L’ACEL, désormais présidée par Kimon Leners, veut maintenir son statut de premier interlocuteur du gouvernement pour la cause estudiantine. L’action politique de la nouvelle ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur Stéphanie Obertin est très attendue.
L’Association des cercles d’étudiants luxembourgeois (ACEL), fondée en 1984, fête cette année son 40e anniversaire. La plus importante association estudiantine du pays compte aujourd’hui plus de 40 cercles membres. Le 26 décembre, Kimon Leners a été élu comme nouveau président. Il évoque les défis qui attendent son comité lors des douze mois à venir et les dossiers prioritaires auxquels l’ACEL souhaite que le gouvernement s’attaque.
Vous venez de prendre la présidence à un moment particulier, vu que l’ACEL va fêter, en automne de cette année, son 40e anniversaire. Est-ce que ce fait rend le défi qui attend votre comité renouvelé encore plus important ?
Kimon Leners : Certainement un peu, mais ce qui prédomine, c’est le plaisir de pouvoir passer en revue les 40 années d’existence de l’ACEL et quels sont les acquis et projets réalisés par nos prédécesseurs. Récemment encore, j’ai été surpris par une initiative prise en 2012. Ce sera encore tout autre chose avec ce qui s’est passé dans les années 80 et 90. Je pense qu’il est excitant de pouvoir faire cette rétrospective. Peut-être cet anniversaire nous permettra-t-il de pouvoir rebondir sur des points essentiels qui restent à clarifier, voire de se souvenir de choses qui nous ont été promises, mais qui n’ont jamais été mises en œuvre.
N’est-il pas malheureux de constater dans ce contexte qu’un nombre insuffisant de candidats s’est présenté, lors de l’assemblée générale du 26 décembre, pour former un comité complet de 15 membres? Comment expliquer cela ?
Nous avons en effet une importante charge de travail à effectuer. Répartir les tâches sur 12 épaules est bien plus simple que de devoir le faire avec une équipe limitée à 15 membres. Je reste néanmoins confiant de pouvoir compter sur une équipe qui ne ménagera pas ses efforts. Tous les membres du comité ont déjà de l’expérience, acquise dans leur cercle d’étudiants ou dans l’ACEL. On sait aussi que l’on pourra compter sur le soutien de l’Amicale de l’ACEL, composée d’anciens étudiants et membres du comité. Cela n’empêche pas qu’une année éprouvante nous attend, où on risque aussi de toucher à nos limites, sans toutefois faillir dans notre mission. J’espère que l’on pourra encore coopter au fil des mois des étudiants supplémentaires pour intégrer le comité.
Ce manque de candidats peut-il aussi s’expliquer par les répercussions de la pandémie de covid, ayant aussi lourdement pesé sur la vie estudiantine ?
Le bénévolat a certainement pris un grand coup en raison de la pandémie. Mais un facteur dont on a moins conscience, c’est qu’un manque de membres dans les cercles et de candidats pour s’engager dans un comité se faisait déjà ressentir avant le covid. On le ressent pleinement aujourd’hui. Par contre, force est de constater que des étudiants qui entament maintenant leurs études sont à nouveau plus motivés. Il faut toujours se dire qu’il est mieux de pouvoir répartir le travail sur plus d’épaules.
Quelles sont les priorités que vous vous êtes fixées comme président, au-delà du double anniversaire de l’ACEL et de la REEL ?
On entame cette année avec comme ambition de ne pas devenir plus petits. Au contraire, nous comptons encore rendre plus grand nos différents projets, que ce soit les voyages de découverte pour élèves dans désormais 25 villes étudiantes (NDLR : Student fir 1 Dag), le développement plus conséquent encore de notre travail d’information pour les futurs étudiants (NDLR : e.a. Studieninformatioun et Guide du futur étudiant) ou encore la création d’une formation informelle, en coopération avec le ministère de l’Enseignement supérieur, sur la reconnaissance des diplômes étrangers au Luxembourg.
L’ACEL travaille aussi fortement sur la représentation des étudiants. Avec les législatives, l’année 2023 fut particulière. Vous avez notamment soumis une liste de revendications aux partis, intitulé Objectif 2028. Avez-vous été entendus par le camp politique ?
Les partis nous ont mentionné de manière assez isolée lors de la campagne. Les retours ponctuels que nous avons obtenus ont été formulés plutôt par des hauts fonctionnaires que des politiciens. Quelque part, il est regrettable de constater que la politique qui est menée de nos jours présente un manque de culture du débat. Je ne veux pas dire que personne nous a écouté.
Les points retenus dans le programme du nouveau gouvernement CSV-DP en ce qui concerne l’enseignement supérieur sont-ils suffisants aux yeux de l’ACEL ?
On est un peu déçus de la proportion qui est consacrée aux étudiants, alors que l’on représente une importante partie de la société. Nous sommes confrontés, dans bon nombre de domaines, à des problèmes. On peut notamment citer le transport ou le logement. Mais, au moins, l’engagement a été pris de continuer à consulter l’ACEL, notamment pour analyser certains points. Mais il reste à voir à quoi va concrètement ressembler la politique. Ce ne serait pas la première fois qu’un gouvernement se fixe des objectifs qui ne sont jamais réalisés.
Lors de la décennie écoulée, l’ACEL a eu affaire aux ministres Claude Meisch et Marc Hansen. Désormais, Stéphanie Obertin est aux manettes du ministère en charge de l’Enseignement supérieur. Est-ce que vous vous attendez à des changements majeurs ?
Nous n’avons pas encore rencontré la nouvelle ministre. On espère un échange aussi ouvert avec la ministre Obertin qu’avec ses deux prédécesseurs. La même chose vaut pour le soutien que nous accorde le ministère pour l’ensemble de nos activités, y compris pour l’extension des projets auxquels on compte s’atteler. Cela vaut surtout pour le volet information où l’ACEL enlève beaucoup de travail aux ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Un élément très intéressant est que la nouvelle ministre soit également en charge de la Recherche et de la Digitalisation.
Le choix de séparer les portefeuilles de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, mais aussi de placer la Recherche en tête du nom de votre ministère de tutelle, ne risque-t-il pas d’avoir un impact négatif sur vos activités ?
On ne comprend pas vraiment pourquoi le nouveau gouvernement a posé ce choix. On peut en effet se poser la question suivante : à quel ressort sera donnée la priorité? L’éducation et les études supérieures sont nécessaires pour pouvoir se lancer dans la recherche. En fin de compte, notre pleine attention se porte sur les actions concrètes et le maintien du soutien pour tous les ressorts concernant la vie estudiantine. Car il faut savoir que, de nos jours, il est quasiment obligatoire de faire des études supérieures ou de suivre une formation professionnelle pour décrocher un emploi. Il est dès lors important de ne pas rester enfermé dans sa bulle, ici au Luxembourg.
Quels sont les problèmes prioritaires où vous voulez voir le nouveau gouvernement intervenir ?
La mise en œuvre et le respect de la loi sur les stages rémunérés est une de ces priorités. Nous allons probablement demander une entrevue avec le nouveau ministre du Travail, qui a la tutelle sur ce dossier. Une petite tripartite, réunissant l’ACEL, ainsi que les ministres Georges Mischo et Stéphanie Obertin, est également une option. On continue d’ailleurs à encourager les différents ministres concernés à mieux communiquer entre eux.
On est un peu déçus de la proportion qui est consacrée aux étudiants dans l’accord de coalition
Où se situent les problèmes liés à la loi sur les stages ?
Le comité sortant de l’ACEL a procédé à une analyse détaillée de la situation. Il s’avère que la loi en vigueur n’est pas encore entièrement respectée par les patrons de stage. Beaucoup d’étudiants rencontrent d’importantes difficultés à décrocher un stage en raison justement de la rémunération devenue obligatoire. Cela constitue aussi un problème d’envergure pour l’avenir, sachant que les gens hésitent de plus en plus à venir travailler au Luxembourg. Or, on n’est même pas capables de leur proposer un stage rémunéré. Je peux comprendre les entreprises qui fixent une durée minimale d’un mois ou plus pour offrir des stages, car elles veulent aussi profiter du travail du stagiaire après l’avoir initié pendant plusieurs semaines aux rouages internes. Nous voulons obtenir un régime équitable, car très souvent, le stagiaire qui fait ses preuves se fait proposer, dans la foulée, un emploi. Ce sont à la fois le gouvernement et les patrons qui doivent résoudre ces problèmes.
Dans cet ordre d’idées, avez-vous déjà cherché le contact avec l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) ?
Des échanges ponctuels ont eu lieu ces derniers mois. Il s’agit d’un partenaire important pour mettre en œuvre la loi sur les stages. On espère trouver au mieux un dénominateur commun afin de résoudre les problèmes existants. Je suis assez confiant concernant le fait que l’on pourra réussir, même si je ne sais pas si cela réussira dans les 366 jours que compte cette année 2024. L’objectif est plutôt d’être fin prêt dans deux ans, après avoir posé toute une série de fondations lors des douze mois à venir (NDLR : l’entretien a été mené le 3 janvier).
Peut-on s’imaginer que l’État verse des aides financières aux entreprises offrant des stages, comme l’ACEL l’a déjà suggéré courant 2023 ?
Un manque de moyens financiers existe notamment dans le domaine de la médecine, spécialement chez les psychologues. Le gouvernement sortant a déjà envisagé de vouloir soutenir financièrement les médecins qui acceptent de prendre des stagiaires sous leur aile. On reste assez confiants quant au fait que cela puisse se concrétiser. Il ne faut également pas oublier que les ASBL, actives notamment dans le domaine social, manquent aussi de moyens pour accueillir des stagiaires. Nous allons aussi mettre en avant ce point lors des entrevues à venir avec les ministères concernés. Et on reste en attente de savoir, par le biais de l’UEL notamment, quels autres secteurs auraient besoin d’un coup de pouce financier pour proposer des stages rémunérés.
Le commissaire européen Nicolas Schmit travaille actuellement sur une directive rendant obligatoire les stages rémunérés à l’échelle de l’UE. Espérez-vous que cette initiative pourra débloquer le dossier au Luxembourg ?
Cette directive pourra aider à réduire les problèmes que nos étudiants peuvent rencontrer dans leurs universités respectives, où s’appliquent différents critères en matière de stages obligatoires. Un risque toutefois existe : si la directive est moins ambitieuse, le gouvernement luxembourgeois serait tenté de revoir vers le bas les exigences de la loi existante sur les stages rémunérés.