Luc Henzig est à la tête d’une impressionnante collection de 700 guitares. Rencontre avec ce passionné du rock et des instruments qui l’ont fait.
Quand il n’occupe pas son poste de président du conseil d’administration de la Rockhal, Luc Henzig continue de consacrer son temps à la musique. Ce passionné a monté, année après année, une collection gigantesque de plus de 700 guitares, basses et amplis.
Chacun de ses instruments regorge d’histoires que le maître des lieux se fait un plaisir de conter. Dans son corps de ferme dédié à la six cordes, nous avons rencontré cet homme qui souhaite voir ses grattes continuer à vivre entre les mains des musiciens.
D’où vient cette passion pour la guitare?
Luc Henzig : Je ne suis pas guitariste au départ, mais j’ai toujours été impliqué dans la musique depuis ma plus tendre enfance. Mes parents m’avaient un peu forcé à apprendre l’accordéon, puis comme cela ne correspondait pas vraiment à mes goûts musicaux, je me suis mis à la guitare. Mes parents m’en avaient finalement acheté une à cinq sous dont je n’arrivais pas à jouer. J’ai donc fini par arrêter.
Mais la musique est toujours restée omniprésente dans ma vie. Quand j’étais enfant, j’ai reçu une petite radio pour ma communion. Le soir, j’écoutais Pop-Shop avec Frank Laufenberg, qui racontait les histoires du rock et des musiques à la mode. J’ai commencé à collectionner les disques et les vinyles. Le déclic pour la collection de guitares s’est fait après avoir épuisé toutes les autres pistes telles que les CD ou des fanzines dédicacés. Je me suis dit que le pas le plus sympa à franchir était d’obtenir un instrument de travail d’un musicien.
Je fais toujours en sorte d’être le plus certain d’avoir un instrument qui possède une belle histoire
Quelles sont les premières guitares que vous avez achetées?
Au début, j’ai acheté deux ou trois guitares juste signées, puis je me suis dit qu’aucun musicien n’avait travaillé avec ces instruments et qu’il n’y avait pas d’histoires à raconter. Finalement, la première guitare que j’ai obtenue est une Mockingbird de la marque B. C. Rich ayant appartenu à Rick Derringer. Il était en train de vendre cette guitare sur internet et je suis tombé dessus. Elle se trouvait aux États-Unis et il me l’a envoyée. C’est comme ça que ma collection a débuté et j’ai trouvé ça relativement chouette. Mais j’étais tout de même un peu frustré, car je ne voyais la guitare sur aucune photo avec Rick Derringer…
Je tiens à la documentation et je trouvais cela un peu mince. J’aime que l’instrument ait vécu. L’idée est de retrouver cette affinité entre l’instrument qui a été construit par un luthier, qui y a mis son âme, et un musicien qui lui donne vie. Cette double émotion me fascine et c’est pour cela que la plupart des instruments de ma collection ont une histoire avec un musicien.
J’ai été finalement récompensé à propos de la guitare de Rick Derringer, car, en 2006, dans un DVD, on le voit avec la Mockingbird. Dans les bonus, il s’entraîne sur celle-ci. J’ai donc fini par trouver dans quelles circonstances la guitare a été utilisée.
Comment retracez-vous l’histoire des instruments?
Parfois, c’est le musicien qui me la raconte. J’ai d’ailleurs quelques belles lettres. Je fais toujours en sorte d’être le plus certain d’avoir un instrument qui possède une belle histoire. J’en ai aussi quelques-unes ici où l’histoire demande encore quelques confirmations. J’ai, par exemple, une guitare qui aurait appartenu à Elvis dont je n’arrive pas à prouver l’origine. Même si j’ai un acte notarié et tout. Elvis n’était pas un guitariste, mais il en a fait cadeau à son guitariste, et ça, c’est documenté. Mais certaines sources contredisent ces faits. Il y a parfois des instruments qui restent dans l’ombre et que je n’identifie pas.
Combien avez-vous de guitares?
J’ai commencé la collection aux alentours de 2003. Et tout confondu, guitares, amplis, basses… Il y a plus de 700 pièces.
Comment trouvez-vous ces guitares si rares?
Par exemple, la guitare d’Alan Wilson (Canned Heat) qui a été utilisée sur la scène de Woodstock, c’est grâce à mon réseau d’amis que je l’ai obtenue. L’animateur Walter De Paduwa de Classic 21 en était le propriétaire et il a eu connaissance de ma collection. Il partait à la retraite et souhaitait la vendre. Ce sont souvent grâce à des connexions que j’obtiens mes guitares.
Ce sont souvent grâce à des connexions que j’obtiens mes guitares
Pourquoi les musiciens se séparent-ils de leurs instruments?
Il y a deux catégories. Il y a des gens comme Richie Sambora, de Bon Jovi, qui, à chaque concert, change de guitare. Ce sont des superstars qui consomment beaucoup d’instruments. À un certain moment, ces gens doivent gérer leurs finances et se séparent des guitares. D’autres personnes viennent aussi me voir pour me donner leurs guitares.
Par exemple, un artiste luxembourgeois avait vu mon musée et m’a demandé si ses instruments pouvaient y avoir une place. Il y a plein de musiciens qui sont plus ou moins connus qui m’ont contacté pour m’en donner. Un musée de blues à Chicago m’a, un jour, appelé pour faire un deal et échanger des guitares de Gregg Parker contre certaines des leurs.
Pouvez-vous nous décrire votre projet Tune Your Sound?
Initialement, nous voulions prêter des instruments aux musiciens. Malheureusement, nous avons eu affaire à beaucoup d’arnaqueurs qui tentaient de partir avec nos guitares. De plus, nous avons constaté que de nombreux guitaristes n’aiment pas jouer sur la guitare d’un autre. Je voulais que l’on utilise ces instruments. Nous avons appelé notre projet Tune Your Sound car il s’agit de trouver son propre son, d’aider les musiciens à trouver un son particulier grâce à nos instruments. L’objectif est de donner une deuxième vie aux instruments.
Aujourd’hui, je les garde et les fais jouer par des guitaristes dans lesquels j’ai confiance. Aussi je ne fais pas de business avec mes guitares. Dernièrement, nous avons prêté des guitares pour une exposition et pour plusieurs sons dans le cadre d’Esch 2022. C’est aussi pour cela que nous avons créé Tune Your Sound, pour mettre cette collection en valeur.
Continuez-vous à acheter des guitares?
Aujourd’hui je n’achète que très rarement des guitares. Il faut vraiment que l’histoire soit la bonne. La dernière que j’ai acquise, je ne l’ai pas encore déballée. Elle vient du Brésil, il s’agit d’une Burns Bison des années 80. On ne trouve pas souvent de Burns avec une histoire et là, par hasard, j’ai trouvé cette guitare chez un musicien brésilien qui jouait du hard rock et qui la vendait à un très bon prix.
Quand on lit l’échange de mails, on voit qu’il ne voulait pas l’envoyer à un certain moment, car les astres n’étaient pas alignés. Lors d’Esch 2022, nous ouvrirons l’étui afin de montrer comment les instruments viennent en ma possession.