Ancien grand joueur de l’Arantia, Rui Nunes cultive sa passion du basket en coulisses. Il est le seul agent agréé FIBA au Luxembourg.
Qu’ont en commun les internationaux Ben Kovac et Ivan Delgado, Antonio Bivins, passé par de multiples clubs au Grand-Duché ou encore Zac Seljaas, meilleur joueur de Würzbourg qui pourrait bien rejoindre une grosse cylindrée européenne l’an prochain? Réponse, ils ont tous le même agent : un certain Rui Nunes.
L’histoire du natif de Figueira da Foz est celle de très nombreux immigrés portugais. Celle d’un gamin qui rejoint son père, ouvrier, à la fin des années 80, lequel a posé ses valises au Luxembourg un an plus tôt pour raisons économiques. Du côté de Larochette. Même si ça s’est joué à rien du tout : «Dans notre rue, des enfants étaient scolarisés à Heffingen. Un bus venait les chercher pour les emmener à l’école là-bas. Mais nous, on a pu rester à Larochette.» Comme quoi, le destin, ça ne tient parfois à rien. Que se serait-il passé si Rui Nunes avait été scolarisé à Heffingen et non à Larochette? «Ça aurait pu changer le cours de l’histoire», reconnaît-il.
Mais c’est bien à l’Arantia que le gamin, qui joue au basket dans la rue, va écrire son histoire. Il y débarque à neuf ans, en accompagnant un voisin qui y évoluait. Doué, mais petit, il subit moqueries et railleries : «Un coach m’a dit une fois que je n’étais pas mauvais, mais que j’étais trop petit. Tu as toujours des gens qui te rabaissent.» Et à l’école, il côtoie des petits camarades qui évoluent dans les clubs bien plus prestigieux d’Etzella ou Dudelange : «Ce n’était pas évident, car on était en dernière division chez les cadets alors que je savais que je pourrais jouer à un autre niveau. Et je leur ai dit qu’un jour, je serai en première division avec l’Arantia.»
Prémonitoire. Pourtant Larochette ne dispose pas d’équipe seniors. Alors Rui Nunes décide d’en lancer une : «On est partis de zéro en N3 avec des cadets et quelques anciens qui sortaient de leur retraite.» Et après des fortunes diverses et des allers-retours à Heffingen ou encore au Black Star, il revient une bonne fois pour toutes à Larochette pour aider le club à vivre sa première montée dans l’élite : «On voulait se maintenir. Mais après avoir terminé deuxièmes du tour qualificatif, on a pris un deuxième Américain pour les play-offs et c’est comme cela qu’on est montés. Mais ce n’était pas le plan du tout!»
Les scalps du Sparta puis d’Etzella pour démarrer une première saison de rêve qui s’achève en play-offs, portée par les highlights de l’hyper spectaculaire Reggie Evans. La suite sera plus compliquée avec deux descentes en quelques saisons. Avant que le club ne s’installe pour de bon en première division. Pour Rui Nunes, qui fait figure de vieux sage au milieu, notamment, des frères DJ et Malik Wilson, il est l’heure de raccrocher les sneakers. On est alors en 2019 : «J’avais été opéré des ligaments croisés. J’avais mis du temps à revenir. Je savais que j’étais à la limite. Je voulais arrêter quand j’arrivais encore à jouer moyennement bien. Et Malik compensait les choses que je ne pouvais plus faire.»
C’est fini pour le basketteur. Mais pas pour le basket. En effet, très tôt, il a commencé à s’intéresser à tout ce qui touche au recrutement des pros. Et comme il n’est pas du genre à faire les choses à moitié, il décide de suivre les cours en Suisse, au siège de la FIBA. Et décroche sa licence en 2013. Alors qu’il est encore actif sur les parquets : «Je me suis dit que si je devais arrêter, au moins j’aurais eu le temps de nouer des contacts. D’apprendre à connaître des gens.»
J’espère avoir un joueur en Euroleague la saison prochaine
Il décide de se lancer à son compte. Et comme le joueur, c’est tout en bas de l’échelle qu’il débute. Avec Nick Wright, qu’il place au Patrioti Levice, en Slovaquie, où évoluera quelques années plus tard un certain Ben Kovac : «Il avait du potentiel, mais ne jouait pas beaucoup. Le Patrioti Levice n’avait pas beaucoup d’argent, ils se sont tournés vers tout le monde. Je leur ai présenté ce joueur, qui n’était pas cher. Et ça a commencé comme cela.»
Et de décrire sa manière de fonctionner pour une activité qui lui prend «une trentaine d’heures par semaine» : «Je cible les joueurs avec du potentiel athlétique, mais pas forcément les meilleures stats. Et d’abord les grands, ils sont plus faciles à placer», souligne Rui Nunes. Qui va entrer dans la période la plus dense de l’année : « «Le plus compliqué, c’est toujours d’avril à septembre. Quand les saisons se terminent, les joueurs veulent toujours quelque chose de mieux. J’essaie de faire de mon mieux. En expliquant à chacun ce qu’il est possible et ce qui ne l’est pas.»
Au fil des années, il a fait grossir son portefeuille de joueurs. Et peut s’enorgueillir de travailler avec des joueurs évoluant en D1 portugaise, israélienne, finlandaise ou encore allemande. Et il espère que Zac Seljaas sera son premier joueur à rejoindre une équipe évoluant en Euroleague : «Quand j’ai commencé cette activité, c’était mon objectif», avoue-t-il. «J’espère que ce sera le cas la saison prochaine.» On parle d’équipes comme l’ASVEL ou Kaunas notamment.
En attendant de savoir s’il ira au bout de son rêve, d’ici quelques mois, il a récupéré il y a peu Ben Kovac. Qui ne tarit pas d’éloges sur son nouvel agent : «Au début de ma carrière, j’étais dans une énorme agence. Mais la relation était vraiment trop axée sur le business. Je suis très content de Rui. On a une très bonne relation. Qui va au-delà du simple business. On sent qu’il aime ses joueurs. Son boulot. Il est toujours là quand tu as besoin de quelque chose. Il te donne tout.»
Même son de cloches pour Ivan Delgado, qu’il a placé à Braga : «Quand il m’a contacté, après l’armée, je ne savais pas qu’il était agent. Ce que j’apprécie chez lui, c’est qu’il est toujours sincère et honnête.»
Et même s’il n’est plus joueur de l’Arantia, il reste très proche de l’équipe. Et s’implique bien sûr dans le recrutement des pros. D’ailleurs, Scott Lindsey, bourreau du Basket Esch avec notamment 49 pts au premier match de play-offs, c’est lui! «Je savais qu’il était en Angleterre pour un mois. Comme (Isaiah) White était toujours blessé, on a trouvé un arrangement pour que Scott puisse terminer la saison au Luxembourg.» Avec, pourquoi pas dans quelques semaines, un premier titre national pour l’Arantia? Rui Nunes en rêve.
Voilà désormais 12 ans que ça dure… et visiblement, Rui Nunes n’a pas envie de s’arrêter de sitôt!
Rui Nunes est âgé de 38 ans. Il est pacsé et a deux garçons de 3 et 8 ans. Le natif de Figueira da Foz a débarqué à Larochette à la fin des années 80, pour rejoindre son père venu y travailler un an plus tôt. Il débute le basket au club de l’Arantia, dont il sera l’un des fondateurs de l’équipe seniors avec son petit frère Pedro quelques années plus tard.
Il connaîtra plusieurs montées et descentes avec l’équipe, qui s’installe pour de bon en première division. Il arrête sa carrière en 2019 même s’il a remporté cette saison la Coupe FLBB avec l’équipe B de l’Arantia.
Il débute son activité d’agent de joueurs en 2013 avec un joueur. Aujourd’hui, il dispose dans son portefeuille de joueurs de D1 allemande, israélienne, portugaise ou encore finlandaise sans oublier également deux coaches, dont Daniel Brandao, de l’Amicale. Il s’occupe des internationaux luxembourgeois Ben Kovac et Ivan Delgado notamment, mais également de Zac Seljaas, dont il espère qu’il sera son premier joueur en Euroleague, dès la saison prochaine.