L’entrée en vigueur en juillet dernier de la nouvelle loi sur l’accessibilité des lieux ouverts au public marque une étape importante dans la construction d’une société qui n’exclut personne.
«Quand on parle de handicap et de nos difficultés quotidiennes en termes d’accessibilité, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut agir, mais dans les faits, rien ne se passe», soupire Susanna van Tonder, atteinte d’une sclérose en plaques. Si elle ne se déplace pas en fauteuil, son handicap est bien présent, et le moindre effort physique la vide de ses forces.
Alors cette nouvelle loi, visant à rendre les lieux publics et leurs accès plus inclusifs, elle l’accueille favorablement, heureuse que les choses bougent enfin. «Souvent, je n’ai pas pu stationner devant mon lieu de travail, parce que les cases bleues étaient occupées par des véhicules qui n’avaient rien à faire là. Ça me causait beaucoup d’anxiété», explique-t-elle. Car stationner plus loin l’épuisait à coup sûr : «Je me demandais si j’allais pouvoir garder mon emploi à temps plein». Après de multiples démarches, elle a finalement obtenu une place réservée.
Ce que dit la nouvelle loi
Les lieux ouverts au public doivent être accessibles à tous, selon les critères établis par la loi entrée en vigueur le 1er juillet 2023, incluant notamment les cheminements extérieurs, le stationnement automobile, les entrées et sorties, les escaliers et ascenseurs, les sanitaires, et la circulation intérieure.
Pour les nouvelles constructions, le certificat obligatoire à joindre au permis de construire est délivré par des contrôleurs techniques agréés (architectes ou professionnels du bâtiment formés).
Les lieux existants ont jusqu’au 1er janvier 2032 pour se mettre en conformité, au risque de sanctions – amendes, prison, fermeture, démolition. Les résidences collectives privées sont, elles, exclues du champ d’application.
Des aides financières (jusqu’à 50 % du coût des travaux) peuvent être demandées jusqu’au 1er juillet 2028. En cas d’impossibilité technique, des dérogations pourront être accordées.
Globalement, sur le front de l’accessibilité, le Luxembourg accuse un retard considérable. Car il ne s’agit pas seulement des cases peintes en bleu qu’on connaît tous, ou des rampes pour personnes à mobilité réduite : l’accès à un lieu ou à un service public passe aussi par des bandes de guidage au sol, indispensables aux personnes aveugles ou malvoyantes pour s’orienter, ou encore par l’installation de visiophones aux entrées principales, pour éviter aux personnes sourdes ou malentendantes de rester sur le pas de la porte.
Des exemples, les personnes atteintes de handicap peuvent en citer à la pelle. Certains plus traumatisants que d’autres : lorsqu’elle était enceinte, Jackie Winandy, atteinte de surdité, raconte en langue des signes qu’elle a eu toutes les peines à accéder aux urgences de la maternité. «J’étais prise de douleurs, je n’arrêtais pas de sonner à l’entrée, mais je ne pouvais pas entendre la personne qui répondait à l’interphone et personne ne venait», décrit la jeune femme, encore secouée par cet épisode.
Garantir l’accessibilité à tous les citoyens
Parmi les autres personnes présentes mercredi aux côtés du ministre de l’Intégration qui dévoilait la nouvelle loi, Guy Streveler, malvoyant, a évoqué le parcours du combattant qu’il a dû affronter, simplement pour rendre visite à son épouse hospitalisée. «L’emplacement pour l’Adapto devant l’hôpital est partagé avec les taxis, donc parfois, il ne pouvait pas s’y arrêter. Aucun guidage au sol alors que le parvis était immense : impossible de trouver l’entrée du bâtiment. Idem à l’intérieur, j’ai dû me faire aider pour rejoindre la réception», déplore-t-il.
Il estime que la nouvelle loi, à laquelle les associations ont contribué, va changer les choses : «La bonne volonté ne suffit pas, il fallait une obligation légale et surtout, des sanctions. Et aujourd’hui, c’est ce qu’on a», approuve-t-il.
Le nouveau texte impose en effet aux lieux ouverts au public de garantir l’accessibilité à tous les citoyens. Cela inclut les hôtels, restaurants, banques, écoles, lieux de culte, hôpitaux, parkings, commerces, bibliothèques, cinémas, gares, parcs, aires de jeux, les arrêts de bus, ainsi que les cabinets de consultations des professions libérales situés dans des immeubles privés.
Une révolution pour Carine Nickels, pour qui les visites médicales sont toujours un casse-tête : «Si un café n’a pas de rampe pour mon fauteuil, je vais au prochain. Mais quand il s’agit du docteur? Souvent, les cabinets en ville sont situés dans des appartements, il y a des marches devant, la porte ne s’ouvre pas, il n’y a pas d’ascenseur ou il est trop petit… C’est sans fin», rapporte la jeune femme, tétraplégique à la suite d’un accident de moto.
La bonne volonté ne suffit pas, il fallait une obligation légale
Toute nouvelle construction doit dès maintenant se conformer aux nouvelles dispositions et chaque autorisation de bâtir s’accompagnera d’un certificat de conformité aux exigences d’accessibilité. Quant à l’existant, les travaux nécessaires pour la mise aux normes sont à réaliser avant le 1er janvier 2032.
Une date butoir qui peut sembler lointaine, cependant, les premiers concernés s’en accommodent : «Nous sommes parfaitement conscients que ces transformations ne peuvent pas se faire du jour au lendemain. L’essentiel, c’est que le problème soit reconnu officiellement. Un grand pas vient d’être franchi», se réjouit Carine.
Des aides financières accordées par l’État
Susanna aussi se dit satisfaite, soulignant qu’avec cette loi, l’accessibilité devient une priorité, et que même si les adaptations doivent s’étaler sur une décennie, «c’est mieux que rien» et cela représente «un signal fort pour l’inclusion».
Seules les résidences collectives et les voiries existantes ne seront pas affectées : «trop compliqué», indique le ministre Max Hahn, pointant que l’ensemble des copropriétaires devraient s’accorder dans ce cas, et «trop coûteux» pour ce qui concerne la réfection des voiries.
Sur la question du coût, il précise que l’État accordera des aides financières à la mise en conformité d’un bien : «L’aide versée correspondra à 50 % du coût des travaux, englobant études, conseils et expertises, jusqu’à un plafond de 24 000 euros», conclut-il.