Paul Schroeder tire un bilan positif des cinq ans d’existence du Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS), qu’il dirige. Le prochain objectif est d’étoffer l’effectif afin de respecter le délai maximum de 15 minutes pour être sur un lieu d’intervention.
«Si cette première intervention majeure avait mal tourné…» Paul Schroeder se rappelle bien l’incendie d’envergure qui s’est produit le 2 juillet 2018 à Esch-sur-Alzette, au lendemain de la création du CGDIS. Le baptême du feu a néanmoins été réussi, formant une solide base pour affronter d’autres catastrophes : la tornade dans le sud du pays en 2019, la pandémie de covid en 2020 ou encore les inondations historiques de 2021. «Cette série d’évènements est venue confirmer que le bon choix avait été fait», souligne le directeur général, cinq ans après le regroupement des services de secours au Luxembourg.
Le 1er juillet dernier, le CGDIS a fêté son 5e anniversaire. Quelle a été au départ la réflexion qui a conduit à la fusion, en 2018, de la Protection civile et des pompiers ?
Paul Schroeder : Les acteurs de terrain – la fédération nationale des pompiers et le Comité des sages de la Protection civile – ont ensemble dressé le constat que le système des services de secours, qui reposait sur des structures plus que centenaires, n’était plus adapté aux défis qui se posaient. Un autre point majeur concernait la réduction de la disponibilité des secouristes et pompiers volontaires. Lors des années ayant précédé la réforme, des milliers d’heures de permanence étaient perdues. Les ambulances étaient toujours moins opérationnelles. La demande venue du terrain d’une professionnalisation des structures était claire.
Comment le processus de fusion s’est-il déroulé ?
Avant la réforme, l’organisation des services secours était partagée entre les communes, en charge des corps de pompiers, et l’État, en charge de la Protection civile. Sur le terrain, les unités travaillaient déjà souvent main dans la main. Vu la taille réduite du pays, l’idée a émergé de réunir les deux entités sous un même toit. Un groupe d’experts a rédigé un rapport qui est venu confirmer l’intérêt et le besoin d’un regroupement. Au départ, il était uniquement envisagé de réunir pompiers et Protection civile. En cours de route, la décision a été prise d’incorporer également les pompiers de l’aéroport ainsi que le SAMU. Le CGDIS regroupe donc aujourd’hui l’ensemble des services de secours publics.
De longues tractations ont précédé la création du CGDIS. Quels ont été les principaux obstacles à surmonter ?
Le CGDIS compte aujourd’hui quelque 7 000 membres. Il est clair qu’avec un si grand nombre de personnes impliquées, l’un ou l’autre est moins satisfait. Globalement, tous ont été favorables au processus de réforme. Le projet de loi a d’ailleurs été adopté à l’unanimité à la Chambre des députés. Cela s’explique aussi par le fait que ce sont les acteurs du terrain qui ont activement soutenu le regroupement des différentes entités. Ce ne fut pas une décision imposée par le haut, ce sont les pompiers et secouristes qui ont formulé la demande pour faire évoluer les choses. Un large processus de consultation a d’ailleurs eu lieu pour impliquer au mieux les personnes concernées. Je pense qu’en fin de compte un large consensus s’est dégagé sur le besoin de mener une réforme des services de secours.
Au bout de ces cinq premières années d’existence, peut-on affirmer que le CGDIS a réussi à chasser les doutes qui ont pu exister au départ ?
Un large consensus est toujours présent. Bien entendu, il peut y avoir des frottements. Certaines choses ont peut-être été un brin plus cahoteuses au début. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Dan Kersch, avait d’ailleurs affirmé qu’en cas de besoin, des adaptations seraient effectuées. Le plus important était de lancer la machine. Lors de ces cinq années, on a eu à affronter une série d’évènements qui sont venus confirmer que le bon choix avait été fait. Depuis qu’il existe, le CGDIS n’a pas connu une seule année où il n’a pas eu à gérer une crise ou des interventions de grande envergure. Il y a eu des feux de végétation, la tornade dans le sud du pays, les inondations, le covid et une série de grands incendies.
Avec un baptême du feu au lendemain de la mise en service du CGDIS.
En effet, dès le 2 juillet 2018, on a été confronté à un premier incendie de grande envergure à Esch-sur-Alzette. Après coup, on se dit que cette intervention a permis de lever beaucoup de doutes en interne. Au deuxième jour de son existence, le CGDIS a immédiatement pu appliquer l’idée de base qui consistait à mobiliser d’une manière plus centrale tous les moyens nécessaires, au-delà des frontières des communes. À un moment, plus aucune réserve n’était disponible dans le sud du pays. Des effectifs et du matériel supplémentaires ont alors été mobilisés à Lintgen. Cela aurait été encore inconcevable trois jours plus tôt. La réforme de la chaîne de commandement, préparée depuis 2016, a aussi pu faire ses preuves. Or si cette première intervention majeure avait mal tourné, une tout autre discussion aurait été déclenchée…
Repères
Formation. Paul Schroeder est titulaire d’un master en gestion de crise de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice à Paris. Il détient également des diplômes en médiation, en droit international public ainsi qu’en droit administratif, acquis en Suisse, aux Pays-Bas et en France.
Médiateur. Dans un premier temps, il travaille comme médiateur qualifié et avocat pour une ONG. Il est un expert reconnu dans le domaine de la médiation pénale et de la justice réparatrice. En 2006, il devient président de l’ASBL Centre de médiation.
Intérieur. Paul Schroeder fut d’abord coordinateur général (2008-2013) du cabinet du ministre Jean-Marie Halsdorf (CSV), avant de devenir premier conseiller de gouvernement du ministre Dan Kersch (LSAP), où il était en charge du département des services de secours (2014-2015).
Secours. En octobre 2015, Paul Schroeder devient directeur de l’administration des Services de secours. Il est l’un des principaux architectes de la fusion entre Protection civile et corps de pompiers, un processus entamé dès 2009.
CGDIS. Depuis le 1er juillet 2018, Paul Schroeder occupe le poste de directeur général du Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS).
Au-delà d’une coordination renforcée, l’autre objectif était de professionnaliser les rangs. Il est toutefois à constater que les pompiers et secouristes sont, pour une large majorité, toujours des volontaires. Comment trouver le bon équilibre entre professionnalisation et bénévolat ?
Cela a constitué un défi majeur. Les effectifs du CGDIS ont connu une forte croissance avec l’intégration d’un plus grand nombre de professionnels dans des équipes alors exclusivement composées de volontaires. Au départ, leur arrivée dans les centres n’a pas forcément été bien vue. Dans le même temps, la nécessité de continuer à compter sur les volontaires n’a jamais été remise en question. Il faut avouer que l’on a perdu des bénévoles au cours du processus de réforme. D’un autre côté, on a pu recruter beaucoup de nouveaux volontaires. Aujourd’hui, nos effectifs sont très jeunes. On a certainement perdu en expérience, ce que l’on doit compenser par la formation. Le CGDIS dispose aussi d’une tout autre visibilité. Chaque année, nous recrutons plus de 200 nouveaux volontaires. Leur effectif est resté globalement stable au fil des années, avec aujourd’hui environ 3 600 pompiers volontaires qui sont opérationnels. On veut à nouveau atteindre le cap des 4 000 volontaires, sachant que la population continue de croître. Il faut songer à mieux intégrer et recruter les résidents étrangers, mais aussi les femmes, même si nous avons réussi, en 2022, à quasiment atteindre la parité lors du recrutement de nouveaux volontaires.
Avec le CGDIS, une autre organisation en interne, plus proche d’une structure militaire, a été mise en place. Est-ce une nouveauté en soi pour les secouristes luxembourgeois ?
Nous avons décidé de créer différents grades, pour nous démarquer de ce qui se fait à l’étranger, mais aussi par rapport aux autres corps qui existent au Luxembourg, même s’il existe des parallèles. Lors de toute intervention, une structure hiérarchique est en place. Les doctrines de commandement des pompiers découlent de ce qui se fait à l’armée. La différence majeure par rapport à ce qui se faisait auparavant est qu’il existe désormais une chaîne de commandement clairement établie. Avant la création du CGDIS, les corps de pompiers fonctionnaient en parallèle. Lors d’une intervention, une certaine hiérarchie était en place, mais les possibilités de coordonner les 100 entités de secours que compte le pays étaient limitées.
Le Plan national d’organisation des secours (PNOS) fixe comme objectif de disposer, à terme, d’un effectif de 1 500 pompiers professionnels et 4 000 volontaires. Le recrutement devra donc toujours se poursuivre des deux côtés ?
Il s’agit de projections. Au fil du temps, il faudra voir quels seront les chiffres que l’on pourra atteindre. Il est toutefois clair que l’on n’est pas encore suffisamment stabilisé, surtout au niveau des professionnels, pour assurer que tous nos véhicules d’intervention sont occupés en permanence. L’objectif prioritaire du PNOS est de garantir que les secours arrivent en un maximum de 15 minutes sur le lieu d’intervention. Une des grandes forces du CGDIS est d’être présent avec des antennes à travers l’ensemble du pays. Quasiment dans chacune des 100 communes, nous disposons d’un centre d’incendie et de secours. Pour assurer les 15 minutes, nous ne disposons pas encore d’un effectif suffisamment étoffé. C’est notamment le cas pour les ambulances, même si lors des cinq dernières années, toute une série d’améliorations en ce qui concerne les délais ont pu être opérées.
Existe-t-il des points noirs en raison du manque de stabilité que vous venez d’évoquer ?
Un avantage du CGDIS est de pouvoir gérer les besoins à l’échelle nationale. Si un centre manque d’effectifs, nous pouvons compenser ce besoin en ressources. Une couverture de l’ensemble du pays est assurée à tout moment, même si elle n’est pas encore tout à fait optimale et stabilisée. Un autre facteur qui joue est l’énorme augmentation du nombre d’interventions. La pression sur nos effectifs qui sont en service est importante, surtout dans les grands centres d’intervention.
On remarque très clairement que les phénomènes extrêmes se multiplient
Sachant que le CGDIS puise dans les même réservoirs que l’armée ou la police, réussissez-vous à attirer un nombre suffisant de recrues qualifiées ?
Nous avons beaucoup discuté des critères à remplir pour être recruté. On est venu à la conclusion que cela faisait peu de sens de revoir ces critères vers le bas uniquement pour recruter la quantité, mais pas forcément la qualité nécessaire. Lors de notre dernière campagne, l’objectif était de recruter 50 nouveaux pompiers professionnels. Nous avons réussi à trouver 47 candidats adéquats alors que le recrutement n’est pas une chose évidente. Vu notre statut de fonctionnaire, les candidats doivent maîtriser les trois langues officielles du pays. L’intégration de résidents non luxembourgeois constitue un énorme défi.
La tornade qui a frappé le sud du pays en août 2019 et les inondations historiques de juillet 2021 furent sans précédent. Est-il devenu incontournable de se préparer à affronter plus souvent, et à des intervalles plus courts, ce genre d’évènement météorologique extrême ?
On remarque très clairement que les phénomènes extrêmes se multiplient. Ils ont un impact sur nos interventions. Plus que les canicules, c’est surtout la sécheresse qui pose problème. Dans l’ensemble de l’Europe occidentale, la saison des feux de forêts commence beaucoup plus tôt et se termine bien plus tard. Au Luxembourg, on parle moins de feux de forêts que de feux de végétation, notamment dans des champs. Depuis la série de feux de ce genre connue en 2019, le CGDIS se prépare plus activement à intervenir sur ce genre de scénario. L’acquisition de véhicules plus spécialisés est notamment envisagée. En cas de feu de forêt dans une zone moins accessible, on peut toujours recourir aux équipements des services de secours d’autres pays européens.
Au-delà du changement climatique, quels sont les autres défis majeurs qui attendent le CGDIS dans les années à venir ?
Ce que l’on constate, c’est que les gens ont tendance à appeler le CGDIS pour des interventions qui ne font pas forcément partie de notre champ d’action. Du point de vue de la personne concernée, il s’agit peut-être d’une urgence, mais très souvent, elle s’adresse à nous car d’autres services de santé ne sont pas joignables. Ces gens savent qu’au 112 il y a toujours quelqu’un qui décroche et que l’aide est envoyée sur place. Or, en transportant cette personne à bord d’une ambulance au service d’urgences d’un hôpital, on ne fait rien d’autre que de transférer un problème lié à l’organisation des soins primaires. Un autre fait est que les gens sont moins souvent en mesure de s’aider eux-mêmes. Ils appellent donc le 112 pour résoudre un problème qui, par le passé, pouvait être résolu par eux-mêmes. Notre objectif demeure de sensibiliser la population pour vraiment limiter les appels au 112 aux urgences réelles.
Wann ech dat hei sou liesen dann muss ech schmunzeln.
Bannen am CGDIS heieren een année Stemmen. An fir an 15 Minuten maximal, op der Platz se sen – wou een 20-30 Minuten mat bloer Luucht fueren muss – dann kann dei Zuel nemmen eng aus der Statitik sen. Well vill erfahren Volontairen sen net Mei derbei, an vill CISen sen net mei besaat. Elo kucken se och schon d Ausland fir Professionneller ze fannen, mä deenen hir Pompjeen laachen nemmen iwwert den CGDIS.
Secher as gleich Wahldag an dann probeiert een eng Partei awer no fir ze brengen.
En tant que bénévole de la protection civile en Espagne, et ancien résidant du Grand-Duché du Luxembourg, je félicite le CGDIS pour ses premières cinq années de bons services et je leur souhaite une bonne continuation pleine de succès. Salutations depuis Madrid à tous les pompiers volontaires et bénévoles de la Protection Civile, qui dédient leur temps libre au service du public.