Une nouvelle pétition demande l’interdiction des frais mensuels pour les banques. Elle a peu de chances d’aboutir. En 2019, déjà, les clients ont compris que le combat était vain.
Le sujet a déjà fait l’objet de plusieurs pétitions et un débat public avait eu lieu en juin 2019. À cette époque, les taux d’intérêt n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Pour un crédit immobilier, le taux variable s’établissait à 1,53 %, au mois de janvier 2019, et le taux fixe à 1,85 %, selon les chiffres livrés à cette époque par la Banque centrale du Luxembourg.
L’auteur de la pétition, Léo Benkel, qui réclame aujourd’hui l’interdiction de frais mensuels pour les banques, estime qu’elle est «essentielle» dans la mesure où «les banques tirent déjà des revenus importants des taux d’intérêt, des frais de découvert, des commissions sur les transactions et bien d’autres sources de revenus». Ces frais mensuels pour l’utilisation des comptes courants représentent, selon lui, «une charge supplémentaire et injuste pour les consommateurs».
Avant lui, l’Union luxembourgeoise des consommateurs luxembourgeois (ULC) était parvenue à faire de sa pétition un succès. Elle dénonçait les tarifs bancaires «injustifiés et antisociaux pour les opérations de base au guichet», et 5 982 signatures avaient été recueillies. L’objectif de cette pétition était de demander la modification de la loi du 3 juin 2017 relative aux comptes de paiement et plus particulièrement, elle demandait que les banques soient «légalement obligées de proposer des tarifs nettement moins élevés pour les opérations de base au guichet». L’ULC allait plus loin encore en réclamant la gratuité de ces opérations pour tous les clients considérés comme «personnes vulnérables».
L’actuelle pétition ne décolle pas vraiment, avec moins de 500 signatures depuis le 20 juillet. Depuis 2019, les taux d’intérêt ont explosé, les services aux guichets ont drastiquement diminué et la digitalisation a fait son œuvre. Les arguments du ministre des Finances de l’époque, Pierre Gramegna, ne sont plus d’actualité non plus. Dans le procès-verbal du débat public, face à l’ULC, le ministre rappelait que «le client est roi sur la place financière luxembourgeoise, ce qui fait d’ailleurs le succès de la Place». Comme la grande majorité des élus du pays, quand la place financière est malmenée, il rappelait qu’environ 30 % du PIB luxembourgeois sont générés par l’activité du secteur bancaire et «ce secteur est le plus large contribuable au budget des recettes et des dépenses de l’État» et qu’il «contribue largement au bien-être au Luxembourg».
Surtout, il y a cinq ans, lors du débat public, il rappelait que les dernières années avaient été marquées par «une érosion des taux d’intérêt et des marges liées aux opérations basées sur les écarts des taux d’intérêt». Reconnaissant que, malgré tout, la situation des banques était encore «considérable», il indiquait que «la profitabilité des banques souffrait d’une tendance descendante». Pour Pierre Gramegna, les avantages qui pourraient exister à court terme pour les clients étaient susceptibles d’entraîner à long terme «des conséquences défavorables pour les consommateurs» au vu du poids que représente le secteur dans l’économie nationale.
Bénéfice record
L’aspect de l’économie de marché signifiait pour lui «qu’il n’y a pas d’interventionnisme étatique dans l’économie, sauf en cas de nécessité absolue». Face à l’ULC, il avait pris comme exemple un jugement récent de la Cour de Karlsruhe, qui constatait que les banques sont en droit de demander des frais pour le retrait et le dépôt d’argent dans une agence. Pierre Gramegna décidait ainsi que pour l’intérêt général, les banques devaient bénéficier d’un environnement qui leur est propice. «Imposer des charges plus élevées aux établissements bancaires risque de les amener à réduire leurs services, notamment en fermant plus d’agences.»
Les agences sont toujours moins nombreuses, les opérations de base aux guichets sont devenues exceptionnelles, mais les frais mensuels ne diminuent pas, c’est tout le contraire. Cette année, les établissements bancaires ont réalisé un bénéfice record de l’ordre de 6,6 milliards d’euros, mais le gouvernement restera toujours frileux à l’idée d’intervenir légalement en faveur des clients. En 2019, la seule proposition retenue a été la mise sur pied d’un groupe de travail impliquant les instances concernées, dans l’objectif d’élaborer une charte qui contraindrait les banques à offrir un service plus convivial.
L’ULC reste toujours mobilisée, l’actuel pétitionnaire aussi, mais il y a peu de chances qu’un nouveau débat sur la question soit organisé.