Lors de sa visite de travail en Israël, le ministre des Affaires étrangères, Xavier Bettel, a pu échanger avec la belle-fille d’un otage du Hamas.
«C’était un paradis et, en une matinée, c’est devenu un enfer.» Le 7 octobre 2023, des hommes du Hamas pénètrent dans le Kibboutz de Nir Oz, situé à deux kilomètres de la bande de Gaza, assassinent une trentaine d’habitants et en enlèvent 80 autres. Les habitations, le jardin d’enfants et le supermarché sont incendiés. «C’était la perle d’Israël», poursuit Rita Lifshitz ce mercredi matin, pendant son entretien avec Xavier Bettel, qui est en visite de travail à Jérusalem. «Une communauté (NDLR : de 400 personnes) où les gens vivaient ensemble, travaillaient dans les champs, les restaurants, les jardins. Nous avions tous le même salaire», explique-t-elle. Cette Suédoise d’origine, arrivée en 1982 dans ce Kibboutz, et qui est tombée amoureuse du pays «au premier regard», a la voix parfois étranglée et les larmes aux yeux quand elle évoque cette funeste matinée et le combat qu’elle mène depuis.
Ce 7 octobre, la quinquagénaire est avec sa petite-fille à Tel-Aviv pour y passer des vacances. Elle vient à peine d’apprendre la nouvelle de l’attaque qu’elle commence à recevoir des messages d’habitants du kibboutz demandant à être secourus. En effet, Rita Lifshitz fait partie de l’équipe de sécurité de Nir Oz et a pour habitude d’aider les personnes âgées à se réfugier dans les abris à chaque attaque de roquettes. Mais, ce matin-là, elle est impuissante. «Ils parlaient pendant que les terroristes essayaient d’entrer dans leur maison. Le meurtre (d’une habitante) a été diffusé sur Facebook. Ses enfants et petits-enfants ont assisté à sa mort en direct.»
Une seule solution : la paix
Elle l’apprendra peu après : ses beaux-parents, Odet et Yocheved Lifshitz, font partie des personnes enlevées. Yocheved sera parmi les premiers à être libérés, «et nous en sommes très reconnaissants», assure Rita Lifshitz. Mais depuis plus d’un an désormais, Odet est toujours aux mains du Hamas. Âgé de 84 ans, il vivait avec sa femme depuis 60 ans.
«S’ils avaient pu, ils vous auraient raconté leur histoire, eux qui adoraient avoir des invités», glisse-t-elle dans un sourire avant de reprendre : «Ce sont de véritables amis des Palestiniens. Chaque semaine, Odet emmenait des enfants de Gaza pour qu’ils aient une chimiothérapie», persuadé que la seule issue au conflit est la paix. Mais malheureusement, «les terroristes ne s’inquiètent pas de savoir si vous êtes pro-palestinien. Le peuple palestinien doit se libérer de cette terreur du Hamas, nous devons récupérer nos otages.» Depuis qu’Odet a été enlevé, personne n’a de nouvelles de lui. Rita Lifshitz espère qu’une famille palestinienne s’occupe de lui, sans ça…
Et quand Xavier Bettel lui fait part des morts côté palestinien ou libanais, tués parce qu’ils se trouvaient dans le même immeuble qu’un membre du Hamas, Rita Lifshitz ne se démonte pas : «Nous croyons toujours en la paix, puisque tant qu’elle ne sera pas faite, cela continuera encore et encore. La Palestine doit être libérée d’Israël, nous avons besoin de la paix avec la Syrie et le Liban. C’est un grand rêve pour le monde entier. Et l’Europe doit être là pour nous aider à le réaliser», conclut-elle.
À ce jour, Rita Lifshitz ne peut pas retourner vivre chez elle, il faudra des années pour reconstruire le kibboutz. Vingt-neuf otages de Nir Oz sont encore retenus à Gaza.
Un ministre touché
Interrogé à la fin de cet entretien, Xavier Bettel a confié avoir été touché par le récit de Rita Lifshitz. «Je trouve une personne qui, malgré ce qu’elle a vécu, veut encore la paix. Alors que le but du Hamas et du Hezbollah, c’est quand même ce qu’il y a de plus dégoûtant. Construire toutes les structures sous des hôpitaux, des écoles et des centres de réfugiés, c’est vouloir provoquer le plus de morts possibles si on s’attaque à eux. Et que (Rita Lifshitz) plaide elle-même encore pour la paix et pour le respect de la Palestine montre que même en souffrant, en étant victime des pires atrocités, on peut croire encore dans le côté positif aussi des gens. C’était pour moi assez impressionnant de la voir et de pouvoir m’entendre avec elle, d’avoir un échange direct. À la fin, elle m’a dit : « je suis forte, mais vous m’avez émue aussi », c’était touchant.»
De notre envoyée spéciale au Proche-Orient, Isabelle Simon