Au moins 205 personnes ont péri dans les inondations qui ont ravagé cette semaine le sud-est de l’Espagne, selon un nouveau bilan provisoire des services de secours.
« A l’heure actuelle, et de manière provisoire, le nombre de victimes est de 202 personnes » pour la seule région de Valence, selon un communiqué des services de secours de cette région, de loin la plus endeuillée par la tragédie. Deux autres décès ont également eu lieu dans la région voisine de Castille-La Manche et un en Andalousie, tandis que de très nombreuses personnes, dont le nombre n’est pas connu, sont toujours portées disparues.
Sur ce total, 155 décès ont eu lieu dans la seule région de Valence, de loin la plus endeuillée par les torrents de boue qui ont ravagé mardi soir et dans la nuit de mardi à mercredi la partie sud-est du pays. À quoi, il faut ajouter deux morts dans la province voisine de Castille-La Manche et un en Andalousie.
Le précédent bilan, qui datait de mercredi soir, faisait état de 95 morts, mais les autorités n’avaient pas caché qu’il fallait s’attendre au pire, sans toutefois donner d’indication sur le nombre de personnes portées disparues.
Pour la première fois, le ministre de la Politique territoriale, Ángel Víctor Torres, a avancé une estimation à ce sujet en déclarant lors d’une conférence de presse à Madrid qu’il y avait jeudi soir « des dizaines et des dizaines » de disparus.
Sur le terrain, le soleil était revenu jeudi, 48 heures après la tragédie, produisant un contraste frappant avec le spectacle de désolation qu’offraient toutes les localités de la zone.
À Paiporta, une ville martyre de 25.000 habitants de la banlieue sud de Valence, au moins 62 personnes ont péri, selon la maire, Maribel Albalat.
Encore abasourdis, les résidents tentaient de nettoyer les rues, couvertes d’une boue visqueuse, dans un décor de fin du monde. « Il n’y a plus un commerce debout », a déclaré David Romero, un musicien de 27 ans, à une journaliste.
Levée de l’alerte rouge à Castellón
En visite à Valence, capitale de la région éponyme, le Premier ministre Pedro Sánchez a assuré que l’épisode de mauvais temps n’était « pas terminé » et appelé les habitants de cette région à « rester chez eux » et à « ne pas sortir ».
Il se référait à une « alerte rouge » (niveau d’alerte maximale synonyme de risque extrême) lancée jeudi matin par l’Agence nationale de météorologie (Aemet) pour certaines zones de la province de Castellón, située juste au nord de celle de Valence, où de fortes pluies sont tombées.
L’alerte a toutefois été levée dans l’après-midi, passant à l’orange, ce qui traduit une diminution du danger.
M. Torres a également annoncé que le gouvernement central avait accepté de mettre à la disposition du gouvernement régional « toutes les ressources de l’armée » pour ouvrir des routes et parvenir « dans tous les recoins » de la zone affectée, ce qui laisse entendre que certains villages sont encore coupés du monde.
Il a aussi indiqué que 39 personnes avaient été arrêtées et que « face au pillage et aux délits », les forces de sécurité feraient preuve d’une « fermeté absolue ».
Plus de 1.200 militaires sont déjà déployés sur le terrain, principalement dans la région de Valence, aux côtés de pompiers, policiers et secouristes.
Selon les autorités, des milliers de personnes sont toujours privées d’électricité dans la région.
Nuit de cauchemar
« Je n’aurais jamais pensé vivre ça », a confié Eliu Sánchez, habitant de Sedavi, commune de 10.000 habitants dans la banlieue de Valence, racontant une nuit de cauchemar.
« Nous avons vu un jeune homme dans un terrain vague, réfugié sur le toit de sa voiture », a raconté cet électricien de 32 ans. « Il a essayé de sauter » sur un autre véhicule, mais le courant « l’a emporté ».
Les trains à grande vitesse entre Madrid et Valence, suspendus depuis mercredi, le resteront au moins pour « deux à trois semaines », a indiqué le ministre des Transports, Óscar Puente.
Selon l’Aemet, plus de 300 litres d’eau par mètre carré (soit 30 cm) sont tombés dans la nuit de mardi à mercredi dans plusieurs villes de la région de Valence, avec une pointe à 491 litres/m2 (49,1 cm) dans le petit village de Chiva. C’est l’équivalent « d’une année de précipitations », a-t-elle précisé.
La région de Valence et la côte méditerranéenne espagnole en général subissent régulièrement, en automne, le phénomène dit de la « gota fria » (la « goutte froide »), une dépression isolée en haute altitude qui provoque des pluies soudaines et extrêmement violentes, parfois pendant plusieurs jours.
Mais le phénomène n’avait jamais atteint une telle ampleur. « La pire goutte froide du siècle », titrait ainsi en première page le quotidien El País.
Dans une première analyse, les scientifiques du World Weather Attribution, un réseau de référence qui étudie le lien entre des phénomènes météorologiques extrêmes et le changement climatique, ont estimé jeudi que « le changement climatique est l’explication la plus probable » à la violence des intempéries en Espagne.
Selon cette analyse, les pluies diluviennes qui ont frappé l’Espagne ont été 12% plus importantes et deux fois plus probables que si le climat ne s’était pas réchauffé.