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Objectif «zéro déforestation»


«L’Europe pourrait développer des partenariats» avec les pays les plus respectueux de l’objectif «zéro déforestation», avance Christophe Hansen. (photo Hervé Montaigu)

Du fait de leur consommation, les Européens sont responsables de 10 % de la déforestation mondiale. Une proposition européenne compte interdire sur le marché intérieur les produits qui ne seraient pas exempts de déforestation.

Quatre cent vingt millions d’hectares : c’est la surface de forêts déboisées entre 1990 et 2020, selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). Soit l’équivalent de la superficie de l’UE ! Une déforestation qui a de graves conséquences, tant pour les populations autochtones et la biodiversité (les forêts abritent 80 % de la biodiversité) que pour la lutte contre le réchauffement climatique, puisque les forêts produisent non seulement de l’oxygène, mais captent également le CO2 et sont indispensables au cycle de l’eau. La déforestation et la dégradation des forêts causent à elles seules 11 % des gaz à effets de serre. Pourtant, 10 millions d’hectares continuent d’être abattus chaque année.

L’UE est à elle seule responsable de 10 % de la déforestation mondiale. Six produits de base ont été identifiés comme étant les principaux facteurs de la déforestation imputable à l’UE : l’huile de palme, le soja, le bois, le cacao, le café et le bœuf. Selon Greenpeace, environ 27 000 tonnes de soja sont importées au Luxembourg, ce qui correspond à l’exploitation de 11 000 hectares!

Pour tenter d’enrayer ce problème, la Commission européenne (CE) propose un cadre juridique («Zéro déforestation») qui s’appliquera à l’échelle mondiale ainsi qu’au sein de l’UE : tous les produits commercialisés au-delà du 31 décembre 2020 qui ne seront pas exempts de déforestation seront bannis du marché intérieur une fois la proposition adoptée. Une date butoir déjà dépassée pour ne pas inciter certains à déboiser à tort et à travers avant l’application de cette proposition.

Traçabilité jusqu’au producteur

Le député européen Christophe Hansen (CSV, groupe PPE) a été désigné rapporteur du règlement relatif aux chaînes d’approvisionnement sans déforestation (et sans dégradation de la forêt vierge). Dans ce cadre, il estime que des améliorations peuvent être apportées à la proposition actuelle de la CE.

En premier lieu desquelles, l’ajout du caoutchouc et du papier imprimé (affiches, livres, etc.) au champ d’application du règlement, en sus des six produits identifiés, ainsi que les dérivés de tous ces produits de base. «Même si nous espérons faire des émules, la volaille britannique par exemple pourra continuer d’être nourrie avec n’importe quel type de soja, ce qui pourrait mettre à mal les producteurs européens. Nous proposons donc d’examiner dans les deux ans à venir l’extension éventuelle du champ d’application.»

L’application de ces mesures ne sera pas sans poser un certain nombre de difficultés et aura nécessairement un coût financier, sans oublier qu’elle constituera une charge de travail supplémentaire pour les douaniers. «C’est sûr que l’ajout du caoutchouc va poser des problèmes dans le domaine automobile par exemple, et ce sera effectivement un défi de contrôler la traçabilité de ces produits», concède le député européen.

«Mais avec les images satellites, on peut définir très précisément les parcelles d’exploitation. Quant au fait de séparer les produits qui n’ont pas causé de déforestation des autres, c’est aussi un défi, mais c’est faisable : on a déjà des chaînes d’approvisionnement séparées pour des produits sans OGM», rétorque Christophe Hansen. Quant à la répercussion sur le portefeuille des consommateurs : «Ça me paraît inévitable, mais on ne peut pas lutter gratuitement contre le réchauffement», estime-t-il.

«Nous n’avons plus de temps à perdre !»

Autre défi : contraindre aussi les petits producteurs à respecter le cahier des charges – la proportion des petites exploitations peut être élevée dans certains secteurs (elles sont 80 % dans celui du cacao) –, mais en leur fournissant un soutien financier et technique. «Les droits de propriété et de gestion des peuples indigènes doivent aussi être inclus dans ces exigences, ce qui implique de se référer aux règles internationales et pas seulement aux lois nationales», souligne Christophe Hansen, pointant du doigt les lois pour le moins contestables du Brésil en matière de déforestation.

«On veut établir une chaîne de production très transparente. Il s’agit de dire : si vous voulez vendre votre produit sur notre marché intérieur, voici les conditions», résume le député. Quid des produits non conformes ou à la traçabilité floue qui seraient interceptés par les douaniers ? La CE propose de les détruire, mais pour Christophe Hansen cette réponse est inappropriée : «Ce n’est pas responsable, il faut trouver de meilleures solutions. On peut envisager une redistribution aux pays qui pourraient en avoir besoin».

Le député doit encore étudier quelque 2 000 amendements soumis notamment par les autres groupes parlementaires avant de présenter son rapport au mois de juillet. Le texte final devrait entrer en négociation d’ici à la fin de l’année en Conseil puis entrer rapidement en application : «D’ici l’année prochaine. Nous n’avons plus de temps à perdre !», a rappelé Christophe Hansen.

Six produits en cause

La CE a identifié six produits comme étant à l’origine de la majeure partie de la déforestation imputable à l’UE :
1> l’huile de palme (33,95 %)
2> le soja (32,83 %)
3> le bois (8,62 %)
4> le cacao (7,54 %)
5> le café (7,01 %)
6> le bœuf (5,01 %)