Plusieurs fois, une mineure de 13 ans a consenti à des relations sexuelles pour recevoir en échange de la drogue. Le procès d’un quinquagénaire s’est ouvert lundi.
« Pour elle, c’était évident. Comme elle n’avait pas d’argent pour la drogue, sa seule possibilité c’était de payer avec son corps. » À l’enquêteur de la police judiciaire section protection de la jeunesse, la mineure avait ainsi confié, fin mars 2016, s’être régulièrement rendue, entre mi-novembre 2015 et mi-janvier 2016, chez le quinquagénaire. En échange des drogues qu’elle recevait de sa part, elle avait eu des rapports sexuels avec lui. En tout, elle avait parlé d’environ dix relations.
Peu avant cet épisode, la fille, âgée à l’époque de 13 ans, avait déjà été entendue par la police. En octobre 2015, après une fugue de son foyer à Alzingen en compagnie d’une amie de 14 ans, la mineure avait fini à l’hôpital, puis été internée en psychiatrie juvénile. L’adolescente avait alors raconté à l’enquêteur avoir fait connaissance d’un homme dans le quartier de la Gare à Luxembourg. L’individu leur aurait dit que si elles levaient leur t-shirt chez son voisin elles pouvaient recevoir de la drogue et de l’alcool. Elles avaient suivi l’invitation.
L’adolescente avait ensuite expliqué que sa copine se serait évanouie après avoir consommé de l’alcool et des drogues. Et devant le policier, elle avait affirmé avoir été violée. «Elle dit ne pas avoir été d’accord, mais ne pas avoir pu se défendre», a rapporté, mardi après-midi devant la 9e chambre criminelle, l’enquêteur. Il remarque toutefois : «Elle n’avait pas de problème à parler de sa fugue, de la consommation d’alcool et des drogues. Mais dès qu’il a été question du viol, elle était extrêmement taciturne…»
Selon le psychologue chargé de l’expertise de crédibilité de la mineure, il semble qu’il y ait eu viol la première nuit, mais les déclarations contradictoires ne lui permettent pas de dire qui est l’auteur. Lors de sa deuxième audition à la police, fin mars 2016, la mineure avait en effet précisé que ce n’est pas celui qui leur avait fourni les drogues qui l’avait violée. Toujours selon elle, après que le trafiquant et une femme blonde eurent quitté la pièce, un inconnu serait apparu. L’enquêteur a exprimé, mardi, ses doutes quant à l’existence de cette troisième personne. Selon lui, la mineure aurait eu des difficultés à assumer qu’elle est ensuite retournée chez son «violeur» pour s’approvisionner en drogues.
Arrêtés en voiture à la frontière à Steinfort
Sur le banc des prévenus se trouvent deux hommes. Tous les deux ont été arrêtés mi-janvier 2016 à la frontière à Steinfort alors qu’ils revenaient des Pays-Bas, dans deux voitures séparées. Le premier semble avoir joué le rôle d’éclaireur, le deuxième, âgé aujourd’hui de 55 ans, avait à bord de sa voiture l’adolescente.
Outre la police judiciaire, la police de Grevenmacher a enquêté sur cette affaire. Elle avait été informée par un indic qu’une mineure se prostituait pour recevoir de la drogue. Dans un premier temps, ces enquêteurs s’étaient penchés sur les retraçages téléphoniques de quatre portables attribués au suspect. Ils avaient découvert ses contacts réguliers avec deux numéros néerlandais. À partir de fin novembre 2015, des écoutes téléphoniques avaient permis d’intercepter plusieurs conversations comme «Viens vite fait pour un petit café».
Pour les enquêteurs, pas de doute qu’il était question de trafic de cocaïne. Enfin, le GPS fixé à la Mercedes du suspect avait permis de retracer plusieurs voyages aux Pays-Bas. Fin décembre 2015, ils avaient saisi une conversation où le quinquagénaire se plaignait du degré de pureté de la cocaïne et disait ne pas vouloir avoir plus de 100 g chez lui. La police avait ensuite identifié 15 clients réguliers du quinquagénaire.
Le deuxième prévenu, âgé aujourd’hui de 35 ans, est poursuivi pour avoir participé à ce trafic de drogue. Les enquêteurs ont également pu retracer quelques conversations compromettantes sur son portable. Lors de son arrestation, il a essayé de relativiser son rôle et dit avoir seulement été une fois aux Pays-Bas. Pour ce trajet, il aurait reçu 150 euros.
Le procès se poursuit ce mardi après-midi avec l’audition des deux prévenus.
Fabienne Armborst