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Perquisitions en cours chez Goodyear pour « homicides involontaires »


L'usine de Goodyear à Colmar-Berg. (photo archives Editpress)

Des perquisitions sont en cours ce mardi sur trois sites européens de Goodyear, le géant américain du pneumatique, y compris à Colmar-Berg.

« Des perquisitions concomitantes, avant tout informatiques, sont menées depuis mardi matin chez Goodyear en France, au Luxembourg et au siège européen de l’entreprise à Bruxelles, en Belgique », dans le cadre d’une « demande d’entraide pénale internationale émise par le juge d’instruction de Besançon », a déclaré à l’AFP le procureur de la République de la ville Étienne Manteaux.

« L’objectif de ces perquisitions est de déterminer le degré de connaissance par Goodyear de la dangerosité des pneus Marathon LHS II et Marathon LHS II+ et le nombre de sinistres qui ont été portés à sa connaissance », a-t-il déclaré.

En juillet 2014, le camion-citerne de Jean-Paul Rollet est violemment percuté par un autre poids lourd qui vient de traverser la glissière centrale après l’éclatement de son pneu avant gauche, sur l’A36 dans l’est de la France. Les deux chauffeurs décèdent.

Refusant la « fatalité du routier » et le classement sans suite de l’affaire, sa femme Sophie Rollet enquête et se dit persuadée de la responsabilité des pneus dans la collision. La mère de trois enfants, dépose une plainte en 2016 avec constitution de partie civile auprès du tribunal de Besançon.

Défaut de fabrication 

Un juge d’instruction de Besançon enquête depuis lors sur trois dossiers de collisions mortelles, dont celle concernant Jean-Paul Rollet, impliquant des poids lourds équipés de pneus fabriqués par la société américaine, des modèles Marathon LHS II ou Marathon LHS II+.

Quatre personnes ont perdu la vie dans ces trois collisions survenues en France en juillet 2014 et en avril 2016.

D’après les investigations, ces collisions ont été causées par l’éclatement du pneu avant gauche, faisant perdre le contrôle des véhicules aux chauffeurs.

Pour chacun de ces dossiers, des experts différents ont conclu que l’éclatement des pneus n’était pas dû à une cause extérieure mais à un défaut de fabrication, relevant notamment « une décohésion des nappes » métalliques qui constituent la structure du pneu et le fait que « la bande de roulement s’est décollée ».

Les dossiers de quatre autres collisions similaires survenues entre 2011 et 2014 en France, dans lesquelles deux personnes sont mortes, ont par ailleurs été versés à l’instruction judiciaire, à titre d’information en raison de la prescription des faits. Plusieurs experts ont également conclu à un défaut de fabrication.

« Lanceur d’alerte » 

« Goodyear n’a jamais reconnu de problème de sécurité », même pressé par les constructeurs de poids lourds suédois Scania et allemand Man qui, constatant la dangerosité des pneus Marathon LHS II et LHS II, ont expressément demandé à l’automne 2014 à leurs clients de « retirer » ces pneus, remarque le procureur.

Pourtant, dès « mars 2014, la société Goodyear a mis en place un programme d’échange auprès de ses clients baptisé Tango », selon Étienne Manteaux.

La société « aurait pu faire une campagne de rappel, mais là c’est un échange commercial : beaucoup de sociétés n’ont pas répondu car on ne leur a pas dit qu’il y avait un problème de sécurité », relève-t-il.

« Si un programme de rappel avait été mis en place, on peut penser que ces personnes (décédées après mars 2014) seraient encore en vie », regrette le magistrat.

Un programme comparable à Tango avait également été déployé en Espagne dès 2013, précise-t-il, soulignant l’effet néfaste de la chaleur sur les pneumatiques mis en cause.

« Un lanceur d’alerte », a par ailleurs versé au parquet « des éléments provenant de la société Goodyear sur des dossiers d’indemnisation ouverts après des sinistres similaires », confie Étienne Manteaux. « Il y en a plein, dans plein de pays européens ».

Le journal Le Monde avait révélé que Goodyear n’aurait pas alerté le public sur les potentiels vices de fabrication. Ces derniers auraient affecté plusieurs dizaines de milliers de pneus fabriqués au Luxembourg et auraient provoqué de très nombreux accidents.