Pour la première fois, Cargolux lance une nouvelle branche d’activité : aux commandes de 12 avions bombardiers d’eau, ses pilotes lutteront dès cet été contre les feux de forêt en Europe et dans le monde.
C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour le fleuron de l’économie luxembourgeoise et référence mondiale dans le secteur du fret aérien : pour la première fois en 53 ans d’existence, Cargolux annonce le lancement d’une toute nouvelle branche d’activité consacrée à la lutte aérienne contre les incendies.
«Une ambition que j’avais depuis longtemps se concrétise aujourd’hui», se réjouit le président et CEO, Richard Forson, qui précise que ce projet, financé à 100 % sur fonds propres, a coûté 72 millions d’euros au total, notamment pour l’acquisition d’une flotte de 12 avions Air Tractor AT-802AF Fire Boss et d’un simulateur. Trois appareils ont déjà été livrés à la compagnie, dont un a été présenté hier à la presse dans l’immense centre de maintenance Cargolux à Sandweiler.
Il s’agit d’appareils très flexibles, capables de décoller sur de courtes distances, de se poser sur l’eau comme la terre, avec une autonomie de 3 heures de vol. Sur un lac comme sur une rivière, il leur faut moins de 15 secondes pour engloutir 3 000 litres d’eau à larguer ensuite au-dessus des flammes. Ces petits avions peuvent aussi travailler en groupe en échangeant des informations capitales pour mener à bien leur mission.
Le chiffre d’affaires attendu pour cette nouvelle unité commerciale baptisée Aquarius Aerial Firefighting n’a pas été dévoilé. «Le business plan est bouclé et nous attendons un retour sur investissement positif», a simplement indiqué le CEO. «Cela prendra plusieurs années avant de savoir exactement combien cette activité nous rapporte.»
Ce qui est certain, c’est qu’il existe un déficit en termes de capacité d’intervention et de matériel dans la lutte contre les incendies qui se multiplient avec le réchauffement climatique aux quatre coins de la planète. Un manque que Cargolux veut contribuer à combler à travers des contrats dans différents pays, en fonction des besoins : basée en Europe l’été, la flotte pourra être délocalisée durant la période hivernale en Australie ou en Amérique du Sud.
«Nous sommes engagés dans une démarche de développement durable et cette étape stratégique pour Cargolux en est le reflet, alors que les feux de forêt ont émis 2,1 milliards de tonnes de CO2 en 2023», pointe Richard Forson, en citant les chiffres du service européen de surveillance de l’atmosphère, Copernicus.
«Ça n’arrive qu’une fois dans une vie»
C’est en interne et sur base volontaire que s’est déroulé le recrutement pour constituer cette nouvelle équipe d’une vingtaine de pilotes. Une opportunité qu’a saisie Michael Neuhuber, pilote chez Cargolux depuis 23 ans. «Quand j’ai vu ça, je ne pouvais pas y croire, ça n’arrive qu’une fois dans une vie», confie-t-il, même si cette nouvelle orientation a un peu effrayé ses proches au début.
«C’est tellement gratifiant d’effectuer un vol pour une mission et d’en voir le résultat immédiatement. On soutient les pompiers au sol, on leur permet de rentrer sains et saufs le soir à la maison. On se sent vraiment utile», explique-t-il.
Si la licence de pilote nécessaire pour ce genre d’appareil est la même que pour un gros-porteur, les pilotes engagés bouclent actuellement une formation spécifique en Espagne et au Portugal. «Si, techniquement, cela reste le même métier, il faut apprendre à remplir le réservoir à la surface de l’eau, puis à redécoller, et on ne survole pas un incendie sans préparation. Donc on suit en ce moment un entraînement rigoureux, en ciblant des containers enflammés placés au sol», détaille le pilote, ajoutant qu’aucun d’entre eux n’assumera la position de leader dans le groupe d’intervention durant la première année.
Les trois premiers avions et leur pilote devraient être prêts pour un déploiement au mois de mai et seront disponibles pour assurer leurs premières missions cet été en Europe.