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Nouveau coup de théâtre et nouvelles charges contre Carlos Ghosn


Cette fois, le parquet lui reproche d'avoir fait couvrir par Nissan "des pertes sur des investissements personnels" au moment de la crise financière d'octobre 2008, pour 14,5 millions d'euros. (photo AFP)

Nouveau rebondissement judiciaire, Carlos Ghosn a fait vendredi l’objet d’un troisième mandat d’arrêt au Japon sur des charges supplémentaires, anéantissant ses espoirs d’une libération immédiate.

L’arrestation du PDG de l’alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, le 19 novembre à Tokyo, avait fait l’effet d’un coup de tonnerre, sa longue garde à vue avait ensuite étonné à l’étranger et le système judiciaire japonais s’était retrouvé sous le feu des critiques. Les médias avaient annoncé qu’il resterait sous les verrous jusqu’à la fin de l’année, voire au-delà, mais le tribunal a désavoué jeudi le parquet : geste rarissime, il a refusé d’étendre la garde à vue du dirigeant de 64 ans et rejeté ensuite l’appel des procureurs.

Pertes imputées à Nissan

Une libération sous caution semblait alors imminente et Carlos Ghosn se disait déjà prêt à « restaurer sa réputation », selon son avocat cité par les médias, mais c’était sans compter sur la ténacité du parquet, apparemment furieux d’avoir été humilié la veille. Le bureau des procureurs a ainsi décidé de l’arrêter de nouveau, ce qui lui donne 48 heures supplémentaires pour l’interroger sur de nouveaux chefs d’accusation, d’abus de confiance cette fois. La durée de cette garde à vue peut en outre être encore étendue.

Selon un communiqué du parquet, Carlos Ghosn est soupçonné d’avoir « failli à sa fonction de PDG et d’avoir causé un préjudice à Nissan ». Concrètement, le parquet lui reproche d’avoir fait couvrir par Nissan « des pertes sur des investissements personnels » au moment de la crise financière d’octobre 2008, ce qu’il nie selon la chaîne de télévision publique japonaise NHK. La somme incriminée s’élève à 1,85 milliard de yens (14,5 millions d’euros). Pour obtenir l’accord de sa banque sur cette opération, il aurait effectué des virements d’un montant total équivalent, d’une filiale de Nissan vers un compte tiers se portant garant.

Ce type de délits est normalement prescrit au bout de sept ans, mais la loi permet de suspendre le décompte lors des séjours à l’étranger, nombreux dans le cas de Ghosn qui passait seulement un tiers de son temps au Japon.

« Il brassait des millions »

Pour le moment, le Franco-libano-brésilien a été inculpé le 10 décembre pour avoir omis de déclarer aux autorités boursières environ 5 milliards de yens (38 millions d’euros) de revenus sur cinq années, de 2010 à 2015. Son bras droit Greg Kelly, arrêté en même temps que lui, a aussi été mis en examen. Les deux hommes sont également soupçonnés de minoration d’émoluments sur la période 2015-2018, pour un montant de 4 milliards de yens.

Au cours des auditions, Carlos Ghosn aurait reconnu avoir signé des documents mentionnant des paiements qu’il était censé percevoir au moment de quitter Nissan, mais il assure, selon la presse, que ces montants n’étaient pas définitivement établis et n’avaient donc pas à être inclus dans les rapports publics de l’entreprise. « Il brassait des millions. On aurait dit qu’il dirigeait la compagnie pour son propre profit », dénonce une source proche du dossier. Greg Kelly ne fait pas, lui, l’objet d’un nouveau mandat d’arrêt et ses avocats ont déposé vendredi une demande de libération sous caution, a indiqué le tribunal de Tokyo. Il ne devrait toutefois pas être libéré avant mardi, d’après la NHK.

Pour Carlos Ghosn, qui séjourne actuellement dans une petite cellule d’un centre de détention de Tokyo, c’est une troisième étape qui s’ouvre sur le front judiciaire. Un imbroglio qui risque d’alimenter les critiques sur la justice nippone.

LQ/AFP