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Moselle : garder ses parcelles de forêt ou bien s’en séparer ?


Didier Daclin, également vice-président de l’Union forestière du Grand Est, déclare aussi la guerre aux voleurs de bois. (Photo : le républicain lorrain)

Propriétaire de plusieurs hectares de forêts et président du syndicat des propriétaires forestiers privés de Moselle, Didier Daclin milite pour que chaque propriétaire de parcelles prenne ses responsabilités.

Il ne fait pas que veiller sur sa trentaine d’hectares de forêt qui font de lui un petit propriétaire forestier au même titre que les 22 600 autres que compte le département de la Moselle. Tous se partagent les 70 000 hectares de forêt privée. Didier Daclin est aussi, depuis plusieurs années, entré en lutte contre la déshérence, contre le manque d’attention porté à nos morceaux de terre et qui coûte tant à la planète.

Engagé au sein du syndicat des propriétaires forestiers de la Moselle comme président, l’homme des bois est aussi entré en guerre contre les coupes à blanc sauvages opérées sur les parcelles de bois privées. Les poursuites devant les tribunaux, à ce sujet, se multiplient. La conséquence, selon lui, du manque d’attention des propriétaires, conjugué à une délinquance décomplexée favorisant le vol des essences.

«Nous restons tous des enfants de la ruralité»

«Ces parcelles de forêt sont essentiellement issues de l’abandon de l’agriculture, mais nous restons tous des enfants de la ruralité. Il y a deux types de propriétaire : celui qui a migré vers les grands espaces urbains et celui qui est resté sur place. Ce dernier sait qu’il a ces parcelles, il les gère et veut souvent augmenter son patrimoine. L’urbain, qui a quitté son village, ne sait pas où elles se trouvent et n’est pas intéressé par leur gestion. Un seul objectif dans ce dernier cas : faire en sorte que celui qui ne s’occupe pas de sa parcelle la revende ou la cède à celui qui se charge de cette lourde tâche», explique Didier Daclin.

Le spécialiste convoque ici une photographie de la forêt mosellane avec une couronne de petits bouts tout autour du domaine domanial, propriété de l’État, et du communal. «On en observe une myriade. Cette dispersion n’apporte rien à ces espaces naturels et comme l’impôt foncier n’est pas levé dessus car les parcelles font souvent moins d’un hectare, personne ne s’en occupe suffisamment. Il faut tendre vers une véritable gestion forestière.»

Vendre ou échanger

Pour cela, le regroupement est indispensable. «Il faut au moins quatre hectares pour bien travailler ses arbres, les garder sains et entretenir un patrimoine. Des propriétaires font donc grandir leurs espaces en achetant, cela s’appelle travailler dans le bon sens. Une gestion durable, rappelons-le, permet la captation de carbone, de lutter aussi contre les incendies puisque les parcelles sont entretenues. Mais surtout, lorsqu’il y a coupe d’arbres pour la vente et la transformation, il y a participation à une filière locale.»

Aux premières loges des dénonciations de voleurs de bois, Didier Daclin rappelle que le commerce des essences est des plus juteux. «Des applications mobiles existent désormais, pour avoir une vue sur les cadastres. Les commerçants se rapprochent ainsi plus facilement des propriétaires pour des propositions de rachats. Parfois, les propriétaires ne sont pas identifiés et il arrive fréquemment, malheureusement, que des gens se servent sur site. Pour lutter contre ce pillage, il faut prendre soin de ses terres, et les céder si on ne peut les soigner.»

Vendre n’est pas la seule option : on peut aussi échanger des parcelles de manière à regrouper les espaces. Intelligent. Pour les soigneurs de bois comme pour la planète!

Au Luxembourg, «chaque famille avait une petite parcelle» de forêt

Au Grand-Duché, la forêt n’est jamais loin des agglomérations, même dans sa capitale, dont 20 % du territoire est boisé. Les 92 000 hectares de forêts que compte le pays représentent en effet plus d’un tiers (environ 35 %) de la superficie du Grand-Duché. Au Nord, on retrouve notamment les Ardennes qui, rappelons-le, sont à l’origine de l’appellation du département français des Forêts qui était constitué d’une majeure partie du Luxembourg et de provinces belges et allemandes entre 1795 et 1814.

Aujourd’hui, le pays reste intimement lié à ses forêts, dont plus de la moitié des parcelles (50 000 hectares) est possédée par 14 000 propriétaires privés. «Ceci est historique. Jadis, presque chaque famille avait une petite parcelle de bois pour subvenir à ses besoins. D’autres plus grandes ont été morcelées par héritages successifs», raconte Venant Krier, le président de l’association Lëtzebuerger Privatbësch, qui accompagne les 2 400 propriétaires forestiers privés adhérant à l’ASBL.

Selon lui, les Luxembourgeois restent attachés à leurs parcelles, qu’ils conservent «pour la plupart, pour la sauvegarde du patrimoine familial». De fait, peu de parcelles sont vendues. «Il y a peu de transactions autres qu’en famille ou avec des voisins. Le plus souvent, c’est un voisin qui aime arrondir sa propriété avec son voisin cédant qui, lui, aime la voir entre de bonnes mains.»

Pour ce qui est du prix, difficile de l’estimer d’après Venant Krier, tant le bois présent, la situation géographique et l’accessibilité importent. Néanmoins, il estime qu’«un chablis peut se vendre à 100 euros par are et qu’un bois avec de beaux chênes peut valoir plus de 500 euros l’are».

Morgan Kervestin

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