En plein débat sur la réforme des pensions au Luxembourg, la Fondation Idea apporte sa pierre à l’édifice en proposant quatre scénarios distincts permettant chacun de redresser le système menacé à moyen terme.
Deux semaines après les partis représentés à la Chambre, c’est au tour de la Fondation Idea de proposer ses réflexions autour du système de retraite. Depuis plusieurs mois, le gouvernement s’est engagé dans une grande consultation, dont la deuxième phase a débuté en février dernier, afin de recueillir les avis des citoyens sur le sujet. De leurs côtés, politiques et syndicats ont également fait part de leurs propositions, entraînant des débats parfois complexes à suivre pour le grand public, dont plus de la moitié ne comprend pas le fonctionnement du système actuel.
C’est peut-être pour lutter contre cette cacophonie ambiante que la Fondation Idea a choisi de filer la métaphore musicale en proposant un nouveau document de travail intitulé «Pensions : un quatuor de réformes». Présenté hier à la Chambre de commerce, celui-ci évoque quatre pistes comportant chacune une idée particulière. «Nous cherchons à préserver le premier pilier du système de retraite (NDLR : les pensions publiques), précise en introduction Vincent Hein, le directeur de la Fondation Idea. «Le Luxembourg est un îlot de prospérité, mais cela ne protège pas des tendances.»
D’autant que d’après les projections réalisées, le système pourrait déraper dès l’année prochaine avec un déficit de 100 millions d’euros en 2026, puis 300 millions en 2027. «La réserve pourrait être épuisée d’ici 2040», abonde Jean-Baptiste Nivet, économiste senior du think tank qui a tenté de veiller dans son travail à préserver plusieurs principes, comme le respect de l’équité et la cohésion sociale, la préservation de la continuité des pensions, la flexibilité des règles ou encore l’équilibre entre le freinage des prestations et le recours à de nouvelles recettes.
Une réforme écureuil qui «va droit au but»
Chef d’orchestre de toute cette réflexion, Muriel Bouchet, ancien directeur d’Idea, a commencé par présenter la réforme dite écureuil. «Celle-ci va droit au but, mais ignore les préoccupations sociales.» Elle privilégie plutôt de faire des économies afin de restaurer l’équilibre financier. Les mesures d’économie imaginées assureraient un préfinancement, à hauteur de 10 % des prestations annuelles, impliquant un effort sur les retraités actuels dès 2027. Celui-ci passerait notamment par une atténuation du lien entre les pensions et le salaire réel. En d’autres termes, les retraites ne seraient plus forcément ajustées sur la hausse des salaires. «Cela rendrait la dynamique des pensions moins dynamique.» Pour protéger les pensionnés les plus fragiles, l’ajustement se ferait selon le niveau de pension, touchant davantage les plus aisés. Ce ciblage social se retrouve également au cœur d’une autre mesure : la dégressivité de l’allocation de fin d’année. Celle-ci diminuerait de plus en plus en fonction des revenus de la personne.
Plus social, le plan 50+1 prévoit quant à lui d’accentuer deux évolutions déjà prévues dans la loi actuelle : l’augmentation de la partie fixe des pensions et le recul de la partie proportionnelle aux revenus cotisés. Cela permettrait de nouvelles économies tout en préservant les petites pensions et en écrémant les plus élevées. Ce scénario permettrait des économies tant à court qu’à moyen terme.
Un deuxième réforme plus sociale
Le second scénario ressemble fortement au premier, mais il inverse sa philosophie. «On donne cette fois la priorité au social.» Il intègre notamment une augmentation de 10 % de la pension minimum, ce qui permettrait de réduire les inégalités. Un déplafonnement partiel de la base contributive est également prévu. Celle-ci est pour le moment limitée à cinq fois le salaire minimum non qualifié, soit un seuil de 13 189 euros. Avec cette réforme, la tranche de revenu excédant ce plafond serait soumise à des cotisations de pension, mais à un taux réduit. Au lieu de cotiser trois fois 8 % sur ces revenus (8 % à la charge du salarié, 8 % pour l’employeur, 8 % pour l’État), comme actuellement, le taux ne serait plus que de trois fois 3 %.
Le plan 50+1 serait une nouvelle fois mobilisé dans ce scénario qui permettrait de réaliser des économies moins fortes que le premier, mais en améliorant la situation des pensionnés les plus modestes.
Prendre en compte l’espérance de vie
«Il faut tenir compte du fait que l’espérance de vie a augmenté de 1,5 année depuis la réforme de 2012 alors que l’âge moyen de départ à la retraite est toujours de 61 ans», analyse Muriel Bouchet. Pourtant, toucher à l’âge de départ à la retraite n’est pas aussi simple. «Il faut aussi des mesures d’accompagnement.» Idea propose donc d’indexer graduellement les âges de départ (57, 60 et 65 ans) et la durée du stage de 40 ans à l’espérance de vie. Cela représenterait une augmentation de deux ans d’ici 2050 et quatre ans vers 2070. Les travailleurs qui le souhaitent pourraient aussi bénéficier d’un bonus en acceptant de partir un peu plus tard.
Ces mesures s’accompagneraient d’une gestion plus active des fins de carrière et d’une retraite partielle plus flexible qu’aujourd’hui. En plus d’apporter de nouveaux financements aux pensions, ce scénario pourrait entraîner une légère accélération de la croissance en augmentant la force de travail.
Vers un pilotage automatique?
Les trois réformes précédentes tentent de réformer le système des pensions tout en limitant au maximum les coût sociaux. Mais ces assemblages de mesures peuvent être complexes à mettre en œuvre, que ce soit pour des raisons politiques ou pour des considérations légales. La Fondation Idea a donc imaginé un dernier scénario, dit du pilotage automatique. Celui-ci ne repose que sur une mesure : l’intégration d’un facteur de durabilité dans le calcul des pensions. Fixé à 1 en 2027, il évoluerait en fonction de la situation. En cas de déséquilibre financier, il ferait diminuer les pensions. Pour atténuer ses effets sur le pouvoir d’achat des retraités, il entraînerait aussi une hausse automatique des cotisations. «Cela permettrait de prendre en compte l’incertitude du futur.»
Tous ces scénarios n’ont pas forcément vocation à être adoptés tels quels, souligne Idea. Ils sont là pour apporter des pistes de réflexion dans le débat actuel. Une contribution de plus pour le gouvernement, qui doit rendre sa copie d’ici l’été prochain.