Accueil | A la Une | Philippe Mersch : «L’Autofestival est une tradition ancrée dans les mœurs»

Philippe Mersch : «L’Autofestival est une tradition ancrée dans les mœurs»


"l'électrique ne va probablement jamais correspondre aux besoins de tout le monde'" (Photo : Hervé Montaigu)

Philippe Mersch, président de la Fédération des distributeurs automobiles et de la mobilité (Fedamo), se dit plutôt optimiste pour cette 60ᵉ édition de l’Autofestival, qui a démarré samedi avec un marché définitivement tourné vers l’électrique.

L’Autofestival a démarré officiellement samedi pour sa 60e édition. Un rendez-vous toujours incontournable pour les concessionnaires, après une année 2023 plutôt fructueuse pour le secteur. Philippe Mersch, président de la Fedamo, fait le point sur la situation européenne, l’électrification du secteur, la neutralité des carburants, mais aussi sur la voiture du futur.

Les trois dernières années ont été marquées par les restrictions sanitaires, la pénurie des pièces ou encore l’inflation : l’horizon semble-t-il enfin dégagé pour le marché automobile en 2024?

Philippe Mersch : C’est vrai que nous n’avons pas été gâtés. Mais je crois que tous les secteurs économiques étaient plus ou moins touchés, donc nous n’allons pas nous plaindre plus que les autres! Nous avons eu des moments difficiles, mais il n’y a pas eu de vagues de licenciements. Nous avons pu négocier du chômage partiel avec les syndicats ou encore obtenir des aides au niveau du gouvernement. Nous avons eu de la chance de ce côté-là.

Je pense qu’aujourd’hui, il y a clairement une normalisation de notre activité, aussi bien pour l’après-vente que pour la vente. Concrètement, cela veut dire que nous avons à nouveau des délais normaux, que nous avions avant la crise sanitaire. Et ça, c’est très important. Quant à l’inflation, elle touche tout le monde. C’est sûr que nous allons répercuter les tarifs au niveau de la main-d’œuvre, parce que nous devons, nous aussi, payer plus, notamment avec l’indexation. Au niveau de l’achat automobile, ça veut dire des prix qui augmentent aussi, mais cela semble se stabiliser aujourd’hui.

Il est là le vrai challenge : utiliser nos véhicules actuels de manière plus propre

Quelle est la situation actuelle sur le marché européen? Il y a une nette tendance vers l’électrique, non?

Oui, clairement. Nous le voyons notamment au Luxembourg avec les immatriculations de 2023 qui montrent qu’il y a une vraie courbe exponentielle pour ce qui touche à l’électrique pur, c’est une vraie tendance. C’est aussi une question d’offres : il y a de plus en plus de véhicules sur le marché, de véhicules attractifs, qui répondent aux besoins des clients, avec de bonnes autonomies, toutes marques confondues.

Ce sont des véhicules très agréables à conduire. Maintenant, l’électrique ne va probablement jamais correspondre aux besoins de tout le monde : il faut pouvoir charger votre voiture idéalement à domicile ou au travail. Nous voyons bien que cela ne fonctionne pas partout aujourd’hui, et ne va pas forcément s’améliorer à l’avenir.

L’Union européenne a validé la fin des moteurs thermiques pour 2035. Comment faire pour se préparer à cela?

Personnellement, je ne suis pas sûr qu’une voiture électrique ne pollue pas. Aujourd’hui, nous parlons de pollution pour tout ce qui concerne l’usure des pneus par exemple, donc électrique ou non, ce sera pareil. Je pense que d’ici à 2035, la technologie automobile va encore beaucoup évoluer, et je ne parle pas forcément de l’électrique.

Il faut aussi voir tout ce qui est thermique, par exemple, des carburants neutres aussi. Nous parlons de nouvelles voitures, qui doivent être de plus en plus propres, mais nous avons aussi un parc roulant avec beaucoup d’automobiles actuellement. Il est là le vrai challenge : utiliser nos véhicules actuels de manière plus propre.

Alors, est-ce qu’en 2035, ce sera vraiment la fin des moteurs thermiques? C’est la voie empruntée aujourd’hui, mais cela peut encore évoluer d’ici là, le dernier mot n’a pas encore été dit. Je ne sais pas si c’est bien ou non, mais de toute manière, la plupart des constructeurs auront basculé sur l’électrique, donc je doute que ce soit une difficulté.

La Chine commence son offensive sur le marché européen, dépassant même, pour la première fois l’an dernier, la marque Tesla sur le marché des véhicules électriques : c’est positif selon vous?

Je ne sais pas si c’est positif ou négatif, mais, en tout cas, c’est une évolution qui me semble normale, puisque l’Europe veut électrifier de plus en plus ses véhicules. C’est une voie royale pour les Chinois, ils n’ont aucun désavantage vis-à-vis de nos marchés et ils ont politiquement décidé de mettre en avant l’électrification des véhicules.

Je pense qu’à moyen terme, il faudra voir comment toutes ces marques s’établissent en Europe. Je pense que les constructeurs déjà présents actuellement, européens comme asiatiques, n’ont rien à craindre parce qu’ils maîtrisent quand même l’outil. C’est surtout au niveau des tarifs que cela risque d’être tendu ces prochaines années.

Comment se porte le marché automobile luxembourgeois?

Les immatriculations ont augmenté de presque 17 % l’année dernière, c’est super positif. Nous serions très contents de rester dans cette même veine. Après, nous savons aussi que 2023 a été fructueuse parce qu’il y a eu des décalages de livraisons de voitures datant de 2022. Le challenge cette année va être d’atteindre les 50 000 unités, même si ce chiffre n’est pas vraiment un record, nous l’avions déjà dépassé par le passé. Le plus important, c’est que les commerces automobiles puissent réaliser leur activité, travailler de manière rentable.

Nous voyons aussi qu’il y a une nette tendance vers des véhicules plus propres. Nous avons des émissions de CO2 qui ont diminué de plus de 33 %, c’est très important. Les gens renouvellent assez rapidement leur véhicule, il y a vraiment un choix énorme aujourd’hui. Le parc automobile luxembourgeois est l’un des plus jeunes d’Europe, mais son âge augmente aussi. Tout dépend de la part de marché des voitures de société, qui sont renouvelées plus vite que celles des particuliers.

L’objectif de 50 000 véhicules neufs vendus en 2024 vous semble atteignable malgré la hausse des taux d’intérêt?

Les taux d’intérêt que nous avons actuellement sont les mêmes que ceux que nous avons eus ces derniers mois et nous avons atteint les 50 000 ventes l’année dernière. Aujourd’hui, nous sommes en période d’Autofestival et les taux sont à nouveau un peu à la baisse, en tout cas si nous regardons du côté des promotions. J’imagine, je ne suis pas économiste, que les taux vont se stabiliser cette année, je ne pense pas qu’ils vont encore augmenter. Mais c’est une situation à laquelle nous allons devoir nous habituer.

L’Autofestival fête ses 60 ans cette année : quel bilan faites-vous de ces six décennies?

On fête les 60 ans d’un évènement qui se renouvelle tous les ans : je pense que ça veut dire que c’est une tradition qui fonctionne, c’est un vrai succès. Ceux qui l’ont mis en place à l’époque étaient de réels visionnaires, c’était très différent!

C’est une formule qui fonctionne et qui est aussi reprise chez nos voisins. C’est ancré dans les mœurs. Il n’y a pas de raison que ça s’arrête, même si je n’ai pas de boule de cristal. Après tout, nous avons réussi à faire un Autofestival même pendant les années covid! Cela reste pour nous, commercialement et économiquement, un moment très important de l’année.

« Ce que nous aimons avec l’automobile, c’est qu’elle est tout le temps en mouvement, cela ne s’arrête jamais et nous avons systématiquement des nouveautés « (Photo Hervé Montaigu)

Le Plan national intégré en matière d’énergie et climat table sur un objectif de 49 % des voitures électrifiées dans le parc automobile luxembourgeois d’ici à 2030. Vous dites que c’est difficilement atteignable. Pourquoi?

Si nous partons d’un simple point de vue mathématique, ça s’annonce très compliqué, oui. L’électrification est exponentielle, nous le voyons bien, mais au niveau des immatriculations, nous couplons l’électrique et l’hybride pour atteindre 32,2 %. Or, dans le Plan intégré, les voitures hybrides ne sont pas prises en compte, c’est juste l’électrique.

Nous ne nous focalisons pas sur cet objectif, c’est une orientation. Que l’on atteigne 35, 40 ou 49 %, peu importe, je pense que le mouvement est en marche. L’objectif, c’est d’avoir un parc automobile de plus en plus propre, et c’est en cours.

Le gouvernement a annoncé la prolongation des primes d’aides jusqu’à fin juin : c’est une bonne chose pour vous?

Très clairement, nous avons accueilli comme une excellente nouvelle le fait que le gouvernement prolonge ces aides provisoirement. C’est positif à la fois pour nos commerces, mais aussi pour le client. Il est évident que si on les supprime, le marché va probablement s’effondrer, comme ce fut le cas en 2023 en Allemagne.

Il faut réfléchir, voir comment les prolonger encore, adapter peut-être les montants. Nous avons des échanges avec le nouveau gouvernement à ce sujet. Je n’en sais pas plus pour l’instant, il n’y a aucune décision de prise, mais c’est clairement en réflexion.

Malgré la mise en place de la gratuité des transports, la voiture reste le moyen de transport le plus plébiscité par les Luxembourgeois : comment expliquez-vous cela?

Cela s’explique assez facilement, à partir du moment où nous n’habitons pas dans une grande agglomération, les réseaux de transport public se compliquent un peu plus. Les gens travaillent majoritairement dans des grandes villes et ils ont besoin de véhicules pour faire une partie de leur chemin. La voiture reste aujourd’hui au centre de la mobilité, ce qui ne veut pas dire que cela ne va pas évoluer dans le temps.

Quel est le mot d’ordre de cette 60e édition de l’Autofestival?

Profitons de la chance d’avoir une nouvelle édition, la 60e en plus, ce n’est pas rien! Faisons notre possible pour réaliser de bonnes affaires, aussi bien pour les clients que les garages. L’année ne s’arrête pas en février, nous ferons le point au 31 décembre plutôt. Notre monde évolue beaucoup, il faut profiter de chaque instant, ce sont des moments assez intenses que nous vivons actuellement dans notre secteur.

Il y a autant de véhicules au Luxembourg qu’il y a de profils!

Le CES a eu lieu il y a quelques jours à Las Vegas. On parle de la voiture du futur comme d’un « smartphone sur roues » : vous en pensez quoi?

L’automobile évolue d’une manière très rapide, aujourd’hui, elle est hyper-connectée. Ce genre de salon est impressionnant, nous découvrons les nouvelles voies automobiles et comment les mettre en place. Aujourd’hui, les smartphones font partie intégrante de notre vie, il faut faire avec. Nous pouvons tout faire à l’avenir, y compris avec les voitures. Les véhicules doivent évoluer, nous ne pouvons pas rester comme il y a 30-40 ans, les besoins changent. Ce que nous aimons avec l’automobile, c’est qu’elle est tout le temps en mouvement, cela ne s’arrête jamais et nous avons systématiquement des nouveautés.

C’est quoi, la voiture idéale des Luxembourgeois?

Il y a autant de véhicules au Luxembourg qu’il y a de profils! Nous avons une offre énorme dans le pays et je pense que chacun trouve chaussure à son pied. Les Luxembourgeois veulent des voitures plus sûres, plus équipées, plus économiques et écologiques. Nous voyons pas mal de SUV, c’est une voiture pas forcément plus grande, mais plus élevée. Les gens aiment bien l’aspect sécuritaire de ce type de véhicules. Et puis les Luxembourgeois aiment bouger, partir en vacances, se déplacer les week-ends, donc ils ont besoin d’automobiles qui leur permettent toutes sortes d’utilisations.