Inutile de les convier à des réunions pour discuter du projet de réforme des pensions, ils n’iront pas. Ils veulent une tripartite, sinon rien. Le dialogue social est en mauvais état.
Ils n’iront plus à aucune réunion. Le front syndical OGBL-LCGB annonce boycotter le Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE) et ne participera plus au vote au sein du Conseil économique et social, sans parler des invitations envoyées par la ministre Martine Deprez pour discuter de la réforme du système des pensions.
Pour le front syndical, qui s’apprête à manifester le 28 juin, la coupe est pleine, a-t-il fait savoir vendredi lors d’une conférence de presse. Il accuse le Premier ministre de s’essuyer les pieds sur le modèle social luxembourgeois et ne répondra présent qu’à une convocation d’une tripartite, devenue urgente à ses yeux. Le dialogue social doit reprendre sur des bases saines et ne pas se dérouler aux dépens des syndicats, dont les revendications sont purement ignorées.
Comme les syndicats ont appris les mesures envisagées pour réformer le système des pensions en suivant la déclaration sur l’état de la Nation, le Premier ministre sera lui aussi averti du boycott des syndicats par voie de presse. Il va recevoir un courrier pour l’informer officiellement, mais il est d’ores et déjà prévenu.
Le flou règne dans tous les dossiers
Les syndicats sont dans le flou pour tous les dossiers. Ils ne savent toujours pas ce que le gouvernement va entreprendre, au final, concernant la transposition de la directive européenne relative aux salaires minimaux adéquats, dont l’un des principaux objectifs est d’étendre le taux de couverture des conventions collectives de travail (CCT). Alors que les syndicats sont en guerre contre le ministre du Travail depuis octobre dernier, à l’issue d’une réunion du Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE) pour s’être retrouvés devant un fait accompli, le patronat en a rajouté une couche jeudi.
L’UEL veut pouvoir se passer des syndicats pour négocier des accords d’entreprise avec les délégations du personnel ou avec le personnel, à défaut de délégation. Exactement ce que préconise aussi le gouvernement quand il explique vouloir «moderniser» le droit du travail, tout en promettant aux syndicats de maintenir leur droit exclusif de négocier et signer des conventions collectives.
«Un dialogue de sourds»
«Depuis des mois, le gouvernement mène un dialogue de sourds» en appliquant «une politique des faits accomplis ou d’annonces exclusives par voie de presse sans concertation préalable digne de ce nom», se plaint le front syndical composé de l’OGBL et du LCGB, qui représente à eux deux 125 000 membres.
Après l’épisode des conventions collectives arrive celui des pensions. Les pistes livrées par Luc Frieden et reprises par la ministre Martine Deprez sont aux antipodes des demandes et attentes formulées par de nombreuses parties prenantes tout au long du processus de consultation «Schwätz mat!».
D’ailleurs, les conclusions de cette plateforme participative ne seront révélées qu’en juillet. Cela n’a pas empêché le gouvernement d’annoncer dès ce mois-ci que les travailleurs devaient s’attendre à allonger leur période de cotisation pour faire valoir leurs droits à la retraite. «À ce jour, la ministre de la Santé et de la Sécurité sociale n’a donné aucun retour à la note syndicale commune de 129 pages», regrette le front syndical.
Des syndicats ignorés
L’OGBL et le LCGB demande sans surprise la convocation du comité de coordination tripartite «afin de pouvoir mener à trois des échanges de qualité et d’arriver ensemble à un consensus global sur la réforme des pensions, la pérennité financière de la CNS, le dialogue social, le droit du travail (en l’occurrence la loi sur les relations collectives de travail, le travail du dimanche et les heures d’ouverture) et la réforme fiscale».
Ils se plaignent de la détérioration du dialogue social, accusant les différents ministres de se limiter à convoquer les syndicats, «à demander des prises de position pour faire semblant de dialoguer et à exécuter ensuite sans égard aux positions syndicales les décisions qui étaient déjà prises avant tout échange».
Le gouvernement en place depuis 18 mois a réduit le dialogue social «à une simple consultation pour la forme». La ministre Martine Deprez, qui entendait recevoir les partenaires sociaux avant les congés d’été, a déjà la réponse. Les syndicats en ont assez d’être superbement ignorés.
«Toutes nos craintes sont confirmées»
«C’est du jamais vu!», s’exclame Nora Back, la présidente de l’OGBL, en jugeant le comportement du gouvernement assez inédit. «On ne veut pas faire la politique de la chaise vide, au contraire, on a même l’impression d’être les seuls défenseurs du dialogue social, mais on ne veut plus de réunion de faux dialogues et de show!», poursuit-elle. Quand les syndicats ont rendu leur contribution concernant une réforme du système des pensions, la ministre Martine Deprez les a poliment remerciés et a déclaré en prendre acte. Depuis, pas de nouvelles. «Personne n’a répondu à nos pistes et les pistes que livre le gouvernement n’ont jamais été discutées, c’est du non-sens.» Pour Nora Back, il y a une grande crise du modèle social, donc l’instrument auquel il faut faire appel, c’est la tripartite. «Le gouvernement attaque sur tous les fronts. Depuis l’état de la Nation, toutes nos craintes sont confirmées», conclut-elle.