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Pédopornographie en prison : des images à la poubelle


Jean-Michel prétend avoir voulu des images suggestives de jeunes hommes asiatiques d’aspect juvénile. Des images de mineurs se seraient glissées parmi elles. (Photo : archives lq)

Jean-Michel aurait consulté des images à caractère pédopornographique alors qu’il purgeait une peine de prison. À l’insu de son plein gré, dit-il. Il pensait voir de jeunes majeurs.

Une fois n’est pas coutume, le tribunal a souhaité entendre les experts psychiatres dès le début de l’audience avant même de laisser la parole au prévenu tant sa personnalité est décrite comme complexe. De nombreux rapports réalisés entre 1999 et 2014 décrivent des tendances pédophiles et une personnalité perverse, résume l’un d’eux avant de se rallier à leurs conclusions. Les experts soulignent également «un risque de récidive non négligeable» et précisent que cette tendance n’est plus exclusive. Jean-Michel travaillerait à sa réorientation sexuelle.

L’homme, qui a la soixantaine, a passé plusieurs années en prison entre le début des années 2000 et fin 2017 pour des faits en lien avec la pédophilie. Il lui est cette fois reproché d’avoir détenu des images et des films à caractère pédopornographique en prison «dans un temps non prescrit avant fin 2015» et subsidiairement le recel de ces contenus. Il pouvait en consulter «sur avis médical» jusqu’à ce que le robinet lui soit coupé, a expliqué le prévenu à la barre de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier après-midi.

«J’avais bien précisé pas de mineurs»

Deux codétenus lui auraient fourni des images d’hommes à l’aspect juvénile contre des services. «J’avais bien précisé pas de mineurs», se souvient Jean-Michel qui n’avait pas accès à internet depuis sa cellule. Certains modèles sur ces images lui ont pourtant semblé être des mineurs. Il aurait consulté des détenus «emprisonnés pour le même type de faits que lui», précise le président, pour s’assurer que les photographies n’étaient pas illégales.

Dans le doute, il les a fait copier depuis son ordinateur et les a transmises aux professionnels qui l’encadraient à l’époque ainsi qu’au parquet. Il s’agit notamment de photographies de jeunes hommes d’origine asiatique. Le CD comportant une de ces copies est retrouvé dans la poubelle de la cellule voisine à la sienne en avril 2016 par les matons.

Jean-Michel prétend aux enquêteurs du service de protection de la jeunesse de la police judiciaire et au tribunal avoir «effacé» ou «mis les images à la poubelle» de son ordinateur et ne pas savoir comment le CD de la copie a atterri là. Il aurait, répète-t-il, reçu d’autres contenus que ceux commandés. Les policiers ne sont pas parvenus à retracer l’origine des images incriminées malgré les dépositions des codétenus qui ont prétendu ne jamais avoir téléchargé quoi que ce soit d’illégal pour un codétenu, rapporte une enquêtrice.

«On ne les efface jamais vraiment»

Un collaborateur du service nouvelles technologies de la police judiciaire n’a pas non plus pu éclairer les juges à ce sujet. «Quand on met des fichiers à la poubelle, on ne fait que les déplacer d’un endroit à un autre dans l’ordinateur», explique-t-il. «Il est possible de les restaurer à n’importe quel moment. Quand on les efface, on ne les efface jamais vraiment. Le système oublie juste où elles sont rangées.» Des spécialistes peuvent les retrouver, mais pas déterminer leur provenance exacte.

Ses deux codétenus lui auraient tendu un piège. Jean-Michel en est persuadé. Les enquêteurs s’interrogent sur sa manière de procéder et sur sa motivation profonde. Pourquoi Jean-Michel a-t-il transmis toutes ces copies pour avis? Il aurait aussi bien pu signaler la présence d’images présentant des mineurs parmi celles reçues ou juste les supprimer, selon le tribunal. Pour son avocat, Me Stroesser, «il voulait rester dans la légalité». La personnalité de Jean-Michel, décrit comme un manipulateur, et son passé judiciaire ouvrent la voie à plusieurs interprétations possibles quant à ses intentions.

Une personnalité clivée

«Je ne les ai pas conservées dans la poubelle de mon ordinateur pour les consulter», affirme le prévenu qui jure ne pas avoir copié les images lui-même. Copier des CD et détenir des CD copiés est interdit en prison. Il n’aurait pas non plus risqué de dénoncer ses deux codétenus parce que, soutient Jean-Michel, «j’en avais peur». Quant au détenu qui occupait la cellule voisine de la sienne, il est décédé avant que les policiers n’aient eu le temps de l’interroger sur la présence du CD copié dans sa poubelle.

Une histoire bien troublante. Un des experts psychiatres a expliqué que le prévenu possédait une personnalité clivée qui pouvait modifier sa perception des réalités. «Il peut préférer considérer le produit de son imagination comme ce qui est réel plutôt qu’une réalité qui ne lui convient pas.» Même, selon le psychiatre, au mépris de toute logique. Il serait, selon lui, «difficile de savoir s’il expose une théorie, un dessin ou une réalité».

L’affaire a été interrompue et reprend ce jeudi matin.