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Paul Philipp : «On a remplacé le grillage par des hommes et ça, ça se paie»


Encore un streaker. Gare à l’effet de mode. (Photo : luis mangorrinha)

NATIONS LEAGUE 2022 Le président de la FLF, Paul Philipp, commence à s’inquiéter sérieusement de cette mode des «streakers». Il tire la sonnette d’alarme.

Onze contre la Turquie. Un contre les Féroé. Et la FLF qui prévient : si cela continue comme ça, les conséquences pourraient être néfastes pour tout le monde.

Le phénomène des streakers, vu la configuration de ce stade de Luxembourg, peut-il devenir lentement un phénomène de mode gênant?

Paul Philipp : Oui. Mais il faut tout faire pour éviter que cela en devienne un. J’ai encore eu l’UEFA au téléphone lundi à ce sujet. On m’a rappelé à cette occasion que cette histoire s’était aussi produite lors de la finale de Ligue des champions (NDLR : à Paris), mais on ne le montre pas à la télé pour ne pas encourager les gens à le faire. Il ne faut surtout pas que ça devienne un concours et que l’UEFA commence à prendre peur. On s’est battus pour enlever les grillages et qu’on n’ait plus l’impression d’être au zoo quand on vient au stade. Après, je regarde les envahissements de terrain à Francfort contre West Ham ou à Saint-Étienne (NDLR : en barrage maintien, contre Auxerre) et je me dis… il ne faudrait pas tout gâcher. On est encore loin d’un retour en arrière, mais je préfère prévenir longtemps à l’avance.

Des réunions avec les pouvoirs publics sont-elles prévues prochainement?

Ah, mais il y a eu une réunion directement après la Turquie! Comme entre chaque match d’ailleurs. Mais il faudra probablement en reparler et, surtout, garder les pieds sur terre. Hier (NDLR : mardi), contre les Féroé, il y a juste eu un streaker. J’ai vite mis ma main devant les yeux de l’observateur UEFA (il rit), mais bon… Non, ce qu’il faut à tout prix éviter, c’est un nouveau règlement. Personne ne veut ça. Le foot, c’est sans grillage. Je vais rapidement rencontrer nos groupes de supporters pour le leur rappeler, en sachant bien que de toute façon, cela peut venir de partout. Dans les stades du XXIe siècle, que ce soit au Luxembourg ou ailleurs, si un fan veut absolument monter sur le terrain, il y parviendra.

Le stade de Luxembourg est-il trop ouvert?

Je ne suis pas trop partisan de ce modèle, mais vous savez comment ça se passe en Angleterre : où que vous alliez au stade, vous êtes sûr d’être, à un moment ou à un autre, filmé par une caméra. Et après, on cherche les perturbateurs. Mais cela permet de voir des fans à un mètre et demi d’un tireur de corner par exemple et c’est magnifique.

Avant la Turquie, la FLF avait décidé de dégainer les barrières amovibles et d’isoler les supporters clairement identifiés comme Turcs. Cela pourrait-il se généraliser sur certains matches?

Il y avait beaucoup d’émotion chez ces supporters turcs. On n’avait jamais connu une ambiance comme celle-là. Alors ces barrières, d’accord, mais si en même temps il suffit de commander un billet sur internet pour être placé ailleurs dans le stade, les barrières… Samedi, les sièges derrière le but étaient réservés pour les supporters luxembourgeois. Cela ne m’a pas empêché d’y voir quelques drapeaux turcs. Il y a donc eu de la fraude. Et j’ai cru comprendre qu’au marché noir, on avait vu circuler des billets à plusieurs centaines d’euros…

Le Barthel, c’était une prison ou du transport de bétail. Là, on voulait des gens à l’aise, proches des joueurs, mais cela demande de la discipline

Faut-il revoir les modalités de vente?

On va essayer de trouver un système, oui. En particulier pour les matches de ce type. On va au moins essayer de faire davantage de choses pour filtrer. Il doit y avoir un moyen de trouver une astuce en évitant de revenir dix ans en arrière, quand il fallait se déplacer physiquement à Mondercange, chez Erny Decker, et dégainer une carte d’identité. De toute façon, même là il y aurait moyen de revendre…

Faut-il plus de vigiles dans le stade?

Il faudrait en mettre plus sur les gros matches. Mais même là, c’est sans garantie.

Êtes-vous prêt à faire l’effort financier?

Le système de sécurité est plus important dans ce nouveau stade qu’il ne l’était au stade Josy-Barthel. Le Barthel, c’était comme une prison ou carrément du transport de bétail, avec un grillage de deux mètres devant vous. On voulait en finir avec ça, on voulait ce stade de Luxembourg sans grillage. On voulait des gens à l’aise, proches des joueurs, mais cela demande de la discipline. On a remplacé le grillage par des hommes, et ça, ça se paie.

Une banderole dans le stade, mardi, se demandait si vous vous préoccupiez de la sécurité des gens. Cela vous inspire quoi?

Ça m’a touché. Ne pas s’en préoccuper, ce serait une négligence. Heureusement qu’ils ont mis un point d’interrogation derrière. Mais même si on n’a aucune garantie, c’est notre souci principal. Seulement, il faut que tout le monde joue le jeu.

Vous avez saisi le tribunal pour que les streakers qui ont été identifiés paient eux-mêmes les amendes infligées par l’UEFA. Vous y croyez?

On a formulé cette plainte, oui. Et si on obtient les noms des streakers turcs – mais je ne pense pas qu’on les aura –, on portera plainte contre eux aussi. Mais le but, ce n’est pas de récupérer l’argent, même si on sait déjà que ça va coûter très cher. Le but, c’est de montrer qu’on ne veut pas de ça, on ne veut pas que ça fasse écho. On veut, au contraire, qu’il y ait des jurisprudences. On est content d’avoir, désormais, de grands groupes de supporters, mais on ne veut pas passer notre temps à payer. Parce que quand un fan jette un gobelet sur le terrain (NDLR : comme aux Féroé), là aussi il faut payer! Et on n’est pas loin des 5 000 euros des fumigènes!

En arrivez-vous à craindre un adversaire aux supporters turbulents lors du tirage des éliminatoires de l’Euro-2024, au mois d’octobre?

Non! Je suis même prêt à rejouer contre la Turquie, si c’est possible! Direct! Quitte à mettre plus de sécurité sur le terrain. Tout le monde a trouvé cette ambiance grandiose. Et, finalement, c’est bien que ce genre de mésaventure soit survenue : maintenant, on va être obligé d’en parler.