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Polluants «éternels» en Europe : le Luxembourg n’est pas épargné


Les polluants PFAS ont été retrouvés dans l’Alzette, la Sûre et la Moselle.  (Photo : editpress/didier sylvestre)

Des médias européens ont enquêté pour débusquer ces polluants sur le continent, considérés comme la plus grande menace chimique au XXIe siècle.

Dix-sept médias européens, dont Le Monde, ont cartographié pour la première fois la dissémination massive des polluants PFAS dits «éternels», ces composés chimiques invisibles, inodores et désormais omniprésents mais dont la toxicité nourrit une inquiétude croissante. Derrière le sigle PFAS (prononcé «pifasse», à l’anglaise) se trouve une famille de substances de synthèses (plus de 4 700 molécules), développées depuis les années 1940 pour résister à l’eau et à la chaleur.

Dotées de propriétés anti-adhésives et imperméables, elles sont massivement présentes dans la vie courante : poêles en Teflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles… Quasi-indestructibles, d’où leur surnom, elles sont décrites par certains experts comme «la plus grande menace chimique au XXIe siècle» mais jugées en partie incontournables par l’industrie.

21 500 sites «présumés contaminés»

Au total, 17 000 sites sont contaminés en Europe (au-delà de 10 nanogrammes par litre), dont 2 100 à des niveaux dangereux pour la santé (plus de 100 nanogrammes par litre), selon les résultats du «Forever Pollution Project», collectif de 17 médias lancé par Le Monde et des confrères italiens, néerlandais et allemands, dont le Süddeutsche Zeitung. L’enquête a permis de réaliser, selon eux, la première cartographie européenne des sites contaminés ou suspectés de l’être, en s’appuyant sur des méthodologies d’experts, des données et des «milliers de prélèvements environnementaux» de 2003 à 2023.

Les sites concernés au Grand-Duché

L’enquête a pointé du doigt de nombreux sites au Luxembourg. Une contamination aux polluants PFAS a été détectée dans la Moselle, mais aussi dans la Sûre à Ralingen, à Bettendorf et au barrage de Steinheim. Les polluants ont été trouvés dans l’Alzette au nord de Mersch. Les sites présumés contaminés selon l’enquête se trouvent à Pétange (site de traitement des eaux usées), à Sanem (Kronospan et Kronospan Energy), à Mondercange (Minett Kompost), à Esch/Schifflange, à Dudelange (ArcelorMittal), à Bettembourg (ArcelorMittal et site de traitement des déchets dangereux Suez), à Emerange (traitement des eaux usées), à Leudelange (Sidor), à Hesperange (traitement des eaux usées), à l’aéroport du Findel, à Beggen (traitement des eaux usées), à Mamer (traitement des eaux usées), à Schuttrange (traitement des eaux usées), à Mersch (traitement des eaux usées), à Colmar-Berg (Good-Year), à Bissen (ArcelorMittal), à Gilsdorf (traitement des eaux usées) et à Echternach (traitement des eaux usées).

Un lac norvégien, le Danube bleu, une rivière tchèque et des régions immenses autour des bassins de la chimie font partie des plus touchés. Les journalistes ont aussi localisé vingt usines de production et 230 autres utilisatrices de PFAS. La production se trouve principalement en Allemagne (6 sites, notamment d’Archroma et des Américains 3M Dyneon et W.L. Gore). En France, on compte cinq usines, celles d’Arkema et Daikin, au sud de Lyon, mais aussi de Chemours et Solvay. L’enquête a également identifié 21 500 sites «présumés contaminés», notamment autour d’aéroports, à cause des mousses anti-incendie régulièrement utilisées lors d’exercices.

Effets sur la fertilité et les fœtus

Selon des études, l’exposition aux PFAS peut avoir des effets sur la fertilité et le développement du fœtus. Elle peut aussi augmenter les risques d’obésité, de certains cancers (prostate, reins et testicules) et le cholestérol. Le coût annuel pour la santé publique européenne est estimé entre 52 et 84 milliards d’euros, selon un rapport norvégien de 2019. Aux États-Unis, le conglomérat américain 3M, connu pour ses «Post-it» ou ses masques, s’est retrouvé le premier sur la sellette. Attaqué en justice pour ses usines américaines et en Belgique, il a annoncé fin décembre qu’il arrêterait d’ici fin 2025 la production des PFAS.

De l’autre côté de l’Atlantique, les autorités sanitaires allemande, danoise, néerlandaise, norvégienne et suédoise ont déposé mi-janvier auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un projet visant à bannir ces composants, appuyé par d’autres pays dont la France. Mais une éventuelle interdiction, au terme du processus, ne serait mise en œuvre qu’après 2026. En France, mi-janvier, la consommation d’œufs et de viande de volaille a été déconseillée par la préfecture du Rhône après la détection d’un taux élevé de PFAS dans des communes proches de l’usine Arkema près de Lyon.

Des substances difficiles à remplacer

L’organisation des producteurs de PFAS (la FPP4EU) estime difficile de se passer de ces substances, vantant leurs nombreuses propriétés (résistance, lubrification, durabilité…) et leur rôle central dans des secteurs tels que la pharmacie ou l’automobile. Pour Arkema, l’interdiction proposée dans l’UE serait «trop large», car elle envisage de bannir tous les composés chimiques persistants et non pas seulement ceux identifiés comme nocifs pour la santé humaine.

La proposition entraînerait l’interdiction de «nombre de polymères fluorés et gaz fluorés» qui «sont au cœur de la transition écologique et énergétique», estime l’industriel, citant les enjeux de souveraineté européenne pour les batteries, les semi-conducteurs, l’hydrogène, l’isolation, l’énergie solaire, etc.