En comparant les non-vaccinés aux homosexuels allemands des années 1980 et en reliant cela à Xavier Bettel, Peter Freitag aurait voulu faire de l’humour. Ce qui n’est pas un délit.
De son propre aveu, Peter Freitag a de l’humour. Ce serait même sa marque de fabrique et ceux qui le connaissent le savent depuis longtemps, a-t-il affirmé à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier après-midi. Il n’a rien contre les homosexuels. La preuve, il a beaucoup d’amis homosexuels. Xavier Bettel n’en fait visiblement pas partie.
Le 29 septembre 2021, après un discours de Xavier Bettel à la Chambre des députés lors duquel le Premier ministre expliquait la stratégie vaccinale et ses conséquences pour les non-vaccinés, Peter Freitag postait le texte suivant sur son compte Facebook : «Cher Monsieur Bettel, si vous deviez tomber malade du sida, vous n’auriez plus droit à un salaire. Vous devriez également présenter un test négatif pour pouvoir rentrer dans un restaurant ou au parlement. Après tout, vous êtes homosexuel et appartenez à un groupe à risque. Un acte de solidarité puisque vous avez eu suffisamment de propositions de femmes. Un choix contre les femmes qui reste naturellement libre. Maintenant, vous devez vivre avec les conséquences. Que les personnes homosexuelles ne doivent pas payer pour leurs décisions personnelles est une question d’équité. Nous ne pourrons vaincre le sida que quand le monde entier sera hétérosexuel.»
Le parquet reproche une incitation à la haine et un outrage à ce corona-sceptique. Il s’est défendu en affirmant avoir voulu critiquer avec cynisme «la logique idiote de Xavier Bettel» et du gouvernement. Sa comparaison entre les corona-sceptiques, le vaccin, les homosexuels et le sida n’aurait été qu’une satire mal interprétée. Il diffuse ensuite un extrait d’une émission allemande des années 1980 pour étayer ses propos. Il y est question de restrictions envers les homosexuels à Munich. À l’époque, la CSU locale les accusait de propager le virus et avait évoqué la possibilité de les enfermer dans des camps ou de mettre en place des tests pour contrôler les déplacements au sein de la communauté gay.
«Deux poids, deux mesures»
Peter Freitag assure ne pas avoir commis de délit et ne pas comprendre pourquoi le parquet, qui manque à ses yeux manifestement d’humour, a décidé de le poursuivre. Parquet qu’il pensait «être une institution neutre», mais qui, selon lui, ferait «deux poids, deux mesures». Peter Freitag va même plus loin en insinuant que le ministère public serait téléguidé.
Sauf que pour la représentante du parquet, un brin énervée par ces propos et sous-entendus, le post est homophobe. Elle explique qu’on peut ne pas être en accord avec des choix politiques d’un gouvernement, mais qu’il ne faut pas comparer l’incomparable et que l’orientation sexuelle d’un dirigeant n’est pas un argument valable. «Si Jean-Claude Juncker avait été Premier ministre à ce moment-là, vous n’auriez pas utilisé l’argument de l’homosexualité», explique-t-elle au prévenu, à qui elle reproche «des comparaisons extrêmement douteuses» et un parallèle entre l’homosexualité et la propagation du sida. «Un membre du gouvernement a été rabaissé à cause de son orientation sexuelle», note-t-elle avant de requérir une peine d’un an de prison et une amende à l’encontre de Peter Freitag.
Le prévenu ricane et ne se rend pas. «Vous dites que les non-vaccinés ne sont pas une minorité, mais Xavier Bettel évoque lui-même une minorité dans son discours», tente-t-il avant que le président de la chambre correctionnelle n’essaye de lui expliquer les différents sens du mot minorité. «La minorité évoquée par le Premier ministre est définie par la loi», précise le juge qui lui reproche d’avoir basé sa comparaison sur «la logique de la CSU en Bavière dans les années 1980 en matière d’homosexualité». «Une discrimination est légale et pas l’autre.»
Peter Freitag s’accroche. «Je suis un provocateur. La satire n’est pas interdite par la loi», répète-t-il.
Le prononcé est fixé au 29 juin.
Au-delà de l’humour, oser reprendre « Nous ne pourrons vaincre le sida que quand le monde entier sera hétérosexuel » est d’une telle bêtise crasse, qui justifie à elle seule le délit homophobe et une bonne petite poursuite pour un peu remettre ce monsieur à sa place…
Il manque beaucoup de choses aux dirigeants actuels, à commencer par un peu de bon sens, mais clairement le sens de l’humour leur fait cruellement défaut.
En effet, la discrimination sur base de l’orientation sexuelle est interdite par la loi du 28 novembre 2006 et c’en est une!