Les abords du Cercle Cité étaient noirs de monde en fin de matinée. Dans la foule, certains ont même subtilisé les chaises des restaurants pour s’offrir une meilleure vue sur le souverain pontife.
Sur le coup de 10 h, la place d’Armes est encore relativement calme. On pourrait presque croire à un jeudi normal si l’important dispositif policier autour du Cercle Cité ne trahissait l’évènement de la journée. Alors que le pape n’arrive que dans deux heures, la foule se masse déjà devant les barrières. Certains ont fait du chemin pour le rencontrer : Ana-Cristina et Paolo sont venus d’Aveiro, au Portugal, pour l’accueillir. Difficile de les manquer avec leurs drapeaux représentant le pape François, des cœurs dans les yeux. «Nous sommes très croyants, c’était important pour nous. Mon fils l’a vu l’année dernière aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Lisbonne.» Arrivés mercredi, ils logent chez une amie, Céline, originaire d’Audun. «C’était l’occasion de les faire venir!» De son côté, Laura, déjà debout sur un banc avec ses trois enfants, est là depuis 8 h. Originaire d’Italie, elle habite en Allemagne et a fait le chemin depuis Trèves pour voir l’évêque de Rome. Mais plus qu’une photo souvenir, c’est son discours qui l’intéresse. «On attend son message et sa bénédiction. Comme ça, je pourrais ensuite la donner à des amis à Berlin qui n’ont pas pu venir et à ma mère.»
Tout autour de la place, cafés et restaurants sont encore vides. En pleine préparation, ils font leurs pronostics. Certains ont hâte que cette journée se termine et restent dubitatifs sur les clients que la venue du pape pourrait apporter. Le souverain pontife est pourtant attendu au Cercle Cité vers midi pour un départ en papamobile dans les rues de la capitale une heure plus tard, le moment idéal pour récupérer badauds et croyants. À la brasserie La Lorraine, Dylan Canlers, le directeur adjoint, est plus confiant. «On a eu quelques annulations de gens qui ont eu peur de ne pas pouvoir accéder à la Ville à cause du dispositif de sécurité», reconnaît-il. Mais face à la foule qui commence à se masser autour du Cercle Cité, il espère bien compenser ces quelques désistements dans les heures qui viennent. «Ce genre d’évènement, ça attire du monde comme à la fête nationale», ajoute le responsable qui a quelque peu musclé les effectifs. «Aujourd’hui, on est un peu plus nombreux qu’un jeudi habituel, le même nombre qu’un vendredi ou un samedi.»
Vers 12 h, le pape François arrive sous les acclamations de la foule… et sous les trombes d’eau. Mais l’averse qui s’abat sur la place d’Armes ne semble pas doucher la motivation du public. Une forêt de parapluies et de portables s’élève pour tenter de capturer ce moment. La scène ne dure que quelques minutes, François ne s’attarde pas sur le perron et entre directement dans le bâtiment. Durant près d’une heure, il va s’entretenir avec les responsables politiques de la Ville et du pays et notamment avec le Premier ministre, Luc Frieden, à qui il a accordé une audience (lire page 6). À l’extérieur, le public a rapidement quitté les lieux pour se réfugier sous les tonnelles des restaurants, sans pour autant commander quoi que ce soit, au grand dam des cafetiers. Quelques courageux restent tout de même sous la pluie pour avoir la meilleure vue sur la sortie du souverain pontife. Une question revient sur toutes les lèvres : le pape va-t-il saluer le public au balcon du Cercle Cité? Habitant Luxembourg, Daniel est presque là par hasard : «Je ne savais pas que le pape venait. Je suis rentré hier soir et je l’ai appris ce matin dans le journal.» Catholique et italien d’origine, il a tenu à être présent.
«Ça reste toujours un moment fort»
Peu avant 13 h, la papamobile se gare devant le Cercle Cité, ravivant l’enthousiasme des badauds, déçus pour certains d’avoir vu le Saint-Père arriver dans une Fiat 500 blanche. Alors que le temps se calme, la foule se masse à nouveau devant le Cercle Cité. Dans des numéros d’équilibriste, rendus périlleux avec la pluie, certains montent sur les bancs ou les bacs à fleurs pour prendre un peu de hauteur. Des petits malins subtilisent même, plus ou moins discrètement, des chaises sur les terrasses pour les emmener au beau milieu de la place d’Armes et se hisser dessus. Malheureusement pour eux, les restaurateurs les font rapidement redescendre sur terre pour récupérer leurs précieux biens.
Sur le coup de 13 h, le pape sort enfin et monte dans la papamobile, sous les applaudissements. Alors qu’il s’élance pour son tour dans la capitale, les portables immortalisent une dernière fois le souverain pontife. Certains se mettent à le suivre tandis que d’autres, comme Hélène, restent encore quelques minutes sur le parvis, sous le coup de l’émotion. Arrivée vers 10 h 30, et placée aux premières loges, elle n’a rien manqué de cette matinée. «On l’a super bien vu. C’est exceptionnel, surtout au Luxembourg!», s’exclame cette française naturalisée luxembourgeoise. «Je suis croyante et pratiquante, je l’ai déjà vu lors des JMJ au Brésil mais ça reste toujours un moment fort.» Sa fille, Gabrielle, a elle aussi des étoiles dans les yeux. «C’est toujours une très grande émotion de le voir.» Même si elles n’ont pas réussi à avoir de places, elles comptent se rendre à la cathédrale pour continuer cette journée. En attendant, il est temps d’aller déjeuner. Les restaurants de la place se remplissent à vue d’œil, finalement les restaurateurs n’auront pas perdu leur journée.