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Près de la moitié des femmes du Luxembourg ont déjà subi des violences


Pour cette étude qui s’est étalée sur quatre ans, 114 000 femmes de tous les pays de l’UE ont été interrogées. (photo archives LQ/Julien Garroy)

La dernière enquête européenne sur la violence fondée sur le genre, publiée ce lundi, révèle qu’en dix ans, rien n’a bougé dans l’UE et que 45 % des femmes du Luxembourg en ont déjà été victimes.

Un tiers des femmes de l’UE déclarent avoir déjà subi des violences à la maison, au travail ou dans l’espace public. Une violence diffuse dans toutes les strates de la société, qui reste souvent invisible, car seule une femme sur quatre ose signaler ces incidents aux autorités. Voilà ce qui ressort de l’enquête européenne sur la violence fondée sur le genre, menée de 2020 à 2024, auprès de 114 000 femmes adultes des 27 États membres.

Publiés lundi, les résultats indiquent que plus de 30 % d’entre elles ont été victimes de violences physiques, sexuelles ou de menaces, tandis qu’une sur six a subi des violences sexuelles ou un viol. Ces dizaines de milliers de femmes racontent aussi que leur foyer n’est pas toujours un endroit où elles se sentent en sécurité : une sur cinq a ainsi subi des violences physiques ou sexuelles perpétrées par son partenaire, un proche ou un autre membre de la famille.

Et sur le lieu de travail, ce n’est pas mieux : une femme sur trois a déjà dû faire face à du harcèlement sexuel, et même deux sur cinq parmi les plus jeunes ! Si une majorité a pu en parler à une personne de confiance, seulement 20 % ont pris contact avec un médecin ou un membre des services sociaux, et moins de 14 % ont alerté la police.

Ces statistiques établies par Eurostat, l’Agence des droits fondamentaux de l’UE et l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) reflètent malheureusement un certain immobilisme aux quatre coins de l’Union. «En 2014, notre première enquête révélait déjà à quel point les femmes subissaient des violences au quotidien et partout. Une décennie plus tard, nous continuons d’observer les mêmes niveaux choquants de violence touchant une femme sur trois», déplore la directrice de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, Sirpa Rautio. «Il n’existe pas d’espace sûr pour les femmes, exempt de violence et de harcèlement.»

La directrice de l’EIGE, Carlien Scheele, y voit surtout une réalité alarmante : «Lorsque à peine une femme sur huit signale les violences dont elle est victime, il faut examiner sérieusement les problèmes systémiques qui empêchent de faire bouger les choses. La violence à l’égard des femmes est ancrée dans le contrôle, la domination et l’inégalité.» C’est pourquoi, selon elle, il est indispensable d’intégrer le prisme du genre aux mesures de prévention, aux services, comme aux autorités : assurées qu’elles seront soutenues, les femmes se manifesteront plus facilement.

Ce qui est loin d’être le cas au Luxembourg, où c’est le principe de neutralité qui continue d’être systématiquement appliqué – contrairement aux préconisations de la Convention d’Istanbul, dont le pays est pourtant signataire depuis 2018.

Plus de la moitié harcelées au travail

Si le Grand-Duché est mentionné à plusieurs reprises dans cette enquête, ce n’est pas pour de bonnes raisons. On apprend ainsi qu’il se classe dans le top 5 des pays où les femmes subissent le plus de violences, juste derrière la Hongrie et le Danemark. Au Luxembourg, 45 % des sondées ont déclaré avoir été victimes de violences physiques (pour 15 % d’entre elles) ou sexuelles (30 %) au cours de leur vie.

Et c’est encore pire au chapitre du harcèlement au travail, puisqu’on apprend que 53 % des femmes interrogées affirment avoir été confrontées à ce problème, soit un peu moins qu’en Suède (55 %), en Finlande (54 %) et en Slovaquie (53 %). Au contraire, c’est au Portugal (12 %), en Bulgarie (12 %) et en Lettonie (11 %) que la situation semble meilleure.

Le fait que les pays du nord de l’Europe – en pointe sur les questions d’égalité des genres – apparaissent parmi les plus mauvais élèves peut s’expliquer notamment par le niveau de connaissance des habitantes en matière de défense de leurs droits, et leur niveau de sensibilisation aux violences. Ce que les experts nomment «le paradoxe nordique». Quant au Luxembourg, une large partie des résidentes ayant vécu une partie de leur vie à l’étranger, il est probable que certaines violences relevées dans l’enquête aient eu lieu hors des frontières.

Les organismes auteurs de l’enquête annoncent qu’une analyse plus détaillée des facteurs influençant la prévalence de la violence dans chaque pays sera incluse au rapport principal qui sera publié en 2025.

Un questionnaire très détaillé

Les participantes ont été interrogées de manière très précise sur leurs expériences actuelles et passées, à travers ce type de questions : un partenaire ou quelqu’un d’autre a-t-il déjà menacé de vous faire du mal ? Vous a poussée, bousculée ou tiré les cheveux ? Jeté quelque chose sur vous ou vous a giflée ? Vous a frappée avec son poing ou un objet ou vous a donné des coups de pied? A tenté de vous étouffer ou de vous étrangler ? A-t-il utilisé un couteau, une arme à feu, de l’acide ou quelque chose de similaire contre vous ? Fait usage de la force contre vous ?

Au volet violence sexuelle, vous a-t-on déjà forcée à avoir des rapports sexuels en vous menaçant, en vous maintenant au sol ou en vous blessant (y compris si le rapport n’a pas eu lieu) ? Forcée à avoir des rapports sexuels par la force ou le chantage ? Quelqu’un a-t-il touché vos parties génitales, vos seins, vos fesses ou vos lèvres, alors que vous ne le vouliez pas ?