Des membres du personnel éducatif et psychosocial (EPS) de l’enseignement public ont protesté jeudi contre le texte fixant leurs missions, jugé à côté de la plaque et loin de la réalité du terrain.
Les remous autour du projet de loi 8163 encadrant les missions du personnel éducatif et psychosocial (EPS) dans l’enseignement public n’en finissent pas. Alors que le texte sera bientôt soumis au vote des parlementaires – après plusieurs adaptations exigées par le Conseil d’État – l’Association du personnel des centres de compétences et de l’agence (APCCA) et le SEW/OGBL ont manifesté leur colère jeudi, devant la Chambre des députés.
Alors qu’ils réclamaient une concertation pour définir clairement leurs tâches depuis 2018, les professionnels de l’accompagnement des élèves à besoins spécifiques représentés par l’APCCA ont été brutalement écartés des négociations entamées avec le ministère de l’Éducation nationale en 2021. À l’époque, Claude Meisch arrache un accord avec trois syndicats d’éducateurs affiliés à la CGFP, dans le dos de l’association, et considère le dossier comme définitivement bouclé.
Or, si les dispositions retenues semblent satisfaire certains personnels EPS – dont ceux qui font partie des équipes de soutien des élèves à besoins éducatifs particuliers ou spécifiques (ESEB), des services socio-éducatifs dans les lycées (SSE) ou des services de psychologie et d’accompagnement scolaires (SePas) – d’autres, notamment ceux qui exercent dans les huit centres de compétences du pays, s’étranglent.
Des tâches floues, voire irréalisables
En effet, ces éducateurs gradués, psychologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes et autres professionnels accompagnant les élèves à besoins spécifiques se dressent contre un projet de loi qui ne correspond pas, selon eux, aux conditions de travail particulières qu’impose la prise en charge de ces enfants.
«On avait déposé une plainte au tribunal pour contester cet accord et rouvrir les discussions, mais nous avons été déboutés en deuxième instance», précise Frédéric Krier, secrétaire central du syndicat Éducation et sciences (SEW) de l’OGBL.
Ils dénoncent pêle-mêle des tâches floues, voire irréalisables, traduisant une méconnaissance totale de leur métier, un volume horaire rémunéré largement en deçà du nombre total d’heures réellement prestées ou encore le fait que le travail hors de la classe – plus important dans le cas d’élèves handicapés ou à besoins spécifiques – ne soit pas du tout pris en compte.
«Nous n’avons aucune possibilité pour que ces heures supplémentaires soient payées ou créditées sur un compte épargne-temps», pointe ainsi Anne Schill, pédagogue pour le Centre de développement intellectuel. «Or, on dépasse largement les 30 heures de travail hebdomadaires prévues par le projet de loi.» Selon nos informations, le volume horaire d’un agent EPS en centre de compétences peut facilement atteindre 50 à 60 heures par semaine, comprenant les échanges avec les parents, les enseignants, la guidance, les bilans, les réunions, sans oublier les trajets entre les écoles.
Le malaise grandit au sein des effectifs
Avec des conséquences concrètes dans ce secteur en proie à une pénurie de main-d’œuvre : parmi les 800 à 1 000 personnels EPS actuels, beaucoup jettent l’éponge, épuisés, tandis que trouver du personnel qui accepte ces conditions devient un véritable casse-tête. «Il y a de nombreux départs», confirme l’enseignante. «Forcément, ça complique encore plus le travail des équipes.»
Ce qu’elle souhaite maintenant, c’est un texte à la fois plus clair et plus adapté à son métier. «On espère que ce sera révisé. Car actuellement, même les directions des centres de compétences ont du mal à s’organiser pour la prochaine rentrée.»
Avec le piquet de protestation organisé jeudi, l’OGBL veut avant tout envoyer un signal fort à la sphère politique, à la hauteur du malaise qui ne cesse de gonfler dans les rangs du personnel EPS, et qui dépasse de loin le projet de loi. «Ce qu’on observe, c’est une détérioration des conditions de travail, surtout concernant les anciens agents. Il est impératif et urgent de rouvrir le dialogue», plaide Frédéric Krier, ajoutant que tous les agents EPS sont concernés.