Patrick Canning, le président des Democrats Abroad au Luxembourg, veut croire en la victoire de Kamala Harris, un choix «logique» face à Trump.
Retrait de la candidature de Biden, arrivée de Kamala Harris… L’année a été particulièrement compliquée pour le camp démocrate : comment avez-vous vécu tous ces événements depuis le Luxembourg ?
Patrick Canning : Nous étions tous très surpris de la tournure des événements. Lors du débat entre Trump et Biden, nous nous sommes tous dit : « Oh non, même si nous aimons Joe et qu’il est notre homme, c’est clair qu’il n’est pas prêt ». C’était précipité. Nous avons senti qu’il n’était pas le meilleur candidat. Il a été forcé, je pense.
Quand le parti a annoncé qu’il allait être remplacé, nous ne savions pas encore par qui. Mais Kamala Harris a été un choix « naturel », je dois dire : elle est la vice-présidente, elle est la deuxième aux commandes. C’était logique. Mais d’un autre côté, nous, les Démocrates à l’étranger, nous nous sommes tout de suite dit que nous allions prendre notre propre décision.
Nous n’étions pas sûrs de vouloir vraiment soutenir Kamala. Mais au final, c’est ce qui s’est passé. Et nous pensons qu’elle a choisi un excellent futur vice-président, qui nous a confortés dans notre soutien : Tim Walz. Il fait un très bon travail.
Comment avez-vous trouvé la campagne de Kamala Harris ?
Je pense qu’elle fait un très bon travail. Elle a réalisé une excellente interview contre Trump, elle l’a réellement humilié. Et elle emploie les bons termes surtout. Oui, elle a qualifié Trump de fasciste. Mais elle a raison. Même si beaucoup de gens n’aiment pas ça, il faut appeler un chat un chat. C’est ce qu’il est. Il est fasciste, il faut donc l’appeler ainsi.
Il a été très clair qu’il serait un dictateur une fois au pouvoir. Il a dit lui-même qu’il voulait assurer davantage d’autorité présidentielle. Pour nous, c’est limpide. Le fait qu’il ne concède pas le pouvoir lors de la dernière élection présidentielle a aussi été révélateur.
Vous pouvez arguer que Trump était un bon président, mais à la fin, la seule chose qu’il avait besoin de faire, c’était de concéder l’élection. Prétendre que celle-ci avait été volée, sans aucune preuve, c’est un problème. Qui montre bien que cet homme n’a pas le droit d’être le président des États-Unis.
Êtes-vous convaincu que Kamala Harris gagnera cette élection présidentielle ? Les sondages sont toujours très serrés.
Je suis d’accord avec vous, ils sont au coude-à-coude, ce qui est, d’ailleurs, très décevant. Mais je pense que Kamala Harris va gagner. La question que je me pose, c’est : « Qu’est-ce que l’Amérique va devenir si les électeurs mettent quelqu’un comme Trump au pouvoir ? ». Qu’est-ce que cela dit des valeurs américaines ? Ce type est-il un bon modèle pour nos enfants ?
Je ne suis pas d’accord avec tout ce que les démocrates font. Je ne suis pas à 100 % pro-Kamala, je suis surtout anti-Trump. Et je pense que cela a plus de poids dans la balance. C’est le meilleur choix, parce que nous aurons une chance de pouvoir débattre avec le Parti démocrate, sans détruire notre pays.
Pensez-vous que les Américains soient prêts à voter pour une femme ? Noire ?
Je pense que oui. Ils ont voté pour Barack Obama deux fois déjà et ils étaient assez heureux. Il y a un bon précédent. Le sentiment général de la plupart des gens, que vous soyez républicain ou démocrate, c’est qu’il a été un bon président.
À mon avis, c’est différent de ce qui s’est passé avec Hillary Clinton. Elle était avant tout la femme de Bill Clinton, c’est la seule chose que les gens voyaient. Bien sûr, il y aura toujours des misogynes, qui détestent les femmes…
Le défaut de Kamala Harris, c’est que les gens ne la connaissent pas très bien. Tout le monde connaît Trump, Barack Obama, Joe Biden… Mais pas Kamala. Le parti fait d’ailleurs un très bon travail pour la sortir justement, pour que les Américains apprennent à la connaître davantage. C’est le principal défi ici.
Trump est criminel, immoral et raciste
Qu’est-ce qui va faire la différence demain selon vous ?
C’est d’amener les gens à voter. C’est ça qui va faire toute la différence. Actuellement, les gens qui votent, que l’on voit le plus, ce sont les républicains. Cela doit changer. C’est ce que nous avons fait à Luxembourg : nous avons réalisé deux campagnes, dans la Grand-Rue de la capitale, pour inciter nos concitoyens à voter à distance. Près de 30 personnes que nous avons rencontrées ne savaient pas comment faire!
Nous avons donc multiplié ces actions pour permettre au plus grand nombre de démocrates de s’inscrire pour voter. C’est ça qui fera la différence. Vous savez, le Luxembourg regroupe la plus grande part de votants démocrates à l’étranger, devant la France ou l’Allemagne.
Comment résumeriez-vous la présidence Biden qui vient de s’écouler ?
Je pense qu’en termes d’économie et de politique, il fait un bon travail. Le seul point noir, c’est sa manière de s’adresser au Moyen-Orient. Il n’a pas suffisamment pris position pour apporter la paix dans le conflit israélo-palestinien. Il laisse Israël faire ce qu’il veut. Beaucoup d’Américains sont déçus par rapport à ça.
C’est une situation délicate, parce que les juifs sont traditionnellement une forte faction du Parti démocrate. Donc, nous marchons un peu sur des œufs, parce que nous ne voulons pas perdre leur soutien, mais d’un autre côté, nous ne pouvons nier qu’il n’y a pas une réponse équilibrée au terrorisme du Hamas, c’est, d’une manière basique, un génocide ici. Beaucoup de juifs sont en colère aussi par rapport à tout cela et ne cautionnent pas vraiment ce qu’il se passe. C’est compliqué.
Comment vivez-vous un moment comme celui-ci, quand vous vivez à Luxembourg ?
Je suis conscient que je vis dans ma bulle, ici au Grand-Duché. Lorsque je me rends aux États-Unis, je suis frappé de voir autant de vêtements à l’effigie de Trump, je n’ai jamais vu ça au Grand-Duché. Je me suis rendu compte que, non, tout le monde ne soutient pas les démocrates, ni Kamala Harris. Et ça me fait vraiment peur.
Si Trump devient président à nouveau, quel genre de pays allons-nous devenir ? Il brise littéralement tous les commandements de la Bible. Il est criminel, immoral, raciste. Beaucoup disent que tout se passait bien sous l’ère Trump : leur mémoire n’est pas aussi bonne que la mienne, parce que je me rappelle surtout qu’il y avait de l’anxiété. Ça m’effraie.
Je suis très heureux de ne pas avoir renoncé à ma citoyenneté américaine. Mais je serai très déçu si Trump l’emporte. Je me console un peu en me disant que j’ai la chance d’être aussi européen!