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Parricide à Esch-sur-Alzette : « Une strangulation n’est pas un accident »


«Nous avons entendu un gros boum pas ordinaire. Comme si on balançait un sac de pommes de terre au sol», a témoigné Mike, le voisin du dessous. (Photo : archives lq)

Pourquoi prendre la fuite quand on a rien à se reprocher ? Daniel jure avoir tué son père par accident en l’étranglant. Il a pourtant maquillé le lieu du crime pour détourner les soupçons.

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«Daniel m’a téléphoné le 26 décembre 2022 pour me prévenir qu’il avait découvert le corps sans vie de son père dans son appartement. J’y suis allée immédiatement. Il pleurait. Il paraissait dépassé», s’est souvenue la fille de Tatiana hier. Pour elle, le prévenu paraissait sincèrement triste. «Il pensait qu’il avait été victime d’un cambriolage.»

Cambriolage que Daniel avait lui-même mis en scène la veille. Le trentenaire est accusé d’avoir tué le septuagénaire en l’étranglant lors d’une prise de bec au sujet du décès de sa maman l’été précédent. Daniel aurait voulu calmer son père en lui passant le coude autour du cou. Son père et lui seraient tombés à terre. Marcel ne s’est jamais relevé. Le prévenu jure ne jamais avoir eu l’intention de commettre un parricide.

«Nous avons entendu un gros boum pas ordinaire. Comme si on balançait un sac de pommes de terre au sol», a témoigné Mike, le voisin du dessous. «Je ne les avais jamais entendus se disputer. Ils passaient tous les samedis ensemble. Ils allaient faire leurs courses et manger une pizza.»

« C’est trop tard, il est mort »

Les deux hommes auraient perdu pied au décès de la mère du prévenu, selon Tatiana. «Daniel s’est renfermé sur lui-même. Il était difficile de l’atteindre» et «son père avait changé. Il voulait avoir Daniel à ses côtés en permanence. C’était devenu trop pour lui.»

Le soir des faits, Tatiana dormait. «Je me suis réveillée parce que j’avais entendu mon nom», indique-t-elle. «Je les ai vus au sol. Daniel m’a regardée et m’a dit « C’est trop tard, il est mort ».» Prise de panique, elle ne s’est pas posé de questions et a suivi Daniel. Le couple est rentré à son domicile et a décidé de ne plus évoquer les faits.

Pour Tatiana, interrogée par la présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, les faits commis par Daniel «étaient un accident». «Ils sont tombés et puis…» Les mots lui manquent. «La victime est décédée parce qu’elle a été étranglée, pas parce qu’elle est tombée. Il a pu perdre conscience plus rapidement en raison de ses problèmes pulmonaires et cardiaques», lui explique la juge qui lui reproche de ne pas avoir prévenu les secours et de ne pas avoir avoué le parricide à la police. «Nous avions peur de la prison», répond la témoin. Daniel a un casier judiciaire plutôt bien garni, notamment pour des faits de violence.

«Je ne contrôlais pas ma force»

Pendant trois mois, le couple s’est terré dans le silence. À la barre, Tatiana a préféré s’emmêler les pinceaux plutôt que de reconnaître que le décès de Marcel n’était peut être pas si accidentel que cela. Pour la juge, on ne prive pas quelqu’un d’oxygène pendant plusieurs minutes juste par accident. «La strangulation n’est pas un accident.» La quinquagénaire tient bon. Elle est un soutien indéfectible pour Daniel, épousé en détention préventive.

Au point de revenir sur sa déposition au juge d’instruction quant à une éventuelle préméditation du prévenu. «Le juge ne m’a pas comprise. Je ne me souviens plus l’avoir dit. Je ne l’ai jamais dit», affirme-t-elle. La juge ne la croit pas et lit sa phrase incriminante à haute voix. «Je suis convaincue que Daniel a dû vous le dire.»

Ce dernier mange ses mots et est difficile à suivre. Un peu comme les raisons de la dispute qui a mené au décès de son père. «Je n’ai jamais vu mon père aussi fâché que ce jour-là.» Daniel pensait, dit-il, qu’il voulait lever la main sur lui.
– «Il était agressif et m’a empoigné par le t-shirt.»
– «C’est nouveau! Votre père n’était pas si faible et en mauvaise santé que vous le prétendez.»
– «Je ne vois pas la raison pour laquelle j’aurais pu vouloir tuer mon père.»

Daniel essaye de se déresponsabiliser et se victimise quand il ne rejette pas sa réaction sur l’alcool et la peur. Le prévenu tourne en rond pour se dépatouiller. «Je savais qu’en passant mon coude autour de son cou, il perdrait conscience», lance le prévenu, qui défend sa version. «Je ne contrôlais pas ma force. Je ne savais pas qu’on pouvait mourir aussi vite.» Il voulait juste calmer son père, s’entête-t-il. Et «ne pas gâcher sa vie pour quelque chose qu’il ne voulait pas». Une vie en société qui semblait le dépasser depuis longtemps. «Vous vivez dans votre monde et vous tournez les choses comme elles vous arrangent», constate la présidente.

Daniel n’a pas voulu tuer son père. Il n’a rien fait non plus pour prouver le contraire.