les loups ne représente qu’environ 0,02 %.
Oubliez tout ce que vous savez du loup
Quelle est la position du public qui vient à vos conférences?
J’en ai fait une trentaine depuis 2015 et il y a toujours un peu de tout. Il y a des chasseurs, des éleveurs, des habitants. Il y a des gens qui se disent contre ou pour, mais je n’aime pas cette approche. J’essaye toujours de dire aux gens : « oubliez tout ce que vous savez du loup et repartez de zéro avec ma conférence« . Après, vous décidez si vous repartez, ou non, avec une nouvelle approche plus grise. Sinon, c’est très relax et les gens ont beaucoup de questions. Parfois, après l’exposé d’une heure, on a encore des sessions de questions-réponses d’une heure et demie.
Conférence gratuite et ouverte à tous ce soir à 19 h 30 au Theatersall, campus scolaire, 13, Nacherwee, L-9644 Dahl.