L’Ukraine a dénoncé des frappes « massives » de dizaines de missiles russes jeudi matin, visant les infrastructures énergétiques du pays, entraînant de nouvelles coupures de courant d’ampleur en plein hiver et juste avant la fête du Nouvel An.
De plus, une première depuis le début de l’invasion russe il y a plus de 10 mois, le Bélarus, plus proche allié de Moscou, a affirmé avoir abattu au-dessus de son territoire un missile de défense anti-aérienne S300 provenant « du territoire ukrainien ». Les autorités n’ont pas évoqué de dégâts mais diffusé les images de fragments tombés dans un champs de la région de Brest, dans le sud-ouest du pays. Elles n’ont pas évoqué dans l’immédiat de représailles.
En Ukraine, le commandant en chef des forces armées, Valéry Zaloujny, a indiqué que 54 des 69 missiles russes lancés jeudi contre l’Ukraine avait été abattus. L’armée de l’air a par la suite fait état de 11 drones explosifs Shahed, de fabrication iranienne, détruits.
Mais ceux qui ont touché leurs cibles ont provoqué de nouveaux dégâts sur le réseau électrique du pays, déjà très endommagé par près de trois mois de bombardements intenses de ce type. Les coupures de courant se sont donc multipliées jeudi dans le pays, alors que des millions de civils ukrainiens vivent déjà depuis des semaines avec une électricité fortement rationnée, des problèmes d’eau et de chauffage en plein hiver.
« La situation était particulièrement difficile à 11H00 (09H00 GMT) dans l’ouest du pays, à Odessa (sud-ouest) et dans la région de Kiev », a indiqué sur Facebook, le ministre de l’Energie, Guerman Galouchtchenko.
Son homologue des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a lui dénoncé des frappes d’un « barbarisme insensé » lancées contre « des villes ukrainiennes pacifiques juste avant le Nouvel An », principale fête de famille en cette saison.
« Nous devons gagner »
Après une série de revers militaires sur le terrain à la fin de l’été et à l’automne, le Kremlin a changé de tactique et commencé en octobre à frapper régulièrement, avec des salves de dizaines de missiles et de drones, les transformateurs et centrales électriques de l’Ukraine. L’Ukraine réclame en conséquence à ses alliés occidentaux plus de systèmes antiaériens.
Jeudi, Lviv, la grande ville de l’ouest de l’Ukraine, était à 90% privée d’électricité. Dans la région éponyme, 282 localités étaient également sans courant. « Nous devons tenir, c’est la guerre, nous devons survivre à cela et gagner », dit à l’AFP Iryna Ivaneyko, conductrice d’un tramway de Lviv, à l’arrêt faute de courant.
A Kiev, à la mi-journée, 40% des habitants étaient sans électricité du fait des frappes sur des infrastructures à l’extérieur de la ville. Selon un responsable militaire, la défense antiaérienne a pu néanmoins abattre la totalité des 16 missiles ayant visé la capitale. Mais des fragments de missiles abattus sont tombés sur des habitations et un terrain de jeu, faisant trois blessés dont une jeune fille de 14 ans, selon les autorités municipales.
Dans le quartier de Bortnytchi, une demi-douzaine de maisons ont subi des dégâts, selon un journaliste de l’AFP. Dans une rue, gisaient des gravats faits de câbles, de planche de bois et de briques. « La guerre continue, on fait ce qu’on doit pour survivre, le plus important est que les gens restent en vie », commente un habitant du quartier de 59 ans, Guéorguiï Iatsenko, qui était dans sa cave avec trois de ses petits-enfants au moment des frappes.
A Odessa, grand port du Sud-Ouest, 21 missiles russes ont été abattus par la défense antiaérienne ukrainienne, selon le gouverneur Maksym Martchenko. Mais d’autres ont touché leur cible, si bien qu’il y a, là aussi, des coupures de courant.
Pas de perspectives de paix
Le président russe Vladimir Poutine a justifié début décembre cette tactique des frappes massives affectant des millions de civils, en estimant qu’elles constituaient une réplique à des attaques ukrainiennes contre des infrastructures russes. Il présente en outre toujours son invasion de l’Ukraine, qui dure depuis plus de 10 mois, au prix de lourdes pertes, comme une nécessité, assurant que l’Occident se servait de l’Ukraine comme d’une tête de pont pour menacer la Russie.
Encore mercredi, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a estimé que la guerre avait été « préparée par l’Occident via l’Ukraine ». Confronté à de graves revers militaires, Moscou a mobilisé 300.000 réservistes, des civils donc, pour stabiliser les fronts. Les combats continuent en outre de faire rage, avec une bataille particulièrement sanglante pour Bakhmout, ville de l’Est que la Russie tente de conquérir depuis des mois, et Kreminna, que les forces ukrainiennes tentent de reprendre.
Kherson, grande ville du sud d’où les forces russes ont fui le 11 novembre, est désormais la cible de frappes russes presque quotidiennes. En Russie, la défense antiaérienne a abattu jeudi un drone dans la région de la base militaire clé d’Engels, située à 500 kilomètres de la frontière ukrainienne et déjà frappée lundi par une attaque meurtrière au drone attribuée à l’Ukraine.
Les perspectives de pourparlers de paix sont, elles, quasi-inexistantes. L’Ukraine réclame le retrait total de l’armée russe, quand Moscou veut au minimum que Kiev lui cède les quatre régions dont le Kremlin revendique l’annexion depuis fin septembre, ainsi que la Crimée annexée en 2014.