La majorité parlementaire n’a pas voulu suivre les députés qui demandaient au gouvernement de saisir la Cour européenne de justice dans le cadre des contrôles aux frontières, contraires à Schengen.
Finalement, la situation s’est encore détériorée aux frontières du Luxembourg avec la poursuite et la prolongation, pour six mois, des contrôles aux frontières décidés par le gouvernement fédéral allemand. Pourtant, en novembre dernier, l’ensemble des partis représentés à la Chambre des députés, à l’exception de l’ADR, avaient voté en faveur d’une motion demandant au gouvernement de mener des discussions avec la Commission européenne. Cette même motion invitait le gouvernement «à étudier la possibilité de contester juridiquement la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures».
Hier, une nouvelle motion introduite par le LSAP et soutenue par les verts réclamait du gouvernement qu’il entame une action auprès de la Cour de justice de l’Union européenne «afin de contester juridiquement la réintroduction des contrôles aux frontières».
Contrairement à novembre dernier, les partis de la majorité, ainsi que l’ADR, n’ont pas voté en faveur du texte alors que le gouvernement allemand, en prolongeant les contrôles à la frontière germano-luxembourgeoise au-delà de la durée maximale de six mois, contrevient au code frontières Schengen.
Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 avril 2022 s’était opposé à une décision identique par un État membre, et pour les auteurs de la motion, il s’agit de rappeler que les dispositions de l’accord de Schengen doivent être respectées. Le chancelier Olaf Scholz a pourtant décidé il y a deux jours de prolonger la mesure, prise en septembre dernier, qui permet d’effectuer temporairement des contrôles aux frontières allemandes. Le ministre Léon Gloden avait déclaré en novembre dernier que les arguments de sécurité intérieure sont valides au regard du Code Schengen, mais les arguments liés à l’immigration ne sont pas inclus dans le cadre de ce texte.
«Les contrôles à Wasserbillig ne vont pas empêcher les attentats. Je sais que le ministre Gloden fait tout pour négocier, mais cela ne suffit plus et on doit être plus actif», a déclaré Yves Cruchten (LSAP). Le ministre a bien compris et a rassuré les députés en indiquant que le gouvernement allait introduire une réclamation auprès de la Commission européenne, ce qui, selon lui, est déjà «un acte très fort» contre un État membre.
Triste anniversaire
Pour le député Marc Baum (déi Lénk), il y a bel et bien un droit qui est violé et il faut donc aller devant la CJUE. Il blâme l’ADR qui a osé évoquer l’attentat commis à Munich un peu plus tôt dans la matinée pour justifier ces contrôles. Le ministre Gloden en a fait autant, demandant qu’aucune instrumentalisation ne soit faite. Le député déi Lénk fustige aussi ceux, parmi la majorité, qui essaient de dire que des discussions bilatérales pourraient préserver Le Luxembourg de ces contrôles. «Mais si on fait ça, alors on ne fait plus que des accords bilatéraux et on perd le cadre européen», a averti le député de l’opposition.
Même son de cloche du côté des verts et des pirates. Sven Clement n’adhère pas à l’argument avancé par le ministre pour refuser une action devant la CJUE, prétextant la durée très longue d’un procès.
Le ministre a essayé de convaincre les députés qu’une action en justice ne servait à rien, tout en reconnaissant que la lutte contre l’immigration illégale ne tenait pas la route pour justifier de ces contrôles. La France qui, elle aussi, imite l’Allemagne, effectue «des contrôles volatils sur les routes, ce qui est plus judicieux», juge-t-il, «que de se poster sur un pont».
Il promet d’envoyer ce mois-ci une réclamation écrite auprès de la Commission qui devra analyser la proportionnalité des moyens utilisés. «Dans ce gouvernement, il n’y a que des Européens convaincus», a conclu le ministre.
Yves Cruchten expliquait en novembre, lors d’un débat sur le sujet, que depuis 2015, les pays de l’UE ont réintroduit des contrôles temporaires aux frontières dans plus de 400 cas. Dans des situations exceptionnelles, ça peut passer, mais ces contrôles aux frontières risquent de devenir la norme. Pour les 40 ans de l’accord célébré cette année, ça fait désordre.