Depuis le 1er juin, Pascal Peters occupe le poste de directeur général de la police grand-ducale. Quatre mois après sa prise de fonction, il dresse un premier état des lieux.
Après près de dix ans à la tête de la police grand-ducale, Philippe Schrantz a fait valoir ses droits à la retraite. Avec 27 ans d’expérience au sein des forces de l’ordre, Pascal Peters, son successeur, est une tête bien connue des agents. Alors qu’il a repris les rênes depuis le 1er juin, il dresse une première feuille de route des chantiers qui l’attendent.
Quel bilan tirez-vous de ces premiers mois au sein de la direction générale de la police ?
Pascal Peters : C’est surtout dans l’esprit de continuité. Avant, j’étais déjà dans le comité directeur de la police et j’occupais la fonction de directeur central de la police administrative. Donc je connaissais quand même déjà un peu les concepts qu’on voulait mettre en œuvre et en fait, on a continué dans la voie déjà engagée.
Quel est le rôle d’un directeur général de la police ? Quelle marge de manœuvre a-t-il par rapport au ministre des Affaires intérieures ?
En tant que directeur général, on dirige une administration qui travaille pour le pouvoir exécutif. Donc il faut rendre des comptes au ministre bien évidemment, mais aussi aux citoyens, c’est ce que le ministre fait aussi. On peut quand même inciter notre ministère en tant qu’administration à mettre en place ou à annoncer des initiatives législatives qui pourraient beaucoup nous aider. Et c’est ce que le ministère a déjà fait, par exemple avec la loi sur les manifestations. Au moment du covid, il y a eu des manifestations un peu à gauche et à droite au Luxembourg et on n’avait pas vraiment de cadre légal qui les réglementait. Notre ministère a presque terminé un projet de loi qu’il va déposer. En tant que directeur général, on peut faire remonter tel ou tel souci pour faire bouger les choses.
Dans le dernier bilan de la police, on notait une baisse des infractions violentes, mais une hausse globale des infractions contre les personnes. Quelles solutions sont envisagées ?
C’est surtout la prévention. La criminalité classique, ce sont des vols avec violence, des vols dans les véhicules, des cambriolages… Tout ça, on peut le combattre avec une présence accrue de policiers dans l’espace public, mais aussi grâce à une proactivité des services de police judiciaire. On a des véhicules banalisés qui circulent un peu partout pour intercepter les auteurs de flagrants délits. Il y a aussi un aspect à ne pas négliger, c’est le renforcement du sentiment de sécurité de la population. Et ça a des effets, on remarque qu’avec notre présence les vols avec violence disparaissent dans certains quartiers.
Mais la hausse générale s’explique aussi par la tendance des infractions à se passer de plus en plus dans le monde digital. Dans les statistiques, on ne fait pas la différence avec le monde réel. Un vol est un vol.
Lors de votre arrivée à la direction générale, vous avez parlé de poursuivre les efforts de recrutement.
Nous allons refaire une nouvelle vague de recrutements avec une campagne de publicité, pour renforcer l’image positive de la police, « l’employer branding » comme on dit en anglais. Il faut vraiment positionner la police comme un employeur attractif parce qu’on est plusieurs administrations à puiser dans le même réservoir : il y a le CGDIS, les douanes, l’armée… On veut montrer qu’il y a énormément de possibilités d’emplois au sein de la police, on peut devenir maître-chien, motard, entrer dans une unité spéciale. Et c’est aussi le cas pour le personnel civil. Pour les policiers, on organise une campagne par an, mais pour les civils, on recrute au besoin.
Est-ce que la police grand-ducale a les moyens nécessaires pour accomplir ses missions ? A-t-elle besoin de choses en plus ?
Notre gouvernement est très à l’écoute de nos besoins. Il a même augmenté encore le nombre de candidats potentiels de 40 unités. Même pour le recrutement de personnels civils spécialisés, on n’a presque pas de barrières. D’un point de vue logistique, ça suit aussi. Les budgets qui nous sont alloués pour équiper nos personnels en équipements individuels ou collectifs sont suffisants. De ce côté-là, on ne peut pas se plaindre.
Mais on reste attentif au fait qu’il ne faut pas agrandir la panoplie de missions qu’on a déjà à l’heure actuelle. Quand la police recrute, on essaye parfois de lui attribuer des missions supplémentaires, qui ne font pas partie des missions policières. On met en garde contre ça. Si on recrute 200 personnels policiers par an, il faut attendre deux ans avant qu’ils terminent leur formation. Et il ne faut jamais oublier qu’il y a beaucoup d’agents qui partent à la retraite. Ce n’est que cette année qu’on a pu vraiment renforcer les unités. Avant, ce n’était que des remplacements de personnels partis à la retraite.
Quel bilan peut-on dresser du projet pilote de police locale à Luxembourg et Esch ?
Nous allons tirer un bilan intermédiaire avec la Ville de Luxembourg, puis celle d’Esch. Nous, on reçoit vraiment un feed-back positif. Il y a des citoyens qui nous disent : « On vous voit, on peut vous parler directement, vous êtes présents dans l’espace public ». Il y a aussi beaucoup de commerçants qui apprécient cette initiative. Vraiment, il y a des policiers qui prennent du temps pour discuter avec les gens, les commerçants et ça renforce évidemment le sentiment de sécurité. Mais ce n’est pas une solution miracle pour résoudre toute la criminalité. Certaines formes de criminalité, on les déplace par notre présence accrue. Mais bon, ça a quand même un effet positif sur le vivre-ensemble.
Il faut vraiment positionner la police comme un employeur attractif
Vous souhaitez aussi lutter contre la délinquance financière, comment faut-il s’y prendre ?
Il faut travailler avec les autres corps de police. Parce que souvent, après un transfert, l’argent arrive déjà à l’étranger. Souvent aussi, ce sont des auteurs qui sont basés à l’étranger. Il faut travailler avec les polices étrangères, voir si elles ont des cas similaires. On doit aussi travailler avec Europol. On peut profiter de son expérience, par exemple quand des entreprises privées sont attaquées par des hackers qui peuvent être connus par ses services.
Pour les infractions plus individuelles, il faut plus de prévention, sensibiliser les gens, répéter les mêmes messages. Dès qu’on a connaissance d’une nouvelle arnaque, on communique dessus. On essaye aussi de mettre en place des campagnes de sensibilisation pour les personnes âgées dont on essaye de se rapprocher grâce à des sociétés comme Help.
Quelles sont les mesures que vous souhaitez mettre en place pour lutter contre le trafic de stupéfiants, notamment dans le quartier Gare de la capitale ?
Il ne faut pas oublier qu’il y a aussi Ettelbruck. D’un côté, vous avez la présence en uniforme, qui fait déplacer le phénomène. Ça, il faut bien l’avouer, parce que la police, ce n’est qu’une pièce du puzzle pour résoudre la problématique liée aux stupéfiants. Tant qu’il y a une demande, il y a une offre. Et nous, on fait déplacer un peu l’offre dans d’autres quartiers, mais on ne résout pas le problème de la demande. On arrive à apaiser les tensions dans un quartier lorsqu’on voit que ce trafic s’installe trop.
Le deuxième axe, ce sont les véhicules banalisés et surtout les enquêteurs en civil. Là, on travaille plus sur les dealers, ceux qui distribuent de grandes quantités de drogue. Ce sont souvent des enquêtes de longue haleine, c’est pour ça que parfois les gens ont l’impression que la police ne fait rien. On travaille aussi avec les autorités judiciaires parce que ça ne sert à rien qu’on arrête les petits dealers à gauche et à droite s’il n’y a pas de procédure judiciaire qui est mise en place. Et, bien évidemment, on poursuit aussi notre travail de prévention.
Pour rester sur le quartier Gare, son commissariat a connu des dysfonctionnements et l’unité a été dissoute. Où en est sa restructuration ?
Déjà, quelques personnels ont été arrêtés, puis suspendus de leurs fonctions. Vous avez une perturbation du fonctionnement du commissariat. Ensuite, d’autres personnes sont parties de leur plein gré. Donc là, on a vu qu’il fallait redistribuer ou réorganiser la couverture territoriale, et c’est ce qu’on a fait. Il y a toujours un accueil qui est assuré, il y a toujours des patrouilles, mais il n’y a plus d’unité constituée dans ce bâtiment même. C’est le commissariat de Luxembourg qui envoie des patrouilles à la gare et assure la sécurité du quartier. En journée, vous avez aussi le commissariat de Hollerich. Mais vous avez le même nombre de policiers qu’avant. On est en train de réfléchir, avec l’augmentation des effectifs à laquelle on s’attend pour les prochaines années, à réagencer à nouveau différemment ce commissariat. Mais c’est encore trop tôt pour en parler.
Depuis le mois de janvier, il y a un dispositif antimendicité à Luxembourg. Quels retours avez-vous là-dessus, après quasiment un an ?
En fait, c’était déjà un précurseur de la police locale, parce que c’était un dispositif de présence policière. C’était ça le but essentiel. Ce n’était pas focalisé uniquement sur la mendicité, c’était l’un des aspects bien évidemment, mais cela portait surtout sur la salubrité, la tranquillité et la sécurité publique. Le but était d’être présent au niveau de l’espace public, de faire respecter les règlements communaux, de faire disparaître ces incivilités au niveau des rues commerçantes. Par l’instauration des patrouilles de police locale, on a changé un peu ce système, mais le but est toujours le même. Maintenant, c’est fait en collaboration avec les autorités communales, voire les citoyens ou les commerçants, alors qu’avant la police effectuait plutôt des diagnostics pour déterminer les quartiers concernés. Mais il faut quand même faire remarquer que cette mendicité agressive n’a plus lieu depuis notre dispositif de présence policière. On ne reçoit plus de plaintes de personnes agressées par des mendiants.
Les interventions pour violences domestiques sont en augmentation, mais certaines associations, comme La Voix des survivant(e)s, déplorent un manque de formation des policiers qui entraîne des dysfonctionnements. Êtes-vous d’accord avec ce constat ? Y a-t-il des choses à améliorer ?
Le phénomène des violences domestiques, c’est une matière qui est l’une des rares à être très bien enseignées au niveau de l’école de police. Déjà, ce module fait partie de la formation de base. Il y a même des cas pratiques et des mises en situation. On enseigne toujours à nos policiers que toute plainte est à prendre au sérieux et qu’il faut immédiatement mettre en place le dispositif violences conjugales, donc y aller et intervenir, ne pas simplement écouter et dire : « ouais, on raccroche ». À mon avis, tous les appels pour violences domestiques sont pris au sérieux. Après, la décision d’exclusion du conjoint est prise par le parquet. Si vous consultez les statistiques, vous allez voir que notre nombre d’interventions a augmenté, alors que le nombre de décisions pour expulsions est resté le même. C’est pour ça qu’il y a cette incompréhension, ce qui est tout à fait logique. Mais ce n’est pas la police qui peut décider de ça.
On se sent aussi parfois mal à l’aise quand on entre dans un commissariat de police, qu’on doit porter plainte pour tel ou tel fait. On a l’impression que l’autre côté ne comprend pas. Mais ce n’est pas le cas. Mais c’est vrai qu’on peut toujours s’améliorer. Il y a des idées pour que les victimes de certains délits soient accueillies de manière différente. Mais là, ça va plus loin que l’accueil au niveau d’un commissariat. Elles sont dirigées vers un centre d’accueil pour les violences sexuelles ou domestiques. Mais ça, au Luxembourg, ça n’existe pas à l’heure actuelle. C’est certainement un projet à instaurer ici à moyen terme ou à long terme, mais ce n’est pas la police à elle seule qui peut faire ça. Il faut des psychologues, un suivi judiciaire…
Mais cette formation de quelques heures est-elle suffisante ?
Il faut bien être conscient que le métier de policier doit s’apprendre en une année de formation théorique. Ça va du code de procédure pénale au code pénal en passant par le code de la route, toutes les lois spéciales, etc. Donc déjà, on n’a pas le temps pour vraiment aller au fond de toutes les matières. Mais la violence domestique, ça a déjà sa place. Après, il faut arriver à sensibiliser les policiers lors de leur formation pratique et au niveau de la formation continue.
La féminisation du métier pourrait aussi aider.
Oui, bien évidemment. C’est aussi un objectif de notre campagne publicitaire dont je parlais avant. On veut aussi se montrer comme un employeur attractif pour les femmes. Je crois qu’on est entre 20 et 25 % de personnel féminin. On veut encore faire monter ce pourcentage au sein de la police.
État civil. Pascal Peters est né le 23 mars 1973 à Differdange. Il est marié et père de deux enfants.
Formation. Il entre en 1992 à l’École royale militaire de Bruxelles en tant qu’officier de gendarmerie, puis intègre en 1994 l’université de Liège, où il obtient un master en criminologie. De 1996 à 1997, il fréquente l’École des officiers de gendarmerie de Melun. Il est également titulaire d’un diplôme universitaire de droit et de sciences criminelles de l’université Paris-Saclay.
Carrière professionnelle. En 1997, il devient commandant de la circonscription Nord dans la police avant de devenir commandant de l’arrondissement d’Esch-sur-Alzette dans la gendarmerie. De 2001 à 2008, il est commandant adjoint de la circonscription, puis commandant de l’Unité spéciale de la police (USP). À partir de 2015, il occupe le poste de directeur adjoint des opérations avant de devenir directeur central de la police administrative en 2018.
IGP. De 2009 à 2015, il fait un passage par l’Inspection générale de la police (IGP) comme chef du département enquêtes.
vive charly GAUL intrinsèquement le plus grand grimpeur de tous les temps !!!