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Notre-Dame : menacé, Le Bras Frères nie toute responsabilité


Les douze salariés d’Europe Échafaudages, filiale de Le Bras Frères, ont été entendus par la police judiciaire, chacun plusieurs fois. (photo AFP)

Après l’incendie de Notre-Dame de Paris, Julien Le Bras, PDG de l’entreprise Le Bras Frères à Jarny en Meurthe-et-Moselle et représentant de sa filiale Europe Échafaudages, s’est exprimé mercredi. Le patron se dit de plus en plus serein. «Qu’on sache rapidement ce qui s’est passé pour être mis hors de cause.»

«Lundi, lorsque j’ai eu connaissance de l’incendie, se souvient Julien Le Bras, j’ai été submergé par l’émotion. C’est presque inqualifiable. Puis tout s’est mélangé. Des questions sur les fautes potentielles. J’étais à la fois inquiet et bouleversé.»

Depuis Jarny, le patron s’est rendu sur Paris. «Sur le trajet, j’ai appelé les salariés sur le site. Mon message était clair. Je voulais déculpabiliser chacun et leur dire que si une faute avait été commise, il fallait le dire tout de suite.» Mais les salariés avaient beau tourner et retourner chaque geste et procédure accomplis, ils étaient certains d’avoir tout respecté.

Les douze salariés d’Europe Échafaudages, filiale de Le Bras Frères, ont été entendus par la police judiciaire, chacun plusieurs fois. «Ils ont apporté tous les éléments nécessaires avec une vraie volonté de collaborer. Qu’on sache le plus rapidement possible ce qui s’est passé et qu’on soit mis hors de cause», affirme Julien Le Bras.

«C’est facile de nous pointer du doigt»

Car pour l’entreprise et ses quelque 200 salariés «c’est un calvaire. On subit. Il faut être forgé pour supporter ça. C’est facile de nous pointer du doigt. Mais plus les jours passent, plus je me sens serein. J’ai la ferme conviction qu’on n’est pas lié à l’événement.»

Si le chantier de l’échafaudage n’est pas en cause, c’est le grand mystère. «Franchement, c’est dur à expliquer. Il n’y avait pas de travaux par points chauds ni travaux électriques.» Quelques personnes seulement s’attelaient au montage de l’échafaudage. «Le montage, c’est un marteau et une clé de 22!»

Soudure, court-circuit électrique? «Les gens parlent beaucoup sans savoir. Il n’y avait pas de soudure sur plomb comme j’ai pu l’entendre. Certains ont même parlé de soudure sur bois! Quant à l’alimentation électrique, elle a été homologuée par un organisme agréé. Les ascenseurs étaient distincts de 7-8 mètres de la cathédrale.»

En fin de chantier, comme le préconise une des multiples et draconiennes mesures de sécurité, les hommes ont coupé l’alimentation électrique propre au chantier, lumières et ascenseur. «L’armoire électrique est alors fermée à clé et la clé remise au concierge», a expliqué Marc Eskenazi, conseiller en cette période de crise. «Au moment du départ de l’incendie, plus aucun salarié n’était sur place», assure-t-il

Côté charpente, Julien Le Bras exprime la surprise de beaucoup de spécialistes : «Il faut une vraie source de chaleur pour enflammer de telles sections de bois.» Alors le PDG s’interroge et n’exclut pas l’intrusion, le pari stupide. «Beaucoup de gens cherchent à monter en haut de Notre-Dame.»

Entre menaces et insultes, des salariés sous pression

Que ce soit chez Europe Échafaudage ou Le Bras frères, le standard reste ouvert. La voix des secrétaires est calme, chaque message est transmis. Pourtant, les cœurs saignent.

Les salariés Le Bras, si fiers de leur entreprise et son expertise, sont sonnés même si les chantiers suivent leurs cours. Ils ne croient pas en la faute, connaissent la rigueur exigée, n’osent imaginer ce que ressentent les douze collègues du chantier Notre-Dame. Ce devait être leur chantier emblématique, c’est devenu leur cauchemar. Du PDG à l’apprenti, c’est dur, peu imaginable lorsqu’on ne le vit pas.

Heureusement, il y a les marques de soutien : le Louvre, Versailles – des ornements de la chapelle de Versailles sont actuellement dans les ateliers pour restauration – la DRAC de l’Île de France… « Clients, architectes, confrères et inconnus nous adressent leur soutien. Ça fait du bien. Beaucoup se disent étonnés car ils connaissent notre sérieux et notre rigueur», confie Julien Le Bras.

Traité d’«assassin»

Mais lumière et ombre se côtoient toujours. S’il y a soutien, il y a aussi insultes et menaces, coups de fil anonymes et violences verbales. Le mot «assassin» a même été prononcé à l’encontre d’un salarié.

À cela, se sont cumulées des dizaines, voire centaines de requêtes de la presse régionale, nationale et internationale. Insultes même de la part d’un journaliste américain éconduit. Il faut être solide pour supporter tout ça. Concernant la presse, pour ne pas être débordé et poser des limites tout en choisissant de communiquer, Julien Le Bras a décidé de ne s’adresser qu’aux médias régionaux.

Laurence Schmitt avec Grégory Ingelbert/RL