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«Pour 8 % des personnes, il est acceptable de gifler une femme»


Les violences faites aux femmes restent largement tolérées, voire minimisées, dans l’UE, constate l’EIGE. (photo Julien Garroy)

À quelques jours de la journée internationale des Droits des femmes, un rapport européen pointe des niveaux de tolérance alarmants face aux violences faites aux femmes.

La violence fondée sur le genre reste «répandue, grave et sous-déclarée» dans toute l’UE, peut-on lire dans le rapport de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) publié mardi. «Les violences faites aux femmes trouvent leurs racines dans le contrôle, la domination et les inégalités», martèle sa directrice Carlien Scheele, rappelant que le recueil de données statistiques est indispensable «pour justifier des initiatives politiques au niveau européen».

Et la dernière enquête menée à l’échelle de l’UE a de quoi alarmer. On découvre pêle-mêle que 31 % des femmes ont subi des violences physiques et/ou sexuelles depuis l’âge de 15 ans, et que pour 57 % des victimes, ces violences ont entraîné des conséquences sur leur santé, de blessures physiques jusqu’aux traumatismes psychologiques à long terme. Dans un tiers des cas, les violences sont perpétrées par plusieurs agresseurs. Et malgré l’impact du mouvement #MeToo sur la libération de la parole, 31 % des victimes n’avaient jamais révélé leur expérience à qui que ce soit au moment de l’enquête.

L’EIGE met également en évidence des vulnérabilités intersectionnelles : les femmes handicapées sont plus exposées à la violence que les autres, tandis que les migrantes, les personnes LGBTQI+ et les femmes roms sont confrontées à des obstacles supplémentaires pour signaler les faits et accéder à de l’aide.

Face à ce constat, l’UE a pris des mesures fortes ces dernières années, comme la toute première directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en mai 2024, avec des normes juridiques communes à tous les États membres. Ou encore l’adhésion de l’UE à la convention d’Istanbul en 2023, même si cinq pays (la Bulgarie, la Tchéquie, la Hongrie, la Lituanie et la Slovaquie) n’ont toujours pas ratifié ce texte fondamental pour la protection des filles et des femmes. Rappelons que le Luxembourg, qui l’a signé dès 2018, peine cependant à le mettre en œuvre.

L’EIGE souligne par ailleurs que si de nombreux pays disposent de plans d’action nationaux, leur portée et leur efficacité varient considérablement. Selon Maria Mollica, à la tête de l’équipe chargée de la violence fondée sur le genre au sein de la Direction générale de la justice de l’UE, la transposition de la nouvelle directive, d’ici juin 2027, devrait permettre de remédier à ces lacunes. «La grande majorité des exigences de la convention d’Istanbul devra être transposée dans le droit national, même pour les États membres qui ne l’ont pas ratifiée.»

Autre point essentiel : l’accès aux services de soutien pour les victimes. L’EIGE pointe que bien souvent, ceux-ci restent insuffisants, avec des refuges en deçà des niveaux recommandés. Seuls sept pays respectent l’exigence minimale d’un lit pour 10 000 habitants, et c’est au Luxembourg qu’on trouve le taux le plus élevé, avec un lit pour 2 947 habitants. De plus, le nouveau Centre national pour victimes de violence, attendu ce printemps dans la capitale, devrait améliorer leur prise en charge.

Huit pour cent jugent qu’une gifle est acceptable

Au-delà des cadres juridique et politique, les attitudes sociétales reflètent le chemin qui reste à parcourir pour faire baisser la violence. Car le rapport de l’EIGE révèle des chiffres inquiétants : 17 % des personnes interrogées estiment que les femmes exagèrent souvent les allégations d’abus sexuel ou de viol. Quarante-six pour cent des hommes (et 26 % des femmes) pensent que contrôler financièrement son partenaire dans une relation est acceptable. Vingt-sept pour cent des hommes (et 15 % des femmes) trouvent que le harcèlement sexuel au travail est acceptable.

«Si vous regardez les résultats de près, pour 8 % des personnes, il est toujours acceptable de gifler occasionnellement une femme. Cela montre que de nombreux citoyens tolèrent ou minimisent certaines formes de violences sexistes. C’est épouvantable», poursuit Maria Mollica. «Les cas graves comme celui de Gisèle Pelicot sont un signal d’alarme pour la société. Si les choses restent comme elles sont, nous assisterons inévitablement à une répétition de ce phénomène.»

L’institut insiste enfin sur le rôle prépondérant de la représentation médiatique des violences qui contribue à faire perdurer ces idées : «Le sensationnalisme, la culpabilisation des victimes et la romantisation des abus sont encore monnaie courante».