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«Objectif Lune» pour le Luxembourg à la Rockhal


La salle de spectacle de la Rockhal s’est transformée en surface lunaire l’espace de quelques heures.

Cinq équipes internationales se sont affrontées ce vendredi 9 septembre à la Rockhal pour tenter de remporter la finale du “ESA-ESRIC Space Resources Challenge”. Avec un objectif en tête : la Lune.

«Attention, vous foulez le sol de la Lune !» : l’effervescence était palpable, vendredi après-midi, dans la grande salle de la Rockhal, où une réplique géante de la surface de la Lune avait été installée pour accueillir la finale du «ESA-ESRIC Space Resources Challenge».

Une mise en orbite artificielle pour tester les rovers (ces petits robots qui se déplacent de manière automatique) de cinq start-up en conditions presque réelles, l’apesanteur en moins.

Le but de ce challenge ? Trouver la perle rare qui saura détecter et analyser les minéraux présents sur la surface lunaire. Cinquante-trois ans après le passage de Neil Armstrong, la conquête du satellite semble en effet être le nouvel objectif des agences spatiales mondiales, telles que la NASA ou l’ESA. Cette dernière, qui organisait justement cet évènement, souhaite ainsi se faire une place, sur un marché largement dominé depuis des décennies par les États-Unis.

Et le Luxembourg n’est pas en reste. Après le lancement de l’initiative SpaceResources.lu, lancée en 2016, pour promouvoir et développer la recherche, les aspects économiques et juridiques des ressources spatiales, le pays poursuit sa croissance dans ce domaine, avec la création en 2020 du premier centre européen d’innovation en matière de ressources spatiales (Esric) et la mise en place d’un campus spatial d’ici à 2028.

Un leadership luxembourgeois en Europe

«L’industrie spatiale a besoin de talents et peine à en trouver. C’est pourquoi nous développons ce type de programmes, pour inciter les plus jeunes à se lancer dans cette voie», souligne Georges Engel, ministre du Travail, présent à l’évènement. «Le Luxembourg veut aussi jouer sa part dans l’économie spatiale», ajoute-t-il. Appuyer encore un peu plus les efforts luxembourgeois dans ce domaine, telle est l’ambition du gouvernement, qui a été le premier en Europe à ouvrir l’exploitation des ressources spatiales aux entreprises privées, en 2017.

Un «leadership» que compte bien conserver le pays face à la concurrence américaine ou chinoise. «Toutes ces équipes présentes aujourd’hui vont contribuer dans le futur au développement de la recherche spatiale en Europe, c’est fascinant», s’émerveille Élodie Viau, membre de l’Agence spatiale européenne (ESA).

Pour elle, nul doute que le retour sur la Lune aura des impacts positifs sur la vie terrestre. «L’espace crée déjà de l’économie sur Terre : vous utilisez des satellites avec vos GPS ou lorsque vous consultez la météo par exemple. Nos recherches vont nous permettre de modéliser le changement climatique aussi et de pouvoir agir concrètement. Ces robots présents aujourd’hui dans la Rockhal peuvent également servir sur Terre.»

Des rovers qui auront donc peut-être la chance de fouler un jour le sol de la Lune. Mais pas tout de suite : le nom du gagnant du challenge (qui devra empocher 75 000 euros au passage !) ne sera révélé que dans quelques semaines. Le temps pour le jury de trancher et de sélectionner le futur robot qui prendra son envol. Un engin «made in Luxemburg» ? Peut-être….

L’Uni veut tenter l’alunissage

Parmi les cinq équipes en compétition vendredi, l’une d’entre elle jouait à domicile : celle de l’université du Luxembourg, en partenariat avec l’université de Lorraine et la société belge Space Applications Services. Pour cette finale, qu’ils préparent depuis plus d’un an, les membres de l’équipe n’ont pas lésiné sur les moyens : ce n’est pas un robot, mais bien quatre qui ont sillonné le sol lunaire de la Rockhal.

[caption id="attachment_388750" align="aligncenter" width="1000"] Loïck Chovet est membre de la team Uni pour ce challenge spatial.[/caption]

«Nos rovers sont beaucoup plus petits que ceux de nos concurrents, mais ils sont plus fonctionnels. Ils peuvent explorer la zone de recherche, faire une carte et permettre ensuite à un autre de nos robots de capter les minéraux pour les analyser», explique Loïck Chovet, membre de la team Uni et doctorant en robotique spatiale.

Une vraie fierté pour cet étudiant de 23 ans, originaire de Toulouse, qui veut «faire briller le Luxembourg» dans cette compétition. «C’est un challenge organisé chez nous, par l’Esric qui est tout récent, c’était logique d’être là et de représenter le Grand-Duché. On veut montrer que le Luxembourg aussi sait faire des choses, on veut faire nos preuves», explique-t-il avec entrain.

L’INTERVIEW

Matthias Maurer, astronaute : «Retourner sur la Lune nous permettra d’aller bientôt sur Mars»

Matthias Maurer, astronaute sarrois, était présent à la Rockhal pour rencontrer le public et raconter son expérience. Le Sarrois revient en effet de six mois à bord de l’ISS, et nous explique les raisons qui poussent l’Europe et le Luxembourg à conquérir la Lune.

Matthias Maurer a passé six mois à bord de l’ISS et espère bien fouler le sol lunaire en représentant de l’Europe.

Pourquoi est-il important aujourd’hui de retourner sur la Lune?

Matthias Maurer : «Il y a beaucoup de raisons qui justifient ce retour. La première, ce sont les ressources. Pour moi, la plus importante, c’est l’eau. Avant, nous pensions que la Lune était très sèche, que ce n’était que de la poussière. Mais c’est faux. Nous avons trouvé des ressources, de l’eau, dans les pôles notamment. Et l’eau, c’est forcément très intéressant pour nous. S’il y en a déjà sur place, nous n’avons pas besoin d’en ramener par exemple. Mais l’eau, c’est aussi de l’oxygène et de l’hydrogène, ce qui est bien pratique. Cela nous permet de créer du fioul pour nos fusées.

La Lune pourrait devenir une vraie station pétrolière pour les missions dans l’espace. Elle n’a seulement qu’un sixième de la gravité sur Terre, donc il serait beaucoup plus facile de faire décoller une fusée depuis sa surface.

Mais la raison la plus importante, selon moi, c’est de pouvoir étudier comment cette eau est arrivée sur la Lune. Parce qu’elle rejoint une autre question centrale : comment l’eau est arrivée sur la Terre. Notre planète était volcanique à la base ! L’eau est arrivée plus tard, depuis l’espace, avec des astéroïdes, des météorites, etc.

La grande question est donc : et après ? Comment est-ce que la vie a commencé ? Comment ça fonctionne ? Comment le système solaire, avec la Lune, s’est développé ? Est-ce qu’il y a de la vie là-haut, dans l’espace et où est-ce que je dois chercher ? Ce sont de grandes questions et l’eau, qui est arrivée sur la Terre, avait probablement des éléments de réponse, mais aujourd’hui, c’est impossible de retrouver ces traces d’origine. Alors étudions l’eau de la Lune, c’est la même chose !

Nous pouvons aussi prendre des échantillons géologiques, pour comprendre le développement de la Terre. Le réchauffement climatique notamment. Regardez, Mars : elle avait aussi de l’eau sur sa surface, mais maintenant, elle est désertique, elle a subi un changement climatique. Il y a donc des chances que nous suivions le même schéma. Pour éviter cela, nous devons comprendre ce qui s’est passé.

Retourner sur la Lune nous permettra d’aller sur Mars dans un avenir prochain. Pour envoyer des humains là-bas, il nous faudra des ressources pour y rester un peu de temps. Il faut donc avoir la technologie, savoir où atterrir, où chercher les ressources et avoir une belle connaissance du terrain et des ressources. Ça, il faut d’abord le développer sur la Lune, car si ça fonctionne, nous pourrons alors appliquer aussi cette technologie sur Mars. La Lune est super intéressante scientifiquement, mais elle est aussi essentielle technologiquement, avant d’aller sur Mars.»

Pourquoi l’évènement organisé à la Rockhal est important ?

«Il faut modifier nos technologies actuelles pour aller sur la Lune. À l’époque d’Apollo 11, nous n’avions pas de rovers! La technologie s’est énormément développée ces dernières années et maintenant, avec des projets comme Artemis, nous voulons envoyer des astronautes européens sur la Lune.

Les Américains commencent leurs explorations sur la Lune, y envoient des humains, des robots, donc l’Europe doit se dépêcher pour rattraper tout cela. C’est une vraie course, une compétition pour la Lune. Je vois le futur ici.»